lundi 15 octobre 2018

WONDER WOMAN #56, de James Tynion IV et Emanuela Lupacchino - THE WITCHING HOUR, pt. 2


Après le prologue paru la semaine dernière, le crossover The Witching Hour se poursuit dans les pages de Wonder Woman. James Tynion IV reste aux commandes mais cette fois c'est Emanuela Lupacchino qui s'occupe des dessins. L'intrigue avance laborieusement, de manière très explicative. Le décollage se fait attendre.


L'île d'Eéa. La Justice League Dark et John Constantine accostent et Wonder Woman débarque en invoquant tout de suite, malgré la mise en garde de Zatanna, la pensionnaire du lieu, la déesse Circé. Celle-ci se manifeste, très mécontente, jusqu'à ce que l'amazone lui montre la marque de Hécate sur son front.


Au même moment, au Nouveau-Mexique. La magicienne Manitou Dawn quitte l'école où elle enseigne en proie à une terrible migraine. Elle aussi porte la marque de Hécate et obéit à sa volonté. Elle rassemble ses forces et s'envole pour une mission inconnue.


Chez Circé, Wonder Woman et ses amis en apprennent plus sur les origines de Hécate, véritable force primordiale, mère de la magie, déjà là avant que les dieux ne marchent sur Terre. Bien des sorciers ont cherché à acquérir ses pouvoirs, aussi pour les protéger et les récupérer le moment venu, elle a choisi et marqué plusieurs femmes auxquelles elle a transmis une partie de sa puissance.


Cependant, Deadman apprend ce qui s'est passé au Nouveau-Mexique. Wonder Woman interroge Circé pour savoir si elle pourrait l'aider à utiliser la magie que lui a transmis Hécate contre elle. Zatanna s'emporte contre cette stratégie suicidaire, compte tenu des enjeux - Hécate veut détruire la magie actuelle pour la remplacer par la sienne et refaçonner la réalité - et de l'inexpérience de l'amazone.


La dispute sur le point d'éclater est évitée par l'apparition de Deadman qui prévient la Justice League Dark de l'assaut mené par Manitou Dawn contre la cité sacrée de Nanda Parbat actuellement. Wonder Woman profite de la distraction provoquée par Boston Brand pour, avec Circé, réactiver le pouvoir que lui a donné Hécate...

C'est décidément un bien curieux crossover qu'a bâti James Tynion IV (à moins qu'il ne s'agisse d'une commande imposée par son staff éditorial). Et cet épisode de Wonder Woman en souligne tous les défauts sans que les qualités qu'il comporte ne rattrapent vraiment l'ensemble.

Le prologue de la semaine dernier présentait quelques scènes mémorables, en particulier l'incinération massive de magiciennes au bar Oblivion. Le procédé n'était guère subtil mais frappait l'esprit tout en démontrant que Hécate ne rigolait pas. A côté, on avait droit à une utilisation maladroite de la Justice League, vite hors-jeu, et toujours pas de mobilisation de la communauté magique (ce qui devient quand même ridicule).

Désormais, il semble bien que John Constantine soit intégré à la Justice League Dark (au moins le temps de cette mission). La présence de Deadman renvoie à la précédente incarnation de l'équipe (lors des "New 52", quand la série était écrite par Peter Milligan puis Jeff Lemire et Ray Fawkes). Ne manque plus que Black Orchid et Frankenstein et la JLD sera au complet... Ce qui a pour effet, plutôt embarrassant, de souligner à quel point la composition de l'équipe actuelle a du mal à s'imposer (puisque les anciens membres viennent à sa rescousse).

En effet, cet épisode ne répondra pas à la question de l'utilité de Man-Bat, Swamp Thing et Chimp (ce dernier semblant n'être là que pour maugréer avec ironie, pendant que Alec Holland regarde le temps passé et que Kirk Langstrom fait des grimaces). Quand on compare la dynamique de cette JLD avec celle des "Gotham Knights" de Detective Comics écrit par le même scénariste, on ne peut qu'être frappé par l'absence de liant entre ses membres, son côté bancal et sa narration défaillante. Et lorsqu'une tension apparaît, elle oppose Wonder Woman et Zatanna invariablement, mais sur un modèle très proche de Batman et Batwoman jadis (en gros la chef têtue contre la véritable experte).

Il manque donc beaucoup de choses quand même à ce projet, du souffle, de l'empathie pour les héros, une constance dans la menace, des seconds rôles consistants (Circé est plus là pour expliquer que pour résoudre). Et, surtout, quelle bizarrerie qu'un épisode entier sans montrer une seule fois la méchante en action (Hécate n'apparaît que dans le récit de Circé sur ses origines) !

Emanuela Lupacchino illustre cela avec beaucoup de talent : l'italienne est un excellente dessinatrice bien qu'elle n'ait jamais eu la confiance de DC (qui l'utilise surtout comme fill-in). Encrées par Ray McCarthy, ses pages ont une vraie fluidité, au point de se passer de cadres pour mieux laisser respirer l'image (l'apparition théâtrale de Circé). Les personnages possèdent un charme presque rétro, et compensent par leur charisme bien traduit de petites maladresses dans la composition des plans.

La rondeur du style de Lupacchino a cependant du mal à exprimer le climat censé être oppressant d'une telle histoire (elle est plus faite pour les récits plus légers, comme la brève série Starfire écrite par Amanda Conner et Jim Palmiotti). Mais en même temps il est très expressif.

Tout ça, c'est peut-être le plus étonnant, reste agréable à lire. On est déçu mais pas consterné. Il va falloir quand même beaucoup de force de persuasion à James Tynion IV pour que son crossover gagne en intensité. Rendez-vous dans Justice League Dark #4 pour la suite...

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