Ce cinquième épisode de la nouvelle version de Kick-Ass est l'avant-dernier de l'arc narratif et il sort au moment où le cinéaste Matthew Vaughn, complice de Mark Millar, annonce son intention d'en tirer un film (ainsi que d'exploiter en série Kingsman: the secret service). Dans sa parution physique, la série prépare donc la conclusion de son (premier ?) acte et les choses se gâtent sérieusement pour Patience Lee, sous le crayon inspiré de John Romita Jr..
La situation de Patience Lee n'est guère reluisante et elle en est la première responsable à cause de sa double vie : son beau-frère Maurice, complice d'un truand notoire, est hospitalisé, gravement brûlé ; sa soeur est désespérée à cause de cela ; elle-même se remet tout juste des blessures que lui a infligée Violencia (qui est de nouveau incarcéré). Pire, mais cela, elle l'ignore, Hoops Lucero vient de faire appel à Mister Solo.
Ce dernier est un traqueur-nettoyeur redoutablement efficace : il le prouve en localisant rapidement Kick-Ass grâce à des recoupements téléphoniques et géographiques. La justicière doit opérer dans un périmètre à la fois assez éloigné de sa base pour ne pas compromettre ses proches mais assez proche pour y revenir rapidement.
C'est aussi une femme bien entraînée, militaire ou policière, ce qui correspond à une seule personne : Patience Lee, ex-officier de l'armée ayant opéré en Afghanistan, domiciliée non loin de là où ont été ciblés les intérêts de Lucero.
Patience a la tête ailleurs : elle a fait ses comptes et estime qu'il lui faudrait un million de dollars pour réaliser ce qu'elle veut - payer les frais médicaux de Maurice, aider sa soeur et ses parents, subvenir aux besoins de ses enfants, refaire sa vie, et donner aux bonnes oeuvres de son quartier. Pour ça, elle doit braquer le domicile de Lucero qui, pense-t-elle, doit garder au moins cinq millions en cash chez lui.
Mais elle n'aura pas le temps de passer à l'action : Solo et huit hommes armés s'introduisent chez elle et, menaçant sa fille Grace, l'obligent à les suivre hors de la ville, dans une usine où l'attend un interrogatoire musclé pour savoir qui est son boss avant d'être exécutée...
L'aisance dont fait preuve Mark Millar pour dérouler son histoire est toujours remarquable : non pas qu'il réinvente la roue avec Kick-Ass, dont la simplicité est le premier argument, mais il sait indéniablement doser ses effets et faire monter la sauce pour arriver précisément là où il avait prévu de nous emmener.
Patience Lee a fait preuve de trop de confiance en elle et en mesure aujourd'hui le prix, littéralement, comme en témoigne son visage couvert de pansements. Sa suffisance a failli lui coûter cher à plusieurs reprises et sa rencontre avec Violencia s'est soldée par une victoire à la Pyrrhus. Elle a non seulement morflé mais ses actions ont eu des conséquences sur son entourage puisque son beau-frère - certes peu recommandable - est à l'hôpital dans un état critique.
A tous points de vue, c'est l'heure des comptes et les deux parties adverses s'y livrent : Patience a calculé qu'il lui faut encore commettre un coup pour être à l'abri, mais la partie est risquée, à la hauteur du montant convoité. Hoops Lucero, qui est dans son viseur, est aussi à la manoeuvre : il a engagé un coûteux liquidateur mais qui fait la preuve son efficacité rapidement, trouvant Kick-Ass, découvrant sa véritable identité, ses antécédents, et la piégeant.
Deux flash-backs traversent l'épisode, renvoyant Patience sur le théâtre de guerre dont elle est revenue récemment, et leur évocation n'est pas innocente : d'abord, on la voit prendre une balle tirée par un sniper à la place d'un de ses soldats et c'est une métaphore pour les coups qu'elle reçoit en voulant mettre les siens à l'abri, un rappel aussi de sa vulnérabilité malgré sa formation militaire. Ensuite, c'est le souvenir amer d'un engagement dans un conflit où, comme tout combattant en première ligne, elle a servi de chair à canon, sans saisir les enjeux de la situation, mais en servant malgré tout loyalement - une loyauté mal payée, non reconnue à son retour à la vie civile et qui motive ses braquages aujourd'hui, sa revanche sociale.
La morale à tirer de cela, c'est qu'on est toujours le pauvre pion de quelqu'un de plus puissant, riche, haut placé : hier dans l'armée, aujourd'hui dans un quartier communautaire. Autrefois aux ordres d'officiers. Désormais contre un gangster comme Hoops Lucero.
John Romita Jr. illustre ça avec une vigueur vraiment retrouvée : ce retour chez Millar lui aura fait un bien fou et aura rassuré ceux qui l'appréciaient tout en se demandant comment il avait pu être si inégal ces dernières années, aussi bien chez Marvel que chez DC (où il s'apprête à revenir, mais par une porte dérobée, pour un roman graphique écrit par Frank Miller : le très attendu Superman : Year One, dont il a débuté la réalisation en parallèle à Kick-Ass).
L'artiste se fait plaisir tout en restant sage dans son découpage, ne s'autorisant qu'une double page (qui ne présente pas une scène d'action). D'avoir été assisté par Peter Steigerwald pour l'encrage et la colorisation a allégé son trait, épuré son graphisme : c'est véritablement comme une cure, après être passé par des partenaires comme Janson, Miki et d'autres, qui ont échoué à redynamiser JR Jr.
Millar rêve à Tessa Thompson (la Valkyrie de Thor : Ragnarok) pour incarner Patience Lee, ce qui serait un choix parfait. En tout cas, le scénariste et son acolyte, à un mois de conclure leur histoire, ont réussi à relancer le concept de cette série avec une vigueur réjouissante.
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