Attendue au tournant, la première série "Millarworld"-Netflix, The Magic Order n'a pas déçu pour son premier numéro, se classant immédiatement dans le top 10 des meilleures ventes de singles. La mini-série de Mark Millar et Olivier Coipel se poursuit ce mois-ci avec un deuxième épisode où les événements prennent une tournure plus dramatique et rapide dans la communauté des sorciers.
Cordelia Moonstone raconte à un public d'enfants devant lequel elle se produit comment, dès sa naissance, elle a développé ses dons pour les numéros d'évasion, échappant à sa mort programmée. Marchant ensuite dans les pas de son père, Leonard, elle s'est distinguée par son mode de vie débauché et désabusé.
Pourtant, elle est présente à la réunion qu'organise Leonard et auquel se joint son frère aîné Regan - mais pas Gabriel, son cadet. Au second étage du Art Institute de Chicago, en passant à travers un tableau, les magiciens sont là pour élaborer une stratégie contre l'assassin qui a déjà tué plusieurs de leurs semblables. Une suspecte est toute désignée : Mme Albany.
Celle-ci convoîte l'Orichalcum, un grimoire recelant des sorts capables de tuer des dieux. Mais une nouvelle alerte interrompt le conciliabule et l'assemblée se sépare. Cordelia accompagne Regan dans l'Ohio chez Ray Morales. On lui a volé l'Horlogium, capable d'arrêter le temps, un des artefacts qu'il collectionne et Cordelia remarque aussi l'absence d'une caméra de l'âme.
Ces engins sont en possession de Mme Albany et de son tueur, le Vénitien, qui s'en servent contre Willie à Los Angeles en dérobant son esprit en le prenant en photo. Puis contre Edith, la libraire des magiciens, à New York, en la noyant dans un taxi.
Une troisième victime fait les frais de leurs manoeuvres en la personne de Moe. Mais Mme Albany épargne sa femme, Carmella, afin qu'elle prévienne que le prochain sur sa liste sera Leonard Moonstone...
L'épisode est clairement découpée en deux parties : Mark Millar a posé la menace dans le premier épisode avec un serial killer de magiciens et une suspecte, il enchaîne avec ce chapitre II par une réunion de crise des cibles potentielles. Mais, juste avant cela, il écrit un préambule, revenant sur l'arrestation de Cordelia, vue le mois dernier, alors qu'elle se produisait devant des enfants : on avait deviné qu'elle s'était mal comportée à cette occasion, avec eux et le père de l'un des gamins (en couchant avec lui, surpris par sa sa femme). On découvre qu'elle avait raconté à son auditoire son passé, dévoilant ses dons d'escapist (l'art de l'évasion, dont Harry Houdini était le champion) dès la naissance.
Cette précision introductive n'est pas innocente car elle en dit autant sur Cordelia, qui cherche encore à fuir le poids d'un héritage familial écrasant (être la fille d'un grand magicien, être une fille dans une communauté masculine, être une enfant non désirée, être une femme indépendante et je-m'en-foutiste), que sur ce collège de mages aujourd'hui rassemblé pour réagir à une série de meurtres dans leur milieu (et qui, lui, refuse de fuir, de rester passif devant le danger).
Lorsque tout ce beau monde s'accorde sur la suspecte et l'urgence à riposter, Cordelia est embarquée, malgré elle, dans une chasse à la sorcière. Millar n'hésite pas (il n'hésite jamais) à jouer avec les codes du conte, avec d'un côté une vilaine très méchante et de l'autre des gentils magiciens (bien qu'on devine un drame plus ancien parmi les Moonstone, justifiant le retrait de Gabriel).
Puis le scénariste embraye avec la seconde partie de l'épisode et se fait plaisir en montrant l'ennemi en action. Le Vénitien et Mme Albany sont des tueurs méthodiques et efficaces, qui ne perdent pas de temps à être cruels ou bavards : ils éliminent leurs cibles avec diligence et perversité, imaginant des parades cruelles (un piège redoutable pour Willie, une noyade pour Edith, un assassinat rapide pour Moe). Le mot de la fin n'est pas là pour surprendre, il est même très prévisible (Leonard Moonstone est le prochain sur la liste), mais pour confirmer la détermination des méchants et leur pouvoir de nuisance. Millar ne mentait pas en citant parmi ses références pour l'histoire la série télé Les Soprano : Albany se comporte comme un parrain de la mafia qui envoie des avertissements sérieux pour mieux épouvanter sa cible et le lecteur.
Olivier Coipel, avec un matériau si bien taillé, a de quoi s'amuser aussi et il ne s'en prive pas. Comme Romita Jr. sur le l'arc du nouveau volume de Kick-Ass du même Millar, le français semble totalement revigoré par son aventure avec le scénariste écossais.
Pour s'en convaincre, il suffit de lire ses pages mettant en scène la discussion des magiciens : la variété des plans, de leur valeur, le soin apporté à leur composition, donnent déjà une bonne idée de la forme retrouvée de l'artiste. Mais quand il doit s'acquitter de l'animation des dialogues en serrant ses cadres sur les visages, l'expressivité qu'il leur confère suffit à prouver qu'il est à nouveau en pleine possession de ses moyens, qu'il prend du plaisir avec ces personnages (Cordelia est superbement représentée).
Idem quand, quelques pages plus loin, il dessine le sous-sol rempli de reliques de Ray Morales, puis la succession d'exécutions commises par le Vénitien sous les ordres de Mme Albany. C'est du sur-mesure de la part de Millar et Coipel le lui rend bien, avec le concours précieux du coloriste Dave Stewart (dont la polyvalence est exemplaire - voir son travail sur The Weatherman).
Quel kif !
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