Crowded fait vraiment partie d'une catégorie enviable : c'est une sorte de "sleeper" (au moins artistiquement), la BD qu'on n'attendait pas et qui s'impose comme LA bonne surprise de la saison. Christopher Sebela peut se vanter d'écrire quelque chose qui ne ressemble à rien d'autre et qui est diablement addictif. Il est aussi sacrément bien aidé par une révélation comme Ro Stein, capable d'enchaîner trente pages par mois avec un niveau incroyable.
Vita et Charlie sont vite repérées et dénoncées dans le motel où elles se cachaient. Pas d'autre solution que de reprendre la fuite en se débarrassant, sans les tuer, des chasseurs de primes que la récompense sur l'application Rpair pour la tête de Mlle Ellison lancent à leurs trousses.
A côté des amateurs, il existe cependant des menaces plus efficaces, disposant de plus de moyens ou de méthodes. C'est le cas de Trotter, un assassin très populaire qui met ses coups d'éclats en ligne, assisté par sa secrétaire Cameron, qui veille au budget de ses opérations. Et d'une mystérieuse tueuse noire débarquée à Los Angeles en avion et qui s'est installée chez Vita en son absence pour anticiper ses mouvements en fouillant dans ses affaires.
Vita emmène Charlie dans une ancienne librairie reconvertie en hôtel, sans aucune technologie - la planque idéale pour ne pas être pistées. La garde du corps explique à sa cliente, qui se plaint de l'austérité de l'endroit en plaisantant, qu'elle ferait bien de prendre davantage au sérieux la chasse à l'homme dont elle fait l'objet car la récompense pour sa tête augmente de jour en jour.
La tueuse chez Vita surprend des squatteurs toxicomanes au rez-de-chaussée de la maison en train de l'incendier. Trotter conçoit un piège pour Charlie. Celle-ci est en ville avec Vita pour faire quelques courses lorsqu'elles sont dans la ligne de mire d'un car de touristes venus participer à la traque.
Obligées d'abandonner leur voiture, les deux filles sèment le car en coupant par l'intérieur d'un grand magasin. Elles se dirigent vers la maison de Vita mais la découvrent en proie aux flammes...
Je commencerai pas louer le travail exceptionnel de Ro Stein au dessin car cet inconnu au bataillon, depuis trois numéros, accomplit de vrais prodiges. C'est certainement, actuellement, l'artiste le plus impressionnant dans l'édition indépendante (hors Marvel-DC donc). Il ne s'agit pas d'entrer ou de créer une compétition absurde (je déteste classer les artistes comme s'il s'agissait d'athlètes), d'autant que selon les histoires, des styles divers s'avèrent également bluffants.
Mais Stein a cette particularité de produire un dessin très fourni (pas une case sans décor fouillé, ni composition hyper-dynamique, ni personnages très expressifs). Je n'ose imaginer le soin et donc le temps que cela réclame, mais pourtant cette générosité graphique ne semble pas le freiner puisqu'il livre ses épisodes sans retard et surtout sans lever le pied. Souvent les comics de par leur mensualité obligent à un moment les dessinateurs à sacrifier des éléments pour respecter les délais. Ro Stein n'est pas atteint pas cela : il a enquillé 90 pages en trois mois sans que son abondance visuelle ne diminue.
Lorsqu'on lit Crowded, c'est vraiment ce qui frappe le plus : cette densité. On a le sentiment que l'artiste met tout ce qu'il a dans chaque plan, qu'il ne s'économise pas, et en même temps, il ne "bourre" pas ses images. Il a le souci de rester lisible, dynamique, fluide. On pense à un dessinateur qui aurait été formé dans l'animation pour sa science du mouvement et cette profusion dans le plan. Appliqué aux comics, le résultat est jubilatoire : il y a une qualité constante et une solidité dans cet univers qui se retrouve à tous les niveaux. Observez par exemple les looks de chaque personnage, pas un ne ressemble à l'autre et ainsi chacun possède une identité propre, puissante.
La colorisation de Triona Farrell a le bon goût de ne jamais couvrir l'encrage remarquable de Ted Brandt, et chacun des partenaires de Stein contribue à cette énergie esthétique sensationnelle.
Comme Christopher Sebela bombarde le lecteur de tas d'infos dans chaque épisode, fait de chaque chapitre un concentré d'action, il donne du biscuit à ses collaborateurs. Contrairement à The Weatherman, il n'y a aucune confusion : on sait qui est qui, qui fait quoi et pourquoi. Le pitch simple et retors à la fois est constamment accessible et efficace.
Supérieur aussi à Death or Glory (toujours chez le même éditeur), Crowded colle à son postulat, à sa promesse : il s'agit d'un récit d'action, avec beaucoup de courses (à pied, en voiture), avec une folie certaine, mais sans sordide, sans complaisance. Sebela fait preuve d'humour quand c'est nécessaire tout en rappelant à Charlie comme au lecteur que l'affaire dans laquelle sont impliquées ses héroïnes est sérieuse (puisqu'elles défendent leur peau). Lorsqu'il laisse un élément dans l'ombre (comme l'identité de la tueuse noire), cela n'est pas embêtant car le flow du script vous emporte dans la foulée de Vita et sa cliente - il sera bien assez tôt pour connaître qui est cette menace.
Cette série fonce tout droit, sans s'essouffler, mais en nous laissant pantelant. C'est grisant, surtout quand c'est aussi plein et rondement mené.
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