Comme c'est devenu la coutume, Batman - Superman : World's Finest propose un interlude entre deux nouveaux arcs et à cette occasion Mark Waid fait équipe avec un autre artiste que Dan Mora (qui signe quand même la couverture). Cette fois, avant de revenir à une nouvelle aventure, on a droit à un entracte en deux parties illustré par Travis Moore et dans lequel on remonte encore plus loin dans le passé puisqu'on va assister à la première rencontre entre Superman et Batman.
Gotham. Deux affaires occupent Batman et le GCPD : d'un côté, le Sphinx cambriole plusieurs banques, et de l'autre, on assiste à des disparitions soudaines d'individus, dont le majordome de Bruce Wayne, Alfred. Lorsque Clark Kent découvre que les énigmes du Sphinx sont rédigées en kryptonien, il quitte Metropolis pour Gotham...
Mark Waid est un grand collectionneur de comics du golden age (avant les années 1950 donc), et particulièrement des bandes de Superman. Sa connaissance au sujet du Man of Steel est encyclopédique et d'une certaine manière, il était logique qu'avec une série comme World's Finest, il finisse pas remonter le temps jusqu'à cette époque.
Dans le tout premier épisode de World's Finest qu'il a écrit, on assistait à un bref flashback où Batman sollicitait l'aide de Superman car le Pingouin avait kidnappé Robin et on devinait que les deux héros collaboraient pour une de leurs premières fois. Comment alors avaient-ils fait connaissance et su se faire confiance ?
C'est à cette question que se propose de répondre cet épisode (et le suivant). Mais, en vérité, à quand exactement, dans l'Histoire des comics Superman et Batman ont ils fait pour la première fois équipe ? J'ai mené l'enquête.
Ci-dessus figure la couverture de Superman #76 (1952) qui met en scène la première rencontre pré-Crisis on Infinite Earths du Dark Knight et du Man of Steel. L'épisode est écrit à trois par Edward Hamilton, Bill Finger et Bill Woolfolk et dessiné par Curt Swan. L'action se déroule sur paquebot et déjà, très vite, l'un comme l'autre devinent leur identité secrète et affichent leur complémentarité.
Post-Crisis, c'est dans Man of Steel #3 (1986) de John Byrne (scénario et dessin) que Superman et Batman se croisent pour la première fois dans le contexte rebooté du DCU et là, les choses sont déjà plus conflictuelles puisque Superman prend Batman pour un vilain avant de l'aider à arrêter Magpie.
On retrouve justement cette vilaine, au look impayable, dans World's Finest #18, mais l'intrigue propose une nouvelle version de la première alliance entre Superman et Batman. Mark Waid a une idée très maline pour les confronter, de telle sorte que, comme chez Byrne, ils ne s'apprécient pas tout de suite, avant, comme à l'époque du golden age, ils comprennent qu'à deux, ils sont imbattables.
On pense d'abord que l'enquête concernant le Sphinx et ses énigmes écrites en kryptonien et ces affaires de disparitions n'ont aucun rapport et que, peut-être, Waid va profiter de cet arc en deux parties pour résoudre une chose après l'autre. Mais en fait, avec une remarquable fluidité, il lie les deux investigations pour aboutir à un cliffhanger très accrocheur.
L'apparition de Superman dans le bureau de Jim Gordon est un moment savoureux, le commissaire révélant avoir toujours douté qu'un homme puisse voler comme le protecteur de Metropolis (cela rappelle cette ligne de dialogue dans Batman : Year One où Alfred évoque dans le nommer Superman avant que Batman ne teste son aile volante). Jim Gordon réfléchit ensuite brièvement à voix haute en se demandant si ce ne serait pas une bonne idée d'installer sur le toit du commissariat central un Bat-signal afin de contacter plus rapidement le dark knight.
Mark Waid nous régale de plusieurs réparties du même style comme quand Batman et Superman parcourt Gotham de nuit et que le premier réussit à identifier d'où peut venir le second d'après son accent, sa façon de parler (et il tombe évidemment juste). Ou plus tard quand Bruce Wayne réussit à démasquer Clark Kent grâce des satellites (dont Lex Luthor serait jaloux, affirme-t-il) qui retracent les déplacements de Superman à Metropolis. Mais Superman sait aussi rapidement qui se cache sous le masque de Batman et le lui fait savoir avec un sourire malicieux.
J'avoue qu'un seul détail m'a fait tiquer : c'est lorsque Jimmy Olsen montre à Clark sur une tablette l'inscription en kryptonien laissée par le Sphinx dans le coffre d'une banque. Déjà dans World's Finest : Teen Titans, Waid montre que Speedy est accro aux réseaux sociaux et qu'il streame les interventions de l'équipe. Ces outils modernes dans des épisodes censés se dérouler dans le passé sont, je trouve, maladroits, malvenus. Je préférerai que Waid s'en tienne à quelque chose de plus daté, ou en tout cas de moins contemporain car, là, du coup, on a l'impression que le passé dans lequel s'inscrivent ces séries n'est pas si/assez éloigné.
Mora occupé à dessiner des épisodes d'avance pour Shazam ! (qui revient en Septembre) et World's Finest (à paraître en Octobre), c'est donc Travis Moore qui a été rappelé pour le suppléer. Si son dessin n'a pas le même dynamisme que celui de son collègue, il compense par un trait toujours élégant.
On pourra être dérouté par le masque qu'il dessine à Batman mais il correspond à celui des origines du personnage avec la face sombre sur une cagoule bleue. D'ailleurs, Tamra Bonvillain applique des couleurs qui semblent plus claires, plus pales comme pour souligner l'ancienneté du récit, avant que les costumes des personnages aient possédé leurs teintes définitives, plus foncées.
Moore n'est pas du genre à adopter un découpage excentrique, c'est même très sage. Trop peut-être. Mais sans doute a-t-il suivi le script et voulu ainsi revenir au classicisme des comics du golden et silver age où rien ne débordait. A l'exception notable d'une splash-page à la fin de l'épisode. Mais n'y voyez pas un reproche de ma part : le boulot de Moore est toujours impeccable, très clean, c'est un fill-in de grande qualité.
Suite et fin le mois prochain. Avant un bond annoncé dans le futur, en direction d'un grand classique de Mark Waid qui s'offre une revisite d'un de ses chefs d'oeuvre...
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