jeudi 6 décembre 2018

DOCTOR STRANGE #9, de Mark Waid et Jesus Saiz


2019 sera une grande année pour Doctor Strange : le mois prochain sortira le 400ème numéro de sa série (compte tenu des épisodes parus avant que sa revue n'existe), le personnage sera dans Avengers 4 et la vedette d'un nouveau film dédié. Avant ces festivités donc, Mark Waid de nouveau allié à Jesus Saiz signe un épisode qui sert à la fois de prélude et de pause.


Depuis dix ans, Bleecker Street, où réside le Dr. Strange, est convoîté par un promoteur immobilier qui veut complètement reconstruire le quartier comme le lui explique un épicier avant qu'il ne soit abordé par Windermere Falston.


Pour tenter de le décourager, Strange accepte de lui ouvrir la porte de son sanctuaire. Le répit dure cinq ans. Des hommes de main intimident alors des commerçants pour qu'ils déguerpissent, quitte à dynamiter leurs boutiques.
  

Strange remonte facilement, par la magie, jusqu'au patron de Eldrichan Consolated qui a employé ces voyous. BIen qu'il le fasse arrêter, Strange reçoit des menaces de représailles.


Il y a deux ans. Des habitants de Bleecker Street sont réunis chez Strange : ils songent à partir car la presse raconte qu'il est un sataniste dangereux. Le Docteur rencontre les promoteurs et les poursuit en justice. Un démenti rétablit sa (bonne) réputation.


Aujourd'hui, un nouvel émissaire d'Eldrichan frappe à la porte de Strange et l'agresse. Le sanctuaire est convoîté car situé à un carrefour magique. Mais l'importun est envoyé sur la Lune. Après cela, Strange fait une sieste où son mentor, l'Ancien, requiert humblement son aide...

Avec le retour de Jesus Saiz, la série retrouve immédiatement le bon chemin, comme si Mark Waid avait besoi de son partenaire initial pour, lui aussi, renouer avec l'inspiration.

Visuellement, donc, l'épisode est magnifique et Saiz revient en pleine forme après son break. Il aligne les planches mémorables avec brio, déployant un découpage sage mais malin, et surtout composant avec un supporting cast large (bien que chaque second rôle soit bref). Il donne à tous une identité forte et s'amuse visiblement avec la représentation de créatures démoniaques, d'abord dans de rapides flash-backs puis dans des scènes plus conséquentes (comme le combat avec l'émissaire d'Eldrichan à la fin en passant par l'avocat très spécial de Strange).

Je me répéte, mais Doctor Strange est vraiment la meilleure production graphique du dessinateur espagnol : il est au sommet de son art et le fait qu'il assume dessin et colorisation y est pour beaucoup. Il laisse cours à un imaginaire débridé et insoupçonné : l'artiste avait rendez-vous avec le magicien.

Waid a donc donné à son partenaire de quoi s'occuper mais il comble surtout à nouveau le lecteur. Sachant qu'en Janvier prochain, il aura l'honneur d'écrire le 400ème épisode, il a dû composer avec cet événement sans servir un bouche-trou.

Son idée est simple mais, comme souvent avec Waid, il en exploite tout le potentiel. Strange est un héros à part : ses voisins savent qui il est et cohabitent avec lui contre l'assurance que les forces qu'il manipule ou combat ne dévasteront pas le quartier. En même temps, la dangerosité qu'implique cette proximité demeure nébuleuse, circonscrite entre les murs du sanctuaire sacré.

Partant de là, qu'en est-il quand un promoteur immobilier veut déloger les résidents pour tout reconstruire ? Strange n'est bien sûr pas disposé à déménager et protège sa communauté à la manière d'un street-level hero, chassant les importuns les uns après les autres, faisant arrêter ceux qui usent de violence contre ses proches.

Le contraste entre le pragmatisme obstiné des affairistes et les moyens de représailles du sorcier créé une ambiance savoureuse souvent, dramatique parfois. Waid sait ménager ses effets et le lecteur ressent bien l'escalade et la menace qui se précise. Il y a là en jeu plus qu'un quartier à refaçonner, comme on l'apprend à la fin : Bleecker Street est le nexus de forces magiques, d'où sa valeur.

Dès lors, il est suggéré que celui qui veut s'approprier ce périmètre est puissant, au-delà de l'argent. Assez pour affronter le sorcier suprême. Et que l'Ancien requiert son aide, avec une surprenante humilité.

Le procédé est diablement accrocheur et on a hâte de découvrir qui est l'être capable de faire trembler le mentor de Strange lui-même. Le #400 promet un feu d'artifices, et certainement un arc narratif spectaculaire. Ah, que ça fait du bien de retrouver Doctor Strange à ce niveau ! 

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