La couverture de ce deuxième épisode (sur cinq) de Big Game ne laisse aucune place au doute : c'est un bain de sang au programme. Mark Millar casse ses propres jouets avec une férocité étonnante et les forces du mal font la preuve de leur puissance. Pepe Larraz illustre ce carnage avec une intensité impressionnante. A moins que tout cela ne dissimule autre chose...
Edison Crane et Bobbie Griffin ont rendez-vous avec les Chrononautes Corbin Quinn et Daniel Reilly pour remonter le temps jusqu'en 1985 avant que la Fraternité n'anéantissent tous les super-héros et n'effacent leur souvenir de la mémoire collective. Un plan simple et malin mais qui va se heurter à une réalité sanglante...
La couverture, comme je l'écris plus haut, spoile allégrement une partie majeure de cet épisode puisqu'on y voit Nemesis avancer entre les cadavres reconnaissables à leurs uniformes des Ambassadors. Ils ne seront pas les seuls à être exterminés dans ce numéro qui est un vrai bain de sang et où Mark Millar s'est réjoui de briser les coeurs de nombreux fans.
Plus que le spectacle de ces massacres très violents, ce qui m'a davantage séduit dans cet épisode, c'est peut-être ce qu'il ne dit pas, ce qu'il pourrait suggérer sur la suite et l'issue de Big Game. Car si le scénariste ne fait pas mystère de sa volonté de mettre fin à certaines de ses propres séries via cet event, Big Game ne doit certainement pas se contenter d'être cela.
Mark Millar aime en effet les retournements de situation, parfois capillotractés, et s'il veut se débarrasser de beaucoup de ses propres personnages, c'est non seulement son droit, mais surtout un manifeste pour le futur de son univers de fiction.
Il semble acquis qu'il va créer de nouvelles franchises (après tout c'est pour cela que Netflix s'est payé son label) et certains de ses héros n'étaient plus actifs (au sens où leurs séries s'étaient arrêtées depuis un moment) depuis longtemps, donc sacrifiables.
Pourtant, dans sa manoeuvre, Millar s'auto-court-circuite car en ayant annoncé avant Big Game qu'il y aurait un troisième volume des aventures de Prodigy ou un deuxième des Ambassadors, on se doute bien qu'en assassinant les deuxièmes dès la couverture, c'est qu'il a préparé une sorte de plan B pour les ramener ou au moins permettre une suite aux six premiers épisodes de ce titre récent.
Il y aura donc des morts définitives dans les trois prochains épisodes restants, mais je suis également persuadé qu'on va avoir droit à des résurrections ou des sauvetages (à un niveau conceptuel au moins) pour que Big Game ne soit pas réduit à une opération de grand nettoyage.
A cet égard, le début de cet épisode pourrait fournir une piste puisqu'on suit les Chrononautes avec Edison Crane et Bobbie Griffin jusqu'en 1985 et on voit apparaître un homme volant (sans doute Utopian, le père des super-héros de Jupiter's Legacy). Si cette expédition dans le passé est très brève et connait un dénouement fulgurant, le nombre de pages qui lui est consacré me conforte dans l'idée que ce n'est pas une séquence pour rien. La réponse aux assauts de la Fraternité et Nemesis viendra certainement du passé (et sans doute du futur et de l'espace, voir de l'au-delà puisqu'on sait qu'à un moment où un autre les héros de séries comme Empress, Space Bandits, Sharkey the bounty hunter, Reborn, etc. vont être impliqués).
Toutes les cibles de la Fraternité ne tombent d'ailleurs pas comme prévu et si ces méchants sont très bien organisés et efficaces, on voit dans la scène qui réunit Hit Girl (de sa propre série et de Kick-Ass avant) et Eggsy (de Kingsman) que le camp des bons a des informations cruciales sur des séries de meurtres en cours.
Pepe Larraz a le loisir de briller dans un registre qui ne lui est pas familier, celui d'une ultra-violence à laquelle Millar ne s'était pas abandonné depuis quelque temps. L'artiste espagnol produit des pages débordantes d'énergie où le côté obscur fait l'étalage de sa puissance de feu et Nemesis de sa cruauté sans limite.
Est-ce dérangeant ? Un peu quand même. Parce que le dessin de Larraz a une force esthétique indéniable, la mise en scène de cette violence a quelque chose de séduisant. Millar ne lésine pas sur les dommages infligés aux héros, les combats sont d'ailleurs à sens unique, on sait tout de suite que les héros vont se ramasser et face à Nemesis, ils connaissent un sort terrible. La dernière page a cet aspect complaisant avec cette brutalité qui ne me paraît jamais justifiable, sinon pour souligner le bellicisme d'un personnage - sauf que ledit personnage n'a jamais fait preuve d'aucune indulgence envers ses ennemis, donc c'est inutile d'y revenir.
Ce qui est étonnant aussi, c'est la place accordé à Nemesis, comme si la Fraternité et Wesley Gibson le laissait seul monter au front et s'amuser. Il faut reconnaître que ça ne colle pas avec l'idée d'une organisation criminelle remplie de tueurs expérimentés qui devrait en tout logique ne pas laisser Nemesis faire tout le boulot, malgré son impressionnante efficacité. Peut-être que Millar se réserve des scènes de bataille de groupe pour quand le Fraternité devra affronter des puissance plus redoutables comme l'Ordre Magique ou Superior, qui incarnent une menace et une résistance autrement plus redoutables que les Ambassadors (qui étaient relativement inexpérimentés).
Mais ces bémols mis à part, on ne peut nier à Millar et Larraz un brio certain. La preuve en est que, arrivé à la dernière page, on se dit "déjà !". Big Game est donc un terrifiant page turner, qui fonce comme un train, à toute allure, sans aucune autre série du MillarWorld à côté, sans tie-in, devenant l'unique objet de notre attention. Après ce qu'on vient de voir dans cet épisode, on se demande vraiment jusqu'où ça va aller. Et ça, c'est parfait.
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