Ce cinquième et avant-dernier tome de Uncanny X-Men par Brian Michael Bendis, Chris Bachalo et Kris Anka est épique. A tout point de vue, c'est le récit plus spectaculaire du run, comme si Bendis avait voulu offrir un bouquet final avant l'heure. Bachalo signe les dessins des épisodes 27, 29 à 31, et Anka ceux des épisodes 26, 28 et 30, qui sont parus en 2014-2015.
Face à la menace que représente Matthew Malloy, Maria Hill donne l'ordre d'évacuer l'Etat de Caroline du Sud. Pendant ce temps, à l'école Jean Grey, Cyclope est très remonté après avoir appris cet énième secret du Professeur X, mais Tornade le raisonne et il part finalement avec Wolverine et Rachel Summers. Cependant, le SHIELD fait appel au mutant Exodus pour tenter de neutraliser à distance Malloy, sans succès. Le Fauve découvre que Mally est en vérité plus puissant qu'un mutant oméga et il pense que tout ce qui sera tenté pour le stopper échouera.
Maria Hill accueille à bord de son héliporteur Cyclope, Wolverine et Rachel Summers. Elle tente à son tour de pénétrer les pensées de Malloy qui lui en refuse l'accès et renvoie Wolverine et Rachel à l'école Jean Grey et Cyclope à la base des Uncanny X-Men. Cyclope convainc Magik de de le transporter auprès de Malloy. Tempus s'éclipse, décidée à trouver une solution alternative.
Matthew Malloy accepte d'écouter Cyclope qui lui ouvre son esprit pour qu'il comprenne que le leader des X-Men a de l'expérience avec les mutants surpuissants ayant du mal à se maîtriser. Le Fauve appelle à l'aide d'autres super-héros mais aucun ne répond : les mutants sont livrés à eux-mêmes.
Magneto interrompt la discussion entre Cyclope et Matthew Malloy mais celui-ci n'apprécie pas et le renvoie au QG des Uncanny X-Men. Magik remonte le temps pour demander son aide au Dr. STrange qui lui confie l'Oeil d'Agamotto. A l'école Jean Grey, le Fauve apprend que le SHIELD va tenter de tuer Malloy, quitte à éliminer avec lui Cyclope.
Tempus a elle aussi remonté le temps pour rencontrer Charles Xaavier lorsqu'il venait d'ouvrir son institut pour jeunes surdoués. Elle lui donne accès à ses pensées et il apprend la situation mais rechigne à intervenir à cause des perturbations temporelles. De nos jours, le SHIELD a mis ses menaces à exécutions et le Fauve apprend les morts de Malloy et Cyclope. Pourtant Malloy apparaît devant l'école Jean Grey. Emma Frost l'affronte mais il la tue tout comme les autres X-Men qui se jettent ensuite sur lui.
Tempus et Xavier remontent le temps jusqu'au moment où les parents de Matthew Malloy sont sur le point de se rencontrer. Le Professeur X chasse cette idée de leurs esprits et ainsi s'assure que le mutant ne naîtra jamais. De nos jours, la situation revient à la normale et tous les X-Men écoutent à nouveau She-Hulk lire la fin des dernières volontés de Charles Xavier qui lègue son école à Cyclope. Ce dernier sort un instant et fait face à Tempus qui lui annonce qu'elle quitte son équipe. Cyclope rentre et annonce céder l'école à Tornade puis se retire.
Quand il a pris en main les séries All-New X-Men et Uncanny X-Men avec l'idée motrice de transporter à notre époque les cinq premiers X-Men, Brian Michael Bendis a joué avec l'idée toujours périlleuse des voyages temporels et des paradoxes qu'ils génèrent.
A la base, son objectif était simple comme le plan ourdi par le Fauve : organiser la rencontre entre le jeune Cyclope et sa version adulte pour que ce dernier abandonne son projet révolutionnaire et surtout admette qu'il avait tué le professeur Charles Xavier sans se cacher derrière l'excuse de l'emprise du Phénix.
On peut raisonnablement dire que Bendis a ensuite beaucoup dévié de son plan initial, comme s'il était incapable de s'y tenir, préférant explorer d'un côté les effets de ce voyage dans le temps pour les jeunes X-Men (surtout à travers le personnage de Jean Grey) et de l'autre le traumatisme de Scott Summers, sa culpabilité.
En fait la victime de ces changements narratifs a été la série All-New X-Men qui n'ont jamais joué le rôle pour lequel ils étaient prévus, à savoir des sortes d'influenceurs envers Cyclope en pleine déroute psychologique. Ce n'est pas entièrement la faute de Bendis : Jason Aaron n'a visiblement jamais accepté de composer avec les jeunes X-Men alors qu'ils résidaient dans l'école Jean Grey et même il a dû être soulagé de s'en débarrasser à l'issue du crossover Battle of the Atom.
Mais Bendis ne peut être exonéré des errements dans son plan : au lieu d'entraîner les jeunes X-Men dans leurs propres aventures, il les a faits déménager dans l'école tenue par Cyclope. On pouvait alors espérer qu'enfin la confrontation des deux Scott Summers aurait lieu et qu'une explication en bonne et due forme entre eux serait à l'ordre du jour. Au lieu de ça, Bendis s'est à son tour débarrassé du jeune Scott lors du crossover avec les Gardiens de la Galaxie.
Mais ça n'a pas découragé le scénariste de jouer avec les voyages temporels. Sauf que, dans le cas qui nous intéresse, dans ce cinquième tome d'Uncanny X-Men, il s'y est pris de bien meilleure manière, en collant à l'intrigue qu'il a initiée dans le tome précédent.
Matthew Malloy est plus un prétexte qu'un véritable personnage : comme Sentry quand il écrivait New Avengers et Dark Avengers, il symbolise l'image de Dieu, une créature si puissante qu'elle ne peut être contrôlée et qu'elle menace le monde plus qu'elle ne peut le sauver (à ce titre, la scène où Malloy se rend compte qu'il ne peut ressusciter les agents du SHIELD et Cyclope est éloquente). Il faut alors le sacrifier. Sauf que, contrairement à ce qui se passait dans l'event Siege, les X-Men ne pourront compter sur des dieux asgardiens pour les aider : ils sont livrés à eux-mêmes, seuls, abandonnés.
Bendis va alors résoudre le problème avec habilité, en utilisant Tempus. Charles Xavier ira même jusqu'à effacer de son propre esprit le souvenir de sa rencontre avec la mutante pour ne pas se souvenir de cette histoire. Mais le fan peut quand même en sourire en sachant que le Prof. X aura bien des occasions au cours de sa carrière de dissimuler à ses X-Men bien d'autres secrets, tout aussi terribles.
Il y a, je trouve, quelque chose de malin et de jubilatoire dans la manière dont Bendis traite tout ça, et je pense qu'il a fait preuve d'une grande intelligence. C'est un arc narratif très efficace, très prenant, très intense, où le suspense est constant à mesure que la puissance de Matthew Malloy se révèle. On doute vraiment que cela se finisse bien. Et d'ailleurs le dénouement est assez amer, avec le choix de Tempus de quitter les X-Men et de Cyclope de renoncer à l'héritage de Xavier. Cette dernière note est parfaite.
Visuellement, ces six épisodes sont globalement excellents. Kris Anka se force un peu plus et profite d'une colorisation qui améliore ses images souvent encore trop vides - merci qui ? Merci José Villarubia.
Toutefois, c'est encore à Chris Bachalo qu'on doit les chapitres les plus formidables. Cette fois d'ailleurs, il a renoncé à se coloriser lui-même, laissant cela à Antonio Fabela (complice habituel de Lee Garbett) et Rain Beredo (longtemps partenaire de Mike Deodato Jr.), qui accomplissent un boulot fabuleux.
Bachalo est dans son élément avec des décors et des personnages au bord de la rupture. Ce récit plein de bruit et de fureur donne lieu à des moments très forts et mémorables que l'artiste traduit esthétiquement avec une puissance égale à ce mutant oméga. Ce sont (presque) ses adieux à la série et il y fait honneur (il réalisera encore le #32 dans le tome suivant et quelques planches du #600).
La fin est donc proche. So... Stay tuned !
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