mardi 5 juin 2018

SANS UN BRUIT, de John Krasinski


Si vous ne savez pas quel film aller voir le Mercredi 20 Juin prochain, donnez une chance à Sans un Bruit, une authentique série B, très efficace, qui a fait un carton inattendu aux Etats-Unis, remboursant très largement son modeste budget. Et consacrant, de façon tout aussi inespéré, son acteur-réalisateur, John Krasinski, après un précédent opus calamiteux (La Famille Hollar, affreux mélange de mélo et de romance).

 Evelyn et Lee Abbott (Emily Blunt et John Krasinski)

La famille Abbott - Lee le père, Evelyn la mère, la fille aînée Regan, le fils cadet Marcus et le benjamin Beau - traversent les Etats-Unis à pied et font une halte dans une bourgade déserte. Ils s'approvisionnent dans une épicerie mais en prenant soin de ne faire aucun bruit, ne communiquant entre eux qu'en langage des signes. Beau veut prendre avec lui un jouet, un avion, mais ses parents refusent, craignant qu'il ne soit trop bruyant. Mais sa soeur Regan le lui permet alors qu'ils reprennent la route. Alors qu'ils atteignent un pont, Beau allume son jouet duquel retentit des sirènes. Avant que son père n'ait eu le temps d'intervenir, le garçon est emporté au loin par une étrange créature. 

Lee et Marcus Abbott (John Krasinski et Noah Jupe)

Un an après, les Abbott se sont établis dans un abri sous terre à proximité d'une maison. Lee a installé des écrans de contrôle et travaille à des prothèses auditives pour Regan, qui est sourde. Evelyn attend un nouvel enfant et sa grossesse arrive à son terme. Traumatisés par la mort de leur frère, Regan culpabilise tandis que Marcus rechigne à suivre son père lorsqu'il veut l'emmener pêcher, de peur de croiser une créature.

Evelyn

En l'absence du père et du fils, Regan décide de fuguer pour ne plus être un poids pour les siens. Elle ignore que sa mère ressent les premières contractions et que la douleur lui a fait pousser un cri, attirant une créature en direction de la maison où elle se trouvait dans la chambre décorée pour son futur nouveau-né. Elle redescend dans l'abri mais se blesse à un pied en marchant sur un clou et ne peut réprimer un nouveau cri, facilitant l'orientation du monstre dehors.

Marcus et Lee

Marcus et Lee rentrent à la maison alors que le soir tombe et remarquent, en approchant de leur base, que les guirlandes qui la délimitent son allumées : c'est le signal utilisé par quelqu'un à l'intérieur de chez eux pour prévenir d'un danger dans la zone. Le père convainc difficilement son fils de créer une diversion en déclenchant des feux d'artifices puis d'aller se cacher auprès de sa mère et sa soeur pendant que lui s'occupe de repérer la créature.

Evelyn

Evelyn, dans l'abri souterrain, accouche en tentant de garder le silence malgré la douleur, mais la créature a réussi à se glisser dans la pièce et essaie de la localiser. Marcus déclenche les feux d'artifices et part se cacher en direction d'un silo à grain. Regan, aux abords de la zone, aperçoit les illuminations et fait demi-tour. Elle retrouve son frère et ils vont se planquer ensemble.

Marcus et sa soeur aînée Regan (Noah Jupe et Millicent Simmonds)

Armé d'une hâche, Lee réussit à tuer une créature puis cherche à savoir où est Marcus lorsqu'il remarque un feu allumé au sommet du silo à grain. Regan désespère que leur père vienne les chercher et en glissant, tombe dans le silo, manquant d'être englouti par les grains. Mais Marcus réussit à la tirer de là, juste avant qu'une créature ne les surprenne. Evelyn, dans l'abri, met son bébé à l'abri dans un coffret aéré puis réussit à saisir un fusil avec lequel elle tue la créature.

Marcus, Regan et leur père, Lee 

La détonation surprend Lee qui retrouve au même moment Marcus et Regan alors que la créature dans le silo resurgit. Les deux enfants vont se mettre à l'abri auprès de leur mère et, pour cela, Lee se sacrifie en attirant à lui la créature. Le monstre suit ensuite les enfants jusque dans l'abri.

Evelyn et Regan

Face à la mère et ses trois enfants, la créature est vaincue grâce à une manoeuvre astucieuse de Regan qui, en remarquant les notes de son père sur leurs forces et faiblesses, apprend qu'elles sont sensibles à une fréquence sonore spéciale. En amplifiant le signal de sa prothèse auditive dans un micro, l'adolescente désoriente la créature que sa mère achève d'un coup de fusil. Sur les écrans de contrôle, d'autres créatures approchent, attirées par la détonation, mais les Abbott les attendent, armés, et sachant désormais comment les surprendre.

John Krasinski a développé le script initial écrit par Bryan Woods et Scott Beck d'après une idée commune des trois hommes pour en tirer la substantifique moëlle. Le résultat : un film d'épouvante d'à peine 90 minutes très efficace mais qui poursuit l'exploration du thème de la famille cher à l'acteur-scénariste-réalisateur.

D'autant plus cher qu'il a pu travailler avec sa propre épouse, Emily Blunt, indisponible pour ses précédents passages derrière la caméra en raison d'un agenda fourni (due à une notoriété plus grande - et qui va certainement s'amplifier encore puisqu'elle sera la nouvelle incarnation de Mary Poppins dans le remake du film de Robert Stevenson).

Ce qui est très appréciable avec ce A Quiet Place, c'est qu'il ne cherche pas à se faire plus gros qu'il n'est : c'est une série B affichée, assumée, avec ce que cela inclut - budget modeste, action concentrée, personnages réduits, efficacité maximale, thématiques simples. On est dans une histoire de survivants sans trop savoir ce qui a décimé la population, ni en quelle année on est exactement, et donc la menace toujours présente reste longtemps hors champ ou entraperçue. Il s'agit en fait de bestioles, sûrement extra-terrestres, aveugles, mais à l'ouïe très développée, dont la peau est blindée et qui attrape et tue (et dévore sûrement) tout ce qu'elle peut.

On peut regretter que Krasinski n'ait pas eu le culot d'aller jusqu'au bout de ses audaces en s'inspirant d'un maître comme Jacques Tourneur et en ne montrant pas les créatures, en jouant avec une caméra subjective pour adopter leur point de vue par exemple, ou en ne les faisant voir que très rapidement comme dans la première séquence (quand le petit Beau est victime). En les voyant, on est presque déçu car leur aspect renvoie trop évidemment à bien des monstres modernes, en particulier celui de la saga Alien designée par Giger.

Mais il n'empêche que le film est très accrocheur, entretenant une tension permanente avec des moyens limités mais très bien exploités. Le recours au langage des signes, la révélation que Regan est sourde (ce qui l'handicape doublement mais lui permet aussi, in fine, de trouver un moyen de piéger les créatures) aboutissent à des situations parfois too much (la grossesse d'Evelyn - est-ce vraiment prudent d'avoir un bébé dans un monde condamné au silence ? - et les épreuves qu'elle traverse - le travail d'accouchement qui débute, le clou sur lequel elle marche) mais diablement prenantes.

La mise en scène est sobre mais le rythme nerveux ne laisse pas le temps de reprendre son souffle (la seule pause notable est la scène de pêche), et elle dispose des personnages avec adresse en les séparant de manière certes opportuniste mais réaliste, compte tenu de leur état psychologique (la peur de Marcus, la prudence de Lee, la culpabilité de Regan, le chagrin et l'espoir mêlés d'Evelyn).

Les acteurs sont tous impeccables, dirigés au cordeau, ils n'ont pas besoin d'en rajouter pour nous faire sursauter et frissonner pour leurs personnages. John Krasinski n'est pas un comédien exceptionnel mais parfait dans cette partition de père de famille prêt à tout. Emily Blunt a un rôle plus intense et nuancé qu'elle sait jouer avec force, y compris quand ce qu'elle subit est surhumain. Les deux enfants - Millicent Simmonds alias Regan et Noah Jupe alias Marcus - sont sobres à souhait.

Le concept du film est basique, tellement qu'on a du mal à croire qu'il n'ait jamais été employé auparavant. Cela augmente le plaisir qu'on prend à ce divertissement dont le meilleur atout est son humilité mais aussi son potentiel merveilleusement employé. 

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