lundi 16 juillet 2018

HOW I LIVE NOW (MAINTENANT C'EST MA VIE), de Kevin MacDonald


Après s'être fait remarqué en 2006 avec Le Roi d'Ecosse, Kevin MacDonald signait en 2013 ce petit film qu'est How I Live Now, adapté du roman éponyme de Meg Rosoff. Petit mais pas sans ambition puisqu'il aborde le thème d'une troisième guerre mondiale déclenchée par des terroristes vue par un groupe d'adolescents en Angleterre. Et ce traitement intimiste aboutit à une histoire aussi intense que poignante.

 Tante Penn et Daisy (Anna Chancellor et Saoirse Ronan)

Adolescente américaine névrosée, Daisy est envoyée par son père en Angleterre, chez sa tante Penn et ses cousins. D'abord distante avec eux, elle s'adoucit lorsqu'elle et Eddie tombent amoureux. Ce dernier est un garçon introverti mais fort, qui soigne un aigle blessé et entretient avec les animaux un lien quasi-mystique. Quelques jours après, Penn doit partir pour Genève participer à une réunion importante pour éviter un conflit mondial.

Piper, Isaac, Daisy et Eddie (Harley Bird, Tom Holland, Saoirse Ronan et George MacKay)

Livrés à eux mêmes, les enfants s'amusent dans les bois et le lac voisins. Mais cette insouciance est brisée lorsqu'une bombe atomique dévaste Londres. Il n'y a plus d'électricité et l'armée annonce une évacuation imminente de la région. Le groupe décide de se retrancher dans une grange près de la maison. Cette proximité et la peur du lendemain incite Daisy et Eddie à faire l'amour.

Daisy et Eddie

Bien qu'elle dispose d'un billet retour pour les Etats-Unis, Daisy le brûle pour pouvoir rester avec Eddie. Les jours s'écoulent, heureux. Coupés du reste du monde, les enfants jouent les robinsons dans ce coin de campagne anglaise, loin du tumulte que seules des explosions suivies de colonnes de fumée au loin et des passages d'avions de chasse indiquent. 

Daisy

L''armée britannique déloge le groupe au petit matin et sépare les filles des garçons. Daisy proteste, exigeant qu'on les conduise à l'Ambassade américaine, elle et ses cousins et cousine. Mais les soldats l'ignorent et la menotte pour la pousser dans un fourgon avec Piper.

Eddie

Eddie fait promettre à Daisy, qui s'éloigne déjà, de revenir à la grange, tandis qu'il est brutalement maîtrisé et conduit avec Isaac au camp de Gatesfield pour y suivre une formation militaire en vue de rejoindre les troupes sur le front. Les deux filles, elles, sont emmenées dans un village et logées chez les parents d'un jeune soldat absent. La journée, elles travaillent dans les champs où elles trient des légumes. Mais Daisy prépare leur évasion, patiemment.

Daisy et Piper

Alors que les attaques ennemies se rapprochent, Daisy s'enfuit avec Piper une nuit et elles s'enfoncent dans la forêt. Elles entament un long et éprouvant périple à travers la campagne anglaise, constamment sur le qui-vive de peur d'être reprises par l'armée ou d'être agressées par l'ennemi ou des civils malveillants. Pour la petite Piper, le trajet est épuisant et Daisy l'encourage et la fâche tour à tour pour la forcer à ne pas traîner.

Daisy

Trois moments difficiles ponctuent leur parcours : une nuit d'abord, Daisy est réveillée par des cris et assiste au viol collectif d'une femme qui la pousse à fuir à la hâte avec Piper ; puis elles atteignent Gatesfield où elles espèrent retrouver Eddie et Isaac. Mais la caserne est abandonnée. Daisy l'inspecte seule et finit par découvrir les cadavres de toutes les jeunes recrues, dont Isaac. Enfin, elles sont coursés par des chasseurs et Piper est capturée par les deux hommes. Daisy, avec un pistolet volée à la mère du soldat, en tue un et blesse l'autre. Mais dans le feu de l'action, elle perd sa boussole et sa carte. Perdues, les deux filles errent jusqu'à une rivière où elles se posent, découragées... 

Eddie et Daisy

... Jusqu'à ce que Daisy remarque dans le ciel un aigle qui tournoie. Sûre qu'il s'agit de l'oiseau guéri par Eddie, elle et Piper le suivent et elles retrouvent miraculeusement la maison de tante Penn. Mise à sac, elles s'y installent puis vont jusqu'à la grange - personne. Le chien d'Isaac, Jet, aboie dans les bois et Daisy rejoint l'endroit où Eddie s'occupait de l'aigle et trouve le garçon blessé. Elle le soigne. Bientôt, l'électricité est rétablie, la radio annonce un cessez-le-feu et le nouveau gouvernement distribue des rations. Piper comprend que Isaac ne reviendra pas. Quant à Eddie, il se remet doucement, soutenue par l'amour de Daisy.

How I Live Now n'est pas un film qui se donne facilement, il faut le laisser vous conquérir et son émotion vous étreindre. Kevin MacDonald débute par une suite de scènes déconcertantes au centre desquelles on suit son héroïne, Daisy, par ailleurs peu aimable : outrageusement maquillée, sur la défensive, obsédée par son hygiène et dédaigneuse avec ses cousins de la campagne, heureusement qu'elle est incarnée par Saoirse Ronan sinon on redouterait de poursuivre ce récit en sa compagnie.

Quand elle débarque à l'aéroport d'Heathrow, l'armée quadrille la zone et les télés transmettent des images d'explosions terroristes inquiétantes qui contrastent avec le maniérisme de cette adolescente névrosée qui est là contre son gré. Pourtant, le réalisateur n'insiste pas sur cet arrière-plan dramatique et nous entraîne dans une aventure bucolique opposant caricaturalement des enfants vivant innocemment dans la nature avec cette jeune citadine boudeuse. Tout au plus la tante Penn rappelle-t-elle que la situation est tendue avec sur l'écran de son ordinateur d'inquiétants graphiques sur la mortalité et des coups de fil angoissants.

Mais quand elle s'absente (sans qu'on la revoit ensuite), la légèreté reprend ses droits, avec un zeste de romance entre l'ombrageux Eddie et Daisy, qui commence à s'adoucir, attirée manifestement par son mystérieux cousin, amusée par le facétieux Isaac et attendrie par la petite Piper.

Tout cela bascule lors d'une scène sublime et tragique où MacDonald fait beaucoup avec très peu : les enfants piquent-niquent lorsqu'une explosion retentit. Soudain de la neige tombe sur le pré où ils se trouvent. sauf que ce ne sont pas des flocons blancs mais gris. De la cendre. Plus tard, ils apprennent à la radio qu'une bombe atomique a détruit Londres... How I Live Now voit son titre soudain justifié : plus rien ne sera comme avant, le groupe de héros va devoir vivre après la fin d'un monde.

Dans un premier temps, le scénario imagine une existence encore insouciante dans une grange. Mais la réalité rattrape vite ces mini-Robinsons quand l'armée les déloge à l'aube et les sépare. Le film suit alors Daisy et Piper, d'abord confiées à un couple d'étrangers puis fuguant pour rejoindre leur refuge au cours d'un long et cauchemardesque voyage.

Tout cela est admirablement capté et on vibre avec les deux filles, dont l'une est encore une enfant qui ne comprend pas ce qui se passe et l'autre qui doit tour à tour la ménager, la préserver et l'endurcir. Le périple est ponctué de moments chocs (un viol collectif, la découverte d'une caserne où a eu lieu un carnage, la rencontre avec deux chasseurs visiblement mal intentionnés), qui sont amplifiés par le contexte. La violence est soulignée par la jeunesse des protagonistes qui doivent survivre dans une nature immense, en évitant les pièges (l'eau des rivières est-elle contaminée ?), en s'orientant difficilement, en parcourant des km jusqu'à l'épuisement. Les images sont saisissantes, parfois fulgurantes, mais MacDonald évite toute complaisance, qu'il s'agisse de la scène du viol ou de celle où Daisy et Piper traversent les débris d'un avion qui s'est crashé.

Il flotte dans How I Live Now une ambiance discrètement fantastique aussi qui permet de croire que ces deux petits chaperons rouges dans la lande anglaise retrouvent finalement leur maison grâce à l'aigle soigné par Eddie, puis Eddie lui-même grâce aux aboiements d'un chien. Le lien quasiment mystique qu'entretient ce dernier avec les animaux fait passer ces providences et offre au film un dénouement heureux même s'il n'occulte pas les traumatismes subis (la mort d'Isaac, les supplices endurés par Eddie).

Saoirse Ronan est époustouflante dans son rôle, aussi exécrable au début que vaillante par la suite : son teint de porcelaine, ses grands yeux bleus, sa silhouette fragile, son jeu d'une finesse épatante compose un personnage mémorable qui n'est plus le même à la fin. Elle est accompagnée par la toute jeune Harley Bird, bluffante en gamine ballottée par des événements qui la dépassent, à elle seule un résumé de l'histoire. Tom Holland (bien avant qu'il ne devienne le nouveau Spider-Man) n'a pas besoin de beaucoup de scènes pour s'imposer. Et George MacKay est bouleversant dans la peau d'Eddie, cet écorché vif abîmé par les hommes alors qu'il ne faisait pratiquement qu'un avec la nature et les bêtes.

La poésie que dégage le film l'emporte sur ses horreurs et l'émotion finale vous emporte très haut, sans violons. Magnifique.   

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