En attendant que je puisse voir The Marvels, j'en ai profité pour visionner les 7 épisodes de Lessons in Chemistry dont Brie Larson tient également le haut de l'affiche. Adapté du roman de Bonnie Gramus par Lee Eisenberg, cette mini-série suit le parcours d'une scientifique en butte au machisme de son époque. Dommage qu'en cours de route, l'histoire s'éparpille...
Ce qui suit contient des SPOILERS !
Elizabeth Zott, technicienne de laboratoire à l'institut de recherches d'Hastings, aimaerait mener ses propres projets mais la hiérarchie le lui refuse au profit de ses homologues masculins. Elle expérimente alors ses trouvailles chez elle en s'adonnant à son autre passion, la cuisine. Jusqu'à ce qu'elle soit remarquée pour ses compétences en chimie par la star de l'institut, le Dr. Calvin Evans, dont elle devient l'assistante.
Ensemble, ils travaillent sur un concept révolutionnaire, l'abiogenèse, à l'origine de la vie. Mais quand ils commencent à partager des sentiments amoureux, cela ne passe pas inaperçu et le le superviseur Donatti met en garde Liz si elle distrait Calvin. Ils décident alors de vivre ensemble et c'est ainsi que Liz fait la connaissance de la voisine de Calvin, Harriet Sloane, qui se bat contre un projet d'autoroute qui passerait dans leur quartier à majorité peuplé de noirs. Calvin accepte de soutenir cette cause mais entre temps ils présentent le résultat de leurs travaux, à lui et Liz. Hastings refuse cependant catégoriquement que la jeune femme co-signe la publication. Peu après, Calvin meurt, renversé par un bus.
Dévastée, Liz découvre grâce à Harriet le portrait à charge qu'un reporter du L.A. Times a écrit sur Calvin. Harriet exige un rectificatif, sans succès, mais évoque le projet d'autoroute sur lequel le journal va enquêter. Liz revient à Hastings pour trouver le labo qu'elle partageait avec Calvin vidée. Donatti lui cache qu'il a repris leurs travaux en s'appuyant sur leurs notes, prétendument détruites par mégarde. Et veut ensuite la virer quand elle apprend qu'elle est enceinte.
Liz donne naissance à une fille, Mad. Elle peut compter sur le soutien d'Harriet pour l'élever. Pour subvenir à ses besoins, elle aide des chercheurs de l'institut en secret et vend des Tupperware. Puis elle transforme sa cuisine en labo pour y reprendre ses recherches et en commandant du matériel au frais d'Hastings. Charlie, le mari d'Harriet, rentre de Corée et reprend son poste de chirurgien tandis que sa femme veut redevenir avocate.
Liz fait la connaissance du père d'une camarade de classe de Mad à qui sa fille donne ses goûters. L'homme est un producteur de télé et en apprenant la situation et les références de Liz, il lui propose d'animer une quotidienne sur la cuisine. Elle accepte après réflexion pour un salaire supérieur à celui qu'elle touchait et en profite pour dispenser ses leçons de chimie aux téléspectatrices. Le patron de la chaîne exige des changements mais le succès d'audience l'oblige à se raviser.
Tandis que Mad souhaite en savoir plus son père qu'elle n'a jamais connu et que sa mère rechigne à évoquer, Liz accepte d'aider Harriet à promouvoir une manifestation contre le projet d'autoroute à l'antenne. Pour ne pas léser l'équipe technique, elle la paie avec son propre salaire. Mad, elle, se tourne vers le révérend Curtis Wakely, proche des Sloane, pour localiser l'orphelinat où à grandi Calvin. Le jour de la manifestation, Liz assiste à la répression brutale du mouvement par la police.
Liz accepte d'aider sa fille dans ses investigations. Calvin n'a jamais connu ses parents et ses dispositions précoces en sciences ont servi à l'orphelinat pour élaborer un breuvage ensuite commercialisé. Admis à l'institut Hastings, il en devient la vedette mais son caractère solitaire le rend asocial jusqu'à sa rencontre ensuite Liz. Pendant des années, il entretient une correspondance avec le révérend Wakely qui s'interrompt brutalement à sa mort. Wakely trouve enfin l'adresse de l'orphelinat où on jure à Liz et Mad n'avoir aucune trace du séjour de Calvin. Jusqu'à ce qu'elles trouvent une fiche dans un livre de la bibliothèque attestant qu'il y était. L'ouvrage était le roman préféré de Calvin, offert par la fondation Remsen qui lui offrit une bourse pour l'université.
Brie Larson divise. Bien qu'elle soit talentueuse, au point d'avoir décroché l'Oscar de la meilleur actrice en 2016 pour son rôle dans Room (où elle était remarquable), elle a acquis la notoriété mondiale en incarnant Carol Danvers/Captain Marvel dans le MCU en 2019.
Et c'est là que les ennuis ont commencé. Car une partie du public n'a pas apprécié son interprétation de l'héroïne, la jugeant "pas assez souriante"... Depuis, elle traîne une réputation de comédienne rigide auprès de certains pseudo-fans. Et, malheureusement, cela ne s'est pas arrangé avec la sortie récente de The Marvels (suite de Captain Marvel), boudé par le public (sans doute aussi sujet à une fatigue des films de super héros, soulignée par la qualité inégale des dernières productions Marvel).
Chez nous, quand un acteur veut retrouver de la crédibilité ou de la sérénité perdues au cinéma, il se tourne vers le théâtre. Aux Etats-Unis, on peut dire que la télé et les plateformes de streaming sont devenues le refuge de stars en quête de rédemption. Elles apportent un prestige certain à des productions qu'on n'aurait peut-être pas considérées avec attention sans elles.
Brie Larson a donc choisi de co-produire Lessons in Chemistry, l'adaptation du best-seller de Bonnie Garmus, et d'en jouer le premier rôle, celui d'une chimiste surdouée mais à qui son époque refuse de donner du crédit car le machisme domine. La présentation du personnage d'Elizabeth Zott est si soignée qu'on se demande si elle n'a pas vraiment existé mais aurait été oubliée par les livres d'Histoire en raison du contexte.
Zott va devenir l'assistante d'un scientifique renommé d'un prestigieux institut de recherches et nouer avec lui une romance qui connaîtra une fin prématurée et tragique. Tout est à refaire puisqu'on lui refusera le droit de co-signer la publication de leurs travaux révolutionnaires. Qui plus est, elle est enceinte de l'homme qu'elle aimait et qu'elle vient de perdre. Et puis le destin va mettre, au bout de sept années difficiles, sur sa route un producteur de télé qui lui offre d'animer un show culinaire où elle va dispenser son savoir au public via des recettes.
Si la série s'était contenté de suivre cette ligne narrative et ses conséquences directes, concrètes, sur la vie de Liz Zott, notamment dans l'impact de sa popularité sur ses relations avec sa fille, cela aura amplement suffit à alimenter les sept épisodes dans leur réflexion sur la place des femmes dans les années 50, leur accès au domaine d'excellence, bref leur émancipation dans une société corsetée. On pouvait même pousser un peu pour faire de la place au subplot concernant les origines de Calvin Evans et les investigations de Mad Zott (en dévoilant en parallèle et progressivement la correspondance entre le savant et le révérend Wakely : une intrigue secondaire qui éclaire sur les différences entre la rationalisme pur et la foi religieuse).
Mais Lee Eisenberg, le showrunner, a eu les yeux plus gros que le ventre : il a ajouté à cela le combat de Harriet Sloane, voisine de Evans puis du couple qu'il forma avec Zott, pour les droits civiques. En 1958, en effet, un certain Martin Luther King Jr. commençait à faire parler de lui pour réclamer que les noirs américains ne soient plus victimes de la ségrégation raciale.
Pourquoi pas ? Sauf que cela tombe comme un cheveu dans la soupe et surtout la série ne réussit absolument jamais à lier les deux thèmes. Pire : alors qu'on a pris fait et cause pour Liz Zott et sa propre bataille, elle devient presque antipathique quand elle doit expliquer qu'en s'impliquant dans l'action d'Harriet, elle risque sa carrière et compromet la situation de toute l'équipe qui vit grâce à son émission. Résultat : à la fin, l'histoire d'Harriet passe sous le tapis, comme si les scénaristes avaient compris qu'ils n'avaient ni la place ni le temps de la raconter, notamment à cause du récit concernant les recherches de Mad pour savoir d'où venait son père, qui il était.
C'est dommage. Il aurait fallu soit plus d'épisodes pour tout bien traiter, soit carrément sacrifier l'histoire d'Harriet (en se concentrant uniquement, par exemple, sur le retour de son mari, vétéran de la guerre de Corée et qui veut reprendre son travail de chirurgien alors qu'elle pensait qu'en revenant il la laisserait reprendre sa place d'avocate). Là, on a un personnage de trop, une histoire de trop. Non pas que celle d'Harriet soit moins intéressante, mais juste qu'elle encombre la série.
C'est d'autant plus dommage que l'interprétation de Aja Naomi King dans le rôle d'Harriet est magnifique et ses scènes avec Brie Larson sont excellentes. Larson elle-même est formidable, même si ses détracteurs lui reprocheront encore et toujours son jeu très intériorisé : elle ne cherche jamais à rendre Liz plus aimable, affable, elle n'est jamais dans la séduction. Mais elle est juste et impeccable. Dans la peau de Wakely, Patrick Walker est aussi épatant et on regrettera que la série ne dévoile son importance par rapport à Evans que si tard.
Lessons in Chemistry s'éparpille donc un peu trop, mais si vous n'êtes pas bêtement allergique à Brie Larson, alors c'est une série qui mérite le détour.
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