jeudi 12 mai 2022

X-MEN #11, de Gerry Duggan et Pepe Larraz


Ce onzième épisode de X-Men de l'ère Gerry Duggan ressemble à s'y méprendre à l'avant-dernier chapitre d'une saison 1 d'une série. En effet le scénariste met en scène la première partie d'un arc qui en comptera deux, juste avant la publication de l'event Judgment Day (avec les X-Men, les Eternels et les Avengers). C'est très efficace et réussi, d'autant que Pepe Larraz est de la fête et qu'il nous gratifie de planches superbes.


Gameworld. Instruites par Rocket Raccoon sur ce casino où on joue le desrtin de la Terre, Marvel Girl, Polaris, Malicia et Wolverine arrivent ensemble et se séparent pour frapper.


New York. Captain Krakoa et Synch s'enfoncent dans les égoûts pour y débusquer le repaire du Dr. Stasis. Copiant les pouvoirs de Wolverine, Synch suit une piste, Captain Krakoa une autre.


Gameworld. La situation dégénère. Cordyceps Jones a piégé et possédé Wolverine. Marvel Girl attire l'attention à une table de jeu quand elle doit faire face au maître des lieux.


Cyclope trouve Stasis et engage le combat. Il détruit son coasque qui le protège et découvre, stupéfait, l'identité de son adversaire...

Je peux me tromper bien sûr mais tout indique que Gerry Duggan va boucler au prochain numéro de X-Men la première "saison" de la série depuis qu'il l'écrit. Depuis l'apparition de Captain Krakoa et des épisodes dont on avait du mal à saisir ce qui les liait, avec une gestion du casting très aléatoire, le scénariste a entamé un travail de fond pour prouver qu'il avait depuis le début un grand plan.

On a alors compris que l'enquête de Ben Urich sur les mutants morts qui étaient réapparus sans explication et l'organisation hiérarchique de Orchis étaient deux lignes narratives convergentes, et que la mise à prix de la Terre depuis le Gameworld de Cordyceps Jones servait de fil rouge. Aujourd'hui, à un mois de la parution du douzième épisode, après donc un an sous la direction de Gerry Duggan, tout est en place pour un final spectaculaire.

Ce onzième chapitre est bâti sur une narration parallèle : d'un côté, les X-women investissent Gameworld avec le projet d'intimider Cordyceps Jones et de faire cesser la menace qu'il fait planer sur la Terre ; de l'autre, Synch et Cyclope/Captain Krakoa traquent le Dr. Stasis. Sunfire, lui, fait office de tampon entre ces deux lignes historiques puisqu'il reçoit dans la Maison dans l'Arbre (le QG des X-Men) Iron Man et Captain Marvel qui se sont rendus compte que ça bougeait beaucoup chez les mutants en ce moment et que la sécurité de New York était menacée à cause de cela.

Gerry Duggan, peut-être pour la première fois, anime la totalité de ses personnages, certes en les dispersant en deux groupes, mais chacun avec des objectifs précis et ambitieux. Cordyceps Jones s'avère un redoutable adversaire et on mesure à quel point Marvel Girl et Wolverine en particulier l'ont sous-estimé en allant le défier chez lui - une preuve de plus d'une suffisance certaine de nos héros. Quand à Stasis, on apprécie l'intensité de son affrontement avec Cyclope étant donné que c'est à cause de lui que le leader des X-Men doit désormais dissimuler son identité aux yeux du grand public (ayant été vu par des témoins lorsqu'il a été tué par les créatures du Docteur). Même l'échange entre Iron Man, Captain Marvel et Sunfire, pourtant très bref, ne manque pas de saveur : en effet, Shiro Yoshida ne craint personne grâce à sa puissance naturelle mais aussi à cause de son sale caractère.

Le procédé est donc simple mais très convaincant. En fait, c'est comme si, dans la seconde partie de cette "saison" 1, Duggan avait simplifié sa copie, épuré son propos. Plus besoin d'invoquer des menaces démesurées pour prouver la valeur de son équipe et s'appuyer sur des séquences spectaculaires (d'un kaiju alien à la vague d'annihilation en passant par le Maître de l'Evolution ou Cauchemar). Place à une intrigue sans doute plus élementaire mais aussi plus solide et accrocheuse où les X-Men étaient vraiment poussés dans leurs retranchements (Cyclope obligé de devenir Captain Krakoa, Wolverine libérant Lady Deathstrike, Sunfire assistant impuissant à l'alunissage de Feilong sur Phobos). Ironiquement, c'est quand Duggan a cessé d'aligner des one-shots avec un adversaire surpuissant par mois qu'il a convaincu de son dispositif.

Même si, en fin de compte, Orchis a été peu mis en avant, le danger qu'elle représente est devenu plus pesant, plus prégnant, plus saillant. Stasis, en particulier, a été une addition payante, Feilong s'est imposé. Composer avec la formation des X-Men a permis de vérifier quels étaient les chouchous de Duggan (Polaris, Cyclope, Wolverine, et surtout Synch, devenu la star de la série grâce à ses pouvoirs), reléguant quelque peu les autres au second plan (Malicia en particulier dont les capacités font doublon avec celles de Synch, ou dans une moindre mesure Jean Grey - même si elle pourrait enfin connaître son grand moment dans le prochain épisode). Il sera donc intéressant de voir à quel point la prochaine élection du Hellfire Gala 2022 va modifier la composition de l'équipe (en lui ajoutant un membre et, peut-être en lui en ôtant un ou plusieurs).

Le plaisir qu'on prend à la lecture de n° 11 vient aussi de la prestation de Pepe Larraz. Là encore, je me trompe peut-être, mais j'ai comme le pressentiment que l'artiste espagnol va tirer sa révérence sur le titre. J'espère, si c'est le cas, que Marvel aura l'intelligence de confirmer Javier Pina et disons Carlos Villa pour le remplacer car ce seraient les candidats parfaits.

Ce qui me fait penser à ça, c'est que, au bout du compte, Larraz, malgré un nombre correct d'épisodes produits sur un an (cinq sur douze en comptant le prochain), n'a jamais donné l'impression de pouvoir enchaîner. Or c'est important d'associer un dessinateur à une série, surtout quand il s'agit d'un titre aussi exposé que X-Men. Mais c'est surtout étonnant quand on se rappelle qu'il avait produit les six numéros d'affilée de House of X (plus quelques pages de Powers of X #6), à une cadence plus soutenue.

Larraz me paraît en fait plus taillé pour des numéros spéciaux où il peut y aller à fond. Le format mensuel semble le limiter, comme s'il avançait avec le frein à main. Je suis sûr que sur un event, préparé avec une certaine avance, il serait parfait. Sur X-Men, il n'a brillé que par intermittences. Pas cette fois toutefois, car ses pages sont superbes.

D'entrée de jeu, quand les X-women pénètrent dans le casino, vêtues avec leurs habits du Hellfire Gala 2021, elles sont superbes, et quand Larraz les suit dans cet endroit, il produit des scènes puissantes, violemment belles, où son trait si racé fait merveille.

Mais il est aussi inspiré quand il représente la chasse de Synch (avec une scène de baston express très impressionnante) ou Cyclope contre Stasis dans une empoignande d'une vivacité grisante. Larraz est un grand dessianteur, c'est évident, je ne le remets pas en cause, mais il lui faut du biscuit. Si vous gâchez ce génie avec des talking heads, c'est désolant. Mais donnez-lui du fight et là, attention les yeux ! C'est du brutal et fait avec classe. Surtout que Marte Gracia complète somptueusement ses planches avec des couleurs chiadées.

Le double cliffhanger qui clôt cet épisode rend impatient pour la suite. Comme ça n'a pas toujours été le cas, on a faim.

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