jeudi 11 octobre 2018

SUPERMAN #4, de Brian Michael Bendis et Ivan Reis


Le premier arc de Superman par Brian Michael Bendis et Ivan Reis se poursuit ce mois-ci. Et l'histoire prend une dimension guerrière plus affichée. Le grand combat, que tout le monde attendait, a bien lieu. Mais quel est le prix d'une victoire ? Réponse dans cet épisode où il est en fait surtout question de tactique et de sacrifice...


Superman fonce sur l'armée formée par Jax-Ur et menée par Rogol Zaar. Il sait qu'il ne peut vaincre ce dernier en combat singulier. Encore moins avec tous ses alliés qu'il a rassemblés. Mais ce n'est pas l'objectif du kryptonien.


Car Superman veut surtout distraire ses ennemis, gagner du temps pour la Terre qui se meurt dans l'environnement toxique de la Zone Fantôme. Ses amis super-héros, parmi les plus grands esprits de la planète, cherchent un moyen de renvoyer notre monde dans sa dimension.


Submergé par ses assaillants, Superman est frappé par Rogol Zaar. Groggy, il se laisse chuter jusque sur Terre. Durant sa descente, il se remémore une discussion avec son fils Jon alors que celui-ci exprimait sa colère envers les humains qui se méfiaient des surhommes, quand bien même ceux-ci agissaient pour leur bien.


En bon père de famille, qui avait déjà ressenti cela, Superman expliqua qu'il avait appris que se retourner contre plus faible que soi n'était jamais une réponse. Il fallait savoir replacer les faits en perspective pour les intégrer et en tirer une leçon, comme le lui avait inspiré Batman.


Revenu à lui, Superman écarte Jax-Ur et lui dévoile la vraie mission de Rogol Zaar (éliminer tous les kryptoniens) et donc l'absurdité de leur alliance (Jax-Ur étant kryptonien). Puis, éloignant Zaar de la Terre, il ordonne à Atom d'exécuter son plan : réduire la Terre et la re-déplacer dans sa dimension avec le projecteur de la Zone Fantôme. Manoeuvre réussie ?
   
La variant cover d'Adam Hughes.

Cette fois, on entre dans le feu de l'action et Brian Michael Bendis ne cherche plus à différer la bataille : dès la première page, et durant la majorité de l'épisode, Superman affronte une armée d'anciens criminels exilés là par les kryptoniens.

Bien entendu, et ce n'est que justice, on retiendra les efforts déployés par Ivan Reis pour traduire toute l'ampleur, la férocité, le côté désespéré de ce combat. Le dessinateur brésilien donne encore une fois tout ce qu'il a dans ses planches spectaculaires, abondant en détails, au réalisme puissant. On songe plusieurs fois à une de ses influences évidents, Neal Adams, pour cette façon de transcrire très physiquement l'intensité des coups, n'hésitant pas à souligner la dramaturgie titanesque en jeu.

Graphiquement, Reis appuie sur la monstruosité esthétique et morale de Rogol Zaar en opposition à la beauté athlétique et au courage de Superman. Le manichéisme est voulu et assumé : d'un côté, un affreux méchant, une brute défiguré, qui veut tuer son adversaire et y met toute la rage requise ; de l'autre, un preux chevalier, qui sait et dit d'entrée de jeu qu'il ne peut gagner mais agit en tacticien, calquant sa manoeuvre sur celle d'un Mohamed Ali (une autre référence à un classique de Neal Adams, qui illustra un récit complet où le boxeur et l'homme d'acier disputaient un match) contre George Foreman en encaissant les coups plusieurs rounds de suite pour épuiser son vis-à-vis. Avant de riposter.

Bendis écrit un Superman qui fait souvent penser à Batman, que ce soit dans cette série ou dans Action Comics (où l'accent est mis sur l'aspect détective du reporter du "Daily Planet"). Le personnage se distingue de son partenaire par sa luminosité, mais a gagné en jugeote. En commentant sa propre stratégie, il livre au lecteur les clés et nous souffrons avec et pour lui. D'un côté, nous sommes dans la position de spectateur interloqué, oppressé, inquiet, et de l'autre, nous sommes admiratifs du sacrifice qu'il assume.

Car l'épisode révèle que, perdu pour perdu, Superman agit pour une autre victoire que la sienne. Il ne s'agit pas tant de terrasser, improbablement, Rogol Zaar que de sauver la Terre, ou de gagner du temps pour Atom en particulier aux commandes de ce sauvetage. A la fin, Superman est coincé dans la Zone Fantôme avec son adversaire mais il l'a surtout écarté de sa planète d'adoption.

Ce dénouement est toutefois ambigu car il semble que la solution de Superman et Atom n'a peut-être pas réussi. En effet, Adam Strange qui avait constaté la disparition de la Terre ne la voit pas réapparaître. Et lorsque Flash doit actionner le projecteur de la Zone Fantôme (qui sert aussi bien à y envoyer quelque chose/quelqu'un qu'à l'en faire sortir), il trébuche, malade, compromettant tout le processus.

Cette saga va donc se poursuivre sur cette conclusion provisoire doublement angoissante : Superman n'en a pas terminé avec Rogol Zaar en étant avec lui captif de la Zone Fantôme ; et où est passée la Terre ?   

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