Le premier tome de Poison Ivy avait été une excellente surprise. Restait à confirmer avec le deuxième, car entre temps la série limitée à six numéros était devenue une maxi en douze puis une ongoing. G. Willow Wilson a su trouver de quoi développer son projet et ce nouveau recueil se décompose en trois histoires, dessinées par Atagun Ilhan et Marcio Takara.
Ivy arrive dans la ville de Parson, Montana, où la société de fracturation hydraulique emploie beaucoup d'habitants. Pourtant ceux-ci sont conscients des ravages écologiques de cette exploitation et Ivy compte enquêter à ce sujet en se faisant embaucher par la patronne de FutureGas, Beatrice Crawley. Mais celle-ci la reconnaît et la piège.
Empoisonnée, Ivy ne doit son salut qu'à l'intervention de Janet, la secrétaire de Crawley, qu'elle a déjà rencontrée plus tôt lors de son voyage. Mais cette dernière est souffrante et doit subir une greffe du foie à Seattle et compte bien sur Ivy pour l'aider à son tour ensuite...
Ivy et Janet se sont établies à Seattle dans un cottage lorsqu'elles reçoivent la visite de Harley Quinn. Les retrouvailles entre les deux amantes aboutissent à une révélation pour chacune d'elles : Ivy comprend que comme une plante elle se régénère, Harley admet que Ivy doit poursuivre sa route sans elle encore un moment avant de regagner Gotham.
Janet convainc Ivy de l'accompagner à une retraite organisée par Gwendolyn Caltrope, prêtresse new age et femme d'affaires qui commercialise diverses potions. Après en avoir ingéré, Ivy et les adeptes s'abandonnent complètement à la débauche.
Ivy comprend que le breuvage a libéré une partie de ses pouvoirs grâce à un champignon contenue dans la boisson et grâce à cela elle peut contrôler les esprits des femmes présentes. Dans une sorte de transe collective, elles entreprennent d'empêcher des camions d'accéder à une raffinerie mais l'expérience dégénère pour Gwendolyn.
Devenue un monstre végétal, Gwendolyn s'attaque à Ivy qui contre-attaque et la tue. Une fois remise, Ivy concocte un antidote mais une des femmes refuse de le recevoir et s'en va. Janet et Ivy reprennent la route, direction : Gotham...
C'est un destin peu commun qu'a connu ce titre : lancé comme une mini-série en six chapitres, son succès critique et public lui a valu d'être rallongée de six numéros supplémentaires, et comme les lecteurs ont continué à le plébisciter, DC a décidé d'en faire une série illimitée.
Cette réussite est d'abord celle de la scénariste G. Willow Wilson qui a su trouver un angle original et riche de possibilités pour le personnage de Poison Ivy, qui n'avait jamais eu droit à sa propre série auparavant. Wilson, elle-même, revient de loin : si elle co-créé avec le dessinateur Adrian Alphona Kamala Kahn/Ms. Marvel, elle a ensuite connu beaucoup de difficultés pour rebondir, alternant projets en creator-owned (Invisible Kingdom, officiellement en stand-by, mais dont il est plus probable de penser qu'il n'aura pas de suite) et work for hire (une reprise ratée de Wonder Woman notamment).
Dans le premier tome, on suivait Poison Ivy après ce qu'elle avait traversé durant le crossover Fear State durant lequel elle avait donné naissance à un double surpuissant, Queen Ivy, avant de perdre une partie de ses pouvoirs. Désemparée, revancharde aussi, Pamela Isley quittait Harley Quinn et Gotham pour une expédition punitive à travers les Etats-Unis avec le projet d'éradiquer l'humanité qu'elle jugeait responsable de la dégradation de la planète.
Mais en cours de route, au gré de rencontres, Ivy se rendait compte que ce châtiment était trop extrême, qu'il y avait des gens méritant d'être épargnés, et après un combat à mort contre Jason Woodrue/l'Homme Floronique (à l'origine de ses pouvoirs), elle faisait marche arrière en ne ciblant plus que les vrais pollueurs.
C'est ainsi qu'on la retrouve en ouvrant ce deuxième tome dans un arc en deux parties. Première surprise : celui-ci est dessiné par Atagun Ilhan.
L'intrigue est classique mais rondement menée, même si elle manque de subtilité. Ilhan n'est pas mauvais mais son dessin comporte quand même beaucoup de maladresses et il faut les couleurs de Arif Prianto pour conserver l'esthétisme si spécial du titre. Beatrice Crawley campe une méchante redoutable mais (apparemment) vite sacrifiée, comme si Wilson avait imaginé ce diptyque en urgence, en attendant de repasser aux choses sérieuses.
Et on n'a donc pas trop à attendre puisque, dès l'épisode 9, Marcio Takara revient au dessin et on a droit à un épisode done-in-one avec le retour également de Harley Quinn. Il paraît alors bien loin le temps où DC refusa à J.H. Williams III le mariage de Kate Kane/Batwoman avec Maggie Sawyer. Ici, on voit deux femmes qui s'aiment, couchent ensemble, et partagent même un trip hallucinogène !
Si Harley a rejoint Ivy à Seattle pour la convaincre de rentrer à Gotham, ce n'est pas pour tout de suite. Wilson enchaîne avec un récit en trois parties où elle traite des gourous new age californiens qui promettent le bien-être à leurs clients. Ce mélange d'affairisme et de spiritualisme donne moins lieu cependant à une critique en règle qu'à une intrigue échevelée et psychédélique.
On renoue alors avec l'esthétique horrifique de la série et Marcio Takara nous éblouit en passant sans transition de scènes a priori acides (et sous acide) à d'autres franchement cauchemardesques. Là aussi, la contribution du coloriste Arif Prianto ajoute considérablement au cachet de la série avec une palette nuancée et violente à la fois.
Le dénouement de cette aventure revient de manière habile sur les théories conspirationnistes attachées au vaccin (comme ce fut le cas lors de la pandémie de Covid) et nul doute que G. Willow Wilson va certainement exploiter cette femme qui refuse l'antidote de Ivy.
Ce qui est tout aussi certain, c'est que DC tient avec Poison Ivy une de ses meilleures séries actuelles mais aussi un véritable ovni, à mi-chemin entre une production indé qui rappelle ce que publiait le label Vertigo (dont il se dit qu'il pourrait renaître d'ici 2025) et quelque chose de plus mainstream. On va continuer à suivre ça avec attention.
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