Dernier numéro à paraître hebdomadairement (le #4 sortira mi-Août et la série deviendra ensuite mensuelle), ce troisième épisode de Doctor Strange est aussi un tie-in au prochain event Marvel, Infinity Wars (produit par Gerry Duggan et Mike Deodato). Heureusement pour ceux qui ne comptent pas suivre cette saga, Mark Waid et Jesus Saiz réussissent parfaitement à respecter le cahier des charges sans dévier de leur propre récit.
Stephen Strange et Kanna poursuivent leur voyage spatial et se perfectionnent dans la pratique des arts occultes au contact de magiciens extraterrestres et d'artefacts cosmiques. Prochaine étape : la planète Tarnax II où l'arcanologue veut présenter à son compagnon de route un sorcier... Skrull !
Bien qu'elle lui assure que le nommé Mt'Nox est un être pacifique et que ses semblables ont renoncé aux conflits qui ont forgé leur mauvaise réputation, Strange est très méfiant et ne veut pas s'attarder. Toutefois, en approchant de leur hôte, il est à la fois impressionné par sa technique et saisi d'effroi quand il le voit en possession de la Pierre du Temps qu'il croyait détruite.
Cette gemme très puissante appartint un temps à Thanos, le titan fou, et aujourd'hui le Super-Skrull, Kl'Rt, veut s'en servir pour rebâtir son empire. Strange convainc Kanna de récupérer la Pierre du Temps en lui promettant de la lui donner ensuite. Ils affrontent le Super-Skrull.
Au terme d'un âpre combat, Strange vainc son adversaire et fuit Tarnax II avec Kanna. Mais une fois à bord de leur vaisseau, il refuse de lui remettre la gemme comme promis, au prétexte qu'un tel artefact est trop dangereux.
Elle proteste, s'estimant trahie, mais Strange efface le souvenir de cette journée de sa mémoire et ils peuvent reprendre leur voyage. Pendant ce temps, sur Terre, Bats le chien fantôme pénètre dans le Sanctum Sanctorum du sorcier suprême et trouve à l'intérieur un inconnu menaçant...
Mark Waid a bien du mérite car, déjà lors de ses runs sur Daredevil puis Captain America, il avait dû composer avec des sagas globales impliquant les héros qu'il écrivait. Mais le scénariste a assez d'expérience pour intégrer ce genre de contraintes sans qu'elles impactent trop ce qu'il raconte de son côté. Ainsi avait-il procédé avec Original Sin puis les conséquences de Secret Empire (deux events par ailleurs calamiteux).
Aujourd'hui, re-belote : avec juste deux épisodes de Doctor Strange, le voilà obligé de faire référence à Infinity Wars sous prétexte que les aventures du magicien se déroule dans l'espace comme la saga à venir.
Cette fois, cependant, Waid peut s'accommoder plus aisément de sa tâche car son histoire est un récit initiatique et l'incorporation de la Pierre du Temps dans son scénario peut facilement se justifier dans la mesure où Strange croise d'autres magiciens dans l'espace et acquiert de nouveaux artefacts. Il lui a suffi de placer la gemme aux mains d'un personnage croisé par son héros afin de pimenter leur rencontre. Et comme ce personnage est le Super-Skrull, la rencontre est mouvementée.
Pourtant, ce qu'on préférera retenir de cet épisode, toujours aussi brillamment conçu, ce sont ses conséquences immédiates dans la perception qu'on a de Strange : il s'y montre peu tolérant quand aux Skrulls en général, quand bien même Kanna lui assure qu'ils ont renoncé à leurs projets guerriers ; puis agressif lorsqu'il faut affronter le Super-Skrull ; arrogant quand il le vainc ("Idiot." lance-t-il à Kl'Rt au tapis et sans connaissance) ; et enfin manipulateur lorsqu'il efface une partie de la mémoire de Kanna à qui il avait promis la garde de la Pierre du Temps. Le "bon" docteur gagne en ambiguïté en adoptant un comportement pareil : serait-il en train de redevenir, en récupérant sa magie, un odieux individu tel qu'il le fut avant de devenir sorcier ? Ce serait une piste intéressante, et on verra ce que Waid va faire avec ça.
Visuellement, une fois encore, Jesus Saiz est éblouissant : les premières pages montrent sa capacité à créer des mondes lointains riches en détails alors qu'ils ne figurent que sur une image souvent, puis l'arrivée sur Tarnax II fait place à un décor exotique fascinant où les Skrulls se sont adaptés de manière étonnante. L'artiste espagnol réinvente ces extraterrestres de façon prodigieuse.
La représentation de la faune et la flore de cette planète est tout aussi fournie, et le recours à la couleur directe donne un rendu extraordinaire. La bataille contre le Super-Skrull est mise en scène avec beaucoup d'énergie et d'invention, notamment quand Strange utilise les pouvoirs de la Pierre du Temps. Cette série est esthétiquement une des plus puissantes produites par Marvel dans le cadre du nouveau statu quo "Fresh Start".
Le lancement de Doctor Strange version Waid-Saiz aura donc été une vraie expérience avec trois épisodes en moins d'un mois, d'une tenue exceptionnelle. Espérons que l'attente du prochain chapitre ne fera pas oublier au public la qualité de ce titre qui mérite vraiment de s'imposer durablement grâce à sa belle équipe créative.
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