Hellboy and the B.P.R.D. : The Secret of Chesbro House est une histoire complète en deux parties. Mike Mignola l'a co-écrite avec Christopher Golden et en a confié les dessins à Shawn McManus. Une nouvelle fois, il est question d'une maison hantée et de secrets de famille bien flippants : on est donc en terrain connu. Mais c'est efficacement mené et superbement mis en images.
New Paltz, Etat de de New York. 1983. Hellboy rejoint dans la maison de feu Peter Chesbro Mme Helen Zemprelli, une spirite, et Carter Stroud, l'héritier, avec sa fiancée, Serena Wilkins.
Ils sont rejoints par Nigel, le gardien, qui revient sur la mort de Sarah, tuée par son père, Peter, dont le fantôme hante l'endroit. Il aurait caché le corps de sa fille et son trésor dans une pièce secrète.
Le spectre de Sarah apparaît ensuite et semble possédée par une force inconnue... (Fin de la première partie.)
Consumée par l'effort requis pour invoquer les morts, Helen a le temps de montrer le passé à Hellboy qui découvre que Peter Chesbro a effectivement tué sa fille en en faisant la mère porteuse d'un démon.
Helen meurt. Carter se carapate en direction du sous-sol, guidé par le crâne de son aïeul comme l'indique Serena à Hellboy, qui part à sa poursuite.
Attiré par le trésor qui se cacherait dans la chambre où Sarah fut sacrifié, Carter suivi par Hellboy découvrent un oeuf qui éclot et dont sort une bestiole monstrueuse et enragée.
Carter s'enfuit mais la maison prend feu et il périt écrasé par un lustre. Hellboy se débarrasse du monstre et quitte la demeure pour retrouver Serena qui a suivi son conseil d'en sortir.
Hier, je vous ai parlé du one-shot The Seven Wives Club, dans lequel Mike Mignola et Adam Hughes s'amusaient déjà avec le cliché de la maison hantée. On retrouve ce motif au coeur de The Secret onf the Chesbro House, un diptyque co-écrit par Mignola et Christopher Golden.
Cela vient confirmer ce que je disais la veille quand j'indiquai que Hellboy and the B.P.R.D. répétait volontiers une formule éprouvée. C'est ce qui rend l'entreprise à la fois un brin facile et en même toujours divertissante, comme autant de variations sur le même thème.
En vérité, comme pour The Seven Wives Club, Mignola s'amuse avec son univers et son héros. Il se le permet car il s'agit ici encore d'un Hellboy en formation et non du héros qui agira sans sa série solo dans des aventures beaucoup plus épiques et dramatiques.
Hellboy est en effet encore jeune, même s'il est difficile de lui donner un âge précis. Il a déjà son petit caractère, mais ce n'est pas une créature achevée, un détective du paranormal aguerri et quelque peu blasé. A cet égard, la première scène qu'il partage avec la spirite Helen Zemprelli est éloquente puisqu'elle est une femme représentée dans sa maturité et qui cerne déjà le Hellboy à venir, suggérant même la violence qui couve en lui et qui ne demande qu'à s'exprimer. On voit à quel point ces réflexions mettent mal à l'aise le démon.
Tout comme il n'est pas tranquille dans cette grande maison décorée de portraits de Peter Chesbro et sa fille Sarah qu'il aurait tuée, la condamnant à ne jamais connaître le repos. Hellboy distribue les rôles en disant qu'il est "les muscles" et Helen Zemprelli "la médium", autrement dit lui s'occupe de cogner et elle de penser. Niveau psychologiue, c'est élémentaire, mais plus fouillé que dans The Seven Wives Club.
L'histoire se complète avec un casting de seconds rôles aussi fouillés : il y a Carter, l'héritier de la maison dont il jouira seulement s'il réussit à apaiser le fantôme de Sarah et qui recevra un joli pactole avec lequel il a promis à sa fiancée, Serena, un beau voyage exotique. Et puis il y a Nigel, le gardien de la maison, un petit bonhomme aux yeux vairons, à la trogne inquiétante, dont les récits sur les soirées dépravées des enfants de Peter Chesbro contribuent à établir une ambiance défintivement flippante. Tout est en place pour que la nuit soit bien agitée...
Et on n'est pas déçu, entre une séance de spiritisme, un monstre dans le sous-sol,, la révélation sur la triste fin de Sarah Chesbro, et la chute de la maison. La mission est un échec pour Hellboy compte tenu des pertes enregistrées, mais le lecteur a eu son compte d'émotions fortes tout ne souriant franchement devant cette succession de péripéties grand-guignolesques. Mignola et Golden ont enfilé les clichés comme des perles avec l'envie manifeste de se moquer d'eux-mêmes et de la série : c'est en cela que ces petites histoires sont si savoureuses, alors que dans les titres Hellboy et B.P.R.D., le ton est beaucoup plus grave.
Shawn McManus est un artiste méconnu mais que j'apprécie beaucoup et que j'aimerai lire plus souvent. Jusqu'à présent, j'ai surtout pu en profiter dans Fables, où il a signé des chapitres annexes. Il a un style très expressif, que le coloriste Dave Stewart met magnifiquement en valeur, comme d'havitude sans empiéter sur son trait et son encrage mais en le réhaussant de nuances parfaites (voir la scène de la séance de spiritisme notamment).
Ce qui est intéressant avec ces artistes invités à s'exercer sur Hellboy, de Alex Maleev à Adam Hughes en pensant par Paolo Rivera ou Stephen Green et Matt Smith, c'est que chacun peut animer le démon à sa manière. Il y a certes un cahier des charges et Mignola n'hésite pas à suggérer (fortement) certains éléments (en particulier au niveau des décors et du design des monstres), mais sinon, chacun est libre d'investir Hellboy comme il le souhaite.
Mc Manus tire Hellboy vers une sorte de cartoon très soigné. Son goût pour les trognes est évident et le détective du paranormal est une créature fabuleuse à cet égard pour le représenter en soulignant ses mimiques. Ainsi, il est amusant de le voir sursauter quand Mme Zemprelli le surprend alors qu'il rôde dans la maison au tout début, un peu comme si le loup avait peur de la biche. Plus tard, quand les fantômes apparaîtront, Hellboy se montrera encore plus nerveux, frappant dans le vide comme s'il espérait en finir sans se rendre compte que cela ne règlera rien. Par contre, une fois face au monstre du sous-sol, il aura matière à se passer les nerfs sans se retenir.
Mais avec les autrs personnages, McManus a aussi un beau terrain de jeu et il a visiblement pris plaisir à donner à chacun un visage et des attitudes que son dessin ne flatte pas. Carter est une sorte de bellâtre surtout attiré par l'argent et n'hésitant pas, dans la confusion, à planter sa fiancée, tandis que celle-ci se montre à la fois dubitative et impressionnable. Helen Zemprelli se distingue par sa classe complètement décalée (on la croirait sortie d'un film noir des années 50 dans cette intrigue datée de 1983), porte cigarette, fourrure, bibi sur la tête, tailleur super chic. Et ne parlons pas de l'affreux Nigel, avec son regard torve, son sourire glaçant, et sa petite taille qui fait penser davantage à celle d'un gnome qu'à celle d'un humain.
McManus, enfin, dessine des décors incroyablement détaillés : le mobilier de la maison, chaque mur, les escaliers en colimaçon, la chambre secrète, tout témoigne d'une recherche bluffante pour faire de cet endroit l'archétype parfait de la maison hantée, autrefois bourgeoise, aujourd'hui abandonnée mais entretenue. On a presque de la peine de la voir partir en fumée, comme on pourrait regretter d'entamer un beau gâteau.
Hellboy and the BPRD : The Secret of Chesbro House est un délice dans le genre de l'épouvante parodique. A savourer pour tous les fans d'Hellboy, mais pas qu'eux.
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