vendredi 21 décembre 2018

FREEDOM FIGHTERS #1, de Robert Venditti et Eddy Barrows


Quinze jours après le début de la maxi-série Martian Manhunter (par Steve Orlando et Riley Rossmo), DC entame donc la parution d'un nouveau format identique avec une nouvelle version de Freedom Fighters. Le projet excite d'emblée car il réunit le scénariste de Hawkman, Robert Venditti, et un des ex-dessinateurs de Detective Comics, Eddy Barrows. Pour une dystopie ambitieuse qui démarre fort et vite.


Dallas, Texas. Le 22 Novembre 1963. L'Amérique est sous le joug nazi depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Face à l'oppresseur, la résistance s'organise, discrétement. Dans une bibliothèque, une réunion se tient en présence des Freedom Fighters.


Il s'agit de l'ancien athlète Jesse Owens, de Human Bomb, Doll Man et Black Condor. Ils planifient le sabotage d'une usine où seraient conçus des robots d'assaut. Mais c'est alors que les PlaSStic Men attaquent.


Exécutés en place publique, devant les caméras de télé, les héros vaincus sont une nouvelle victoire pour le Reich. Reste à trouver leur leader, l'Oncle Sam. Il est repéré par les PlaSStic Men devant la vitrine d'une magasin mais se volatilise quand ils croient le tenir.


2018. Un officier allemand visite le Musée de la Victoire où a été accroché un tableau représentant le supplice des Freedom Fighters. Le fils d'Hitler est devenu le nouveau Führer. Mais un attentat fait sauter cette ile du bâtiment.


Dehors, devant les badauds choqués, se réunit une équipe de nouveaux Freedom Fighters - Human Bomb II, Doll Woman, Black Condor II et Phantom Lady - prêts à libérer le pays. Des robots de combat interviennent aussitôt...

Avec cette nouvelle version de Freedom Fighters, DC ressuscite ni plus ni moins que les bons vieux "Elseworlds", ces récits complets hors continuité comme les classiques que sont devenus JSA : The Golden Age ou Kingdom Come. C'est encore plus manifeste que pour Mister Miracle où King et Gerads brouillaient les pistes.

Robert Venditti signe sans doute son projet le plus ambitieux, à un moment où il brille avec sa reprise de Hawkman (même si les ventes de cette série ne sont pas, hélas ! à la hauteur de sa qualité). Et il s'inscrit dans la dystopie avec une intrigue reprenant l'argument déjà vu d'une Amérique conquise par les nazis (ou "ratzis" comme ils sont appelés ici).

Dès la première scène, qui prolonge l'image de couverture avec un employé décollant l'affiche où figure l'Oncle Sam appelant le peuple à résister, le ton est donné et le scénariste n'hésite pas à manier des symboles forts. La première formation des FF compte ainsi dans ses rangs l'athlète Jesse Owens, qui domina les jeux olympiques de Berlin en 1936. Gonflé mais logique pour incarner justement cette résistance.

Venditti surprend aussi en transformant Plastic Man, l'archétype du super-héros facétieux, en PlaSStic Men : pas sûr que ça ait ravi Jack Cole, son créateur, mais la manière dont est reconfiguré le personnage glace vraiment le sang, de manière très originale.

L'Oncle Sam, le vrai chef des Freedom Fighters, est un héros délicat à manier : il est l'Amérique littéralement personnifié, et en ce temps troublés, à l'époque de Trump, l'exploiter est périlleux tant la frontière entre patriotisme et nationalisme est devenue poreuse (même si le nationalisme est le dévoiement du patriotisme). Cela, Venditti l'a parfaitement compris et c'est aussi sans doute pour ça qu'il fait vite quitter la scène à ce personnage (pour rendre son inévitable réapparition plus frappante).

Car, ce premier épisode, introductif mais nerveux, insiste surtout sur la transmission : Hitler a eu un fils qui est devenu le nouveau Führer, et de nouveaux Freedom Fighters surgissent. Le petit groupe de héros paraît bien dérisoire par rapport à l'ennemi qu'il prétend renverser et à l'ambition de délivrer le pays. Mais pas sûr que l'objectif de Venditti soit d'en faire des combattants invulnérables : cette maxi-série, en établissant de facto le déséquilibre des forces en présence, suggère aussi la notion de sacrifice propre aux résistants.

Pour mettre cela en images, Venditti est une nouvelle fois bien accompagné puisqu'Eddy Barrows est au crayon. C'est un remarquable artiste, bien que régulièrement fâché avec les délais, et il sera intéressant de voir comment DC va devoir gérer cette donnée (en laissant les épisodes sortir avec un peu de retard comme pour Mister Miracle ? Ou en recourant à un fill-in - ce qui serait dommage - ?).

Barrows en tout cas s'est investi dans le projet : ses planches sont superbes, riches en détails, et l'encrage de son complice Eber Ferreira rend justice à ses crayonnés très poussés, tout comme les couleurs d'Adriano Lucas (plus sobre que sur Detective Comics où il repeignait parfois entièrement des vignettes).

Le dessinateur a aussi procédé à de légères corrections sur les designs des costumes pour la nouvelle génération des FF, mais aussi sur la croix gammée des occupants. Il y a une volonté de s'approprier les personnages sans les dénaturer, subtilement.

Vite lu, mais néanmoins très accrocheur, et doté d'un gros potentiel, cette maxi-série a tout pour devenir un hit et confirme l'intelligence éditoriale de DC.

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