jeudi 20 décembre 2018

AQUAMAN #43, de Kelly Sue DeConnick et Robson Rocha


All-New Aquaman : plus que l'arrivée d'une nouvelle équipe artistique, après le run de Dan Abnett, par cet intitulé, c'est comme si DC indiquait au lecteur que la série était relancée. Pourtant, la numérotation est conservée et Kelly Sue DeConnick et Robson Rocha prennent le relais au lendemain d'un crossover avec Justice League, Drowned Earth. Un nouveau départ très accrocheur et prometteur.


Aquaman a été repêché, après une bataille aux côtés de la Justice League, par une jeune femme, Caille, sur une île isolée de tout. Amnésique, il est hébergé par un couple de vieillards qui l'appelle Andy.


Caille, elle, préfère le prénommer Arausio - un autre titre en "A" comme la boucle de sa ceinture. D'après elle, il n'est pas apparu ici par hasard, c'est un présent quasi-divin, pour sauver ce bout de terre sauvage.


En effet, l'île est, selon les indigènes, soumis à une vieille malédiction. Les poissons pêchés sont pourris dans les filets, les conditions météo sont épouvantables, et les habitants ont tous élu domicile ici, livrés à eux-mêmes après bien des périples.


Pour quelle faute paieraient-ils ce prix ? Jadis, pour s'attirer les faveurs de la mer, ils ont conclu un pacte avec elle. Sauf l'une d'entre eux : Namma, la mère de Caille. Pour la sanctionner, elle a été bannie de la communauté sur un îlot voisin.


Ayant remarqué la force naturelle d'Aquaman, les habitants lui demandent alors de ramener Caille à Namma afin que celle-ci lève la malédiction. En sauvant la jeune femme d'une vague meurtrière, il révèle, à lui comme aux autres, ses pouvoirs aquatiques...

En 2011, avec le statu quo des "New 52", Geoff Johns en personne s'était fixé l'objectif de prescrire le même traitement à Aquaman qu'à Green Lantern auparavant. Autant dire que le personnage était promis, si le plan fonctionnait, à un regain de popularité énorme. 

Dessiné par Ivan Reis puis Paul Pelletier, relayé à l'écriture par Jeff Parker, la série consacré à Arthur Curry fut l'une des réussites de DC à l'époque. Naturellement, avec l'ère ouverte par "Rebirth", le personnage devait rester une des vedettes de DC, d'autant qu'il demeurait membre de la Justice League écrite par Bryan Hitch (qui finira par le remplacer par son épouse Mera) puis récemment dans celle de Scott Snyder. Pour couronner le tout, un film consacré au roi des mers va bientôt sortir.

C'est certainement ce dernier élément qui a dû motiver un changement d'équipe sur le titre. Je n'ai pas lu un seul épisode de Dan Abnett, donc je m'abstiendrai de tout jugement, même si les retours étaient favorables. Il a quinze jours à peine, s'achevait le crossover Drowned Earth au terme duquel Aquaman était séparé de la Justice League, présumé mort au combat.

A charge pour Kelly Sue DeConnick de composer avec cette situation. La femme de Matt Fraction s'était éloigné des majors depuis son départ de Marvel, qu'elle a notamment marqué par un excellent run sur Captain Marvel (surtout le dernier volume dessiné par David Lopez). Elle avait ensuite produit Bitch Planet chez Image.

Féministe affichée, d'un tempérament franc (elle n'avait pas caché sur les réseaux sociaux que Marvel traînait des pieds pour faire de la pub à Captain Marvel - ironique quand on sait que le film sur l'héroïne repose sur ses épisodes), mais aussi doté d'un humour salvateur (qui a inspiré Kelly Thompson, à qui elle a mis le pied à l'étrier), la voir animer Aquaman est inattendu.

Mais le début de ce premier arc (en cinq parties) est très réussi. La figure du héros devenu amnésique est un classique que DeConnick exploite sobrement mais efficacement. Dans la peau d'un étranger (à lui-même pour commencer), perdu sur une île hostile, Arthur Curry est à la fois considéré comme un inconnu (personne n'a connaissance de ses exploits super-héroïques, de ses pouvoirs) et comme un messie.

Autre motif vu et revu, celui de l'île maudite : là encore, la scénariste l'utilise avec subtilité et infuse une ambiance envoûtante, laissant au lecteur le loisir de mesurer si c'est une superstition ou une vérité (les prochains numéros devraient éclaircir cela). En tout cas, on entre dans cette aventure facilement et le propos intrigue, retient l'attention.

La série quand elle était pilotée par Abnett a vu (et sans doute souffert d') un défilé d'artistes au niveau variable (Brad Walker, Philippe Briones, Stjepan Sejic...). Cette fois, c'est le brésilien Robson Rocha qui s'y colle, après avoir fait ses preuves sur Green Lanterns (entre autres).

Ce dessinateur évolue dans un style réaliste et l'ancien encreur de Bryan Hitch, Daniel Henriques, l'épaule. Son style se distingue par une excellente maîtrise anatomique mais aussi des décors soignés, inscrits dans des compositions brillantes. C'est un artiste complet, au trait séduisant, à l'aise pour montrer la puissance d'éléments déchaînés, la carrure athlétique d'Aquaman (barbu, cheveux longs, ce qui souligne sa ressemblance avec Thor, à qui on le compare souvent) comme la grâce des danses de Caille ou la folie qui gagne les indigènes de l'île.

Visuellement, Rocha complète idéalement DeConnick : à lui, des images belles et intenses ; à elle, les ambiances prenantes et un potentiel dramatique très prometteur. Aquaman semble promis à de beaux jours, quelle que soit la durée de son amnésie, son séjour loin du monde : en le situant comme une page blanche, coupé de tout, mais pas de ses racines, le personnage comme la série se positionnent même comme prêt à devenir un équivalent à l'excellent Hawkman actuel de Vendetti et Hitch.

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