Deux scènes supplémentaires surviennent après la fin :
- dans la première, Strange est interpelé par Clea dans une rue de New York pour réparer une Incursion qu'il a causée en se servant du Darkhold.
- Dans la seconde, un vendeur de pizzas sur la Terre-838, que Strange avait voulu corriger après avoir traité Chavez de voleuse, voit le sort dont il était victime prendre fin.
La Phase 4 du MCU désoriente beaucoup certains fans des productions Marvel Studis car, contrairement à ce qui se faisait précédemment, il n'y a pas vraiment de fil rouge entre les films, comme Thanos et les Pierres d'Infinité auparavant. On avait cru que Kang serait le grand méchant de cette nouvelle période, mais à part dans la série Loki, l'an dernier, le conquérant temporel n'a plus fait d'apparition.
Qu'il s'agisse donc de Black Widow, des Eternels, de Spider-Man ou de Doctor Strange, les films existent désormais sans quelque chose qui les relie. Etait-ce une intention programmée dès le lancement de cette nouvelle Phase ? Ou une conséquence de la pandémie mondiale qui a obligé Marvel/Disney comme toutes les majors à réviser leurs plans pour leurs franchises à succès ? Sans doute un peu des deux puisque Kevin Feige, le big boss du MCU, a souvent expliqué qu'il souhaitait tenter de nouvelles choses, ne plus dépendre des Avengers (allant même jusqu'à affirmer que Endgame était bien le dernier long métrage avec l'équipe, il est vrai amputé de membres emblématiques comme Iron Man et Captain America).
Ces expériences n'ont pas été très heureuses, il faut bien le constater. Black Widow n'a rien apporté. Les Eternels a été un ratage sidéral. Spider-Man : No Way Home, très bien par ailleurs, a surtout confirmé que le MCU dépendait de ses héros iconiques restants. Pendant ce temps, en revanche, sur Disney+, on a tenté davantage, avec certes plus ou moins de bonheur, mais de manière très intéressante quand ça fonctionnait - particulièrement avec Loki et WandaVision.
Ce qui frappe avec Doctor Strange in the Multiverse of Madness en fait, c'est que pour la première fois on doit, pour comprendre le film, avoir vu les séries Marvel sur Disney+ et plus spécialement Loki et WandaVision. Loki car cela a introduit la notion du Multivers de Marvel. Et WandaVision pour saisir l'état dans lequel on retrouve Wanda Maximoff ici, avec une mention aux "événements de Westview", aux fils de la Sorcière Rouge, et à la motivation de sa quête qui s'oppose à celle de Stephen Strange dans l'intrigue.
Le scénario de Michael Waldron intrègre donc des éléments qui n'ont pas été développés dans des longs métrages de cinéma mais dans des productions pour le streaming. C'est en quelque sorte une boucle puisque le MCU dans les salles s'est cosntruit comme une série de films aboutissant aux réunions régulières et paroxystiques des Avengers (Avengers, Avengers : l'ère d'Ultron, Avengers : Infinity War, Avengers : Endgame). Et aujourd'hui que le MCU s'étend au streaming via des séries, ce sont les films qui viennent puiser leurs idées motrices chez elles.
Il est donc question sur le fond et sur la forme de passage entre deux médias, deux univers. C'est le concept même du Multivers, une idée scientifique sérieuse au départ et exploitée de manière fantaisiste pour le divertissement cinématographique et télévisuel. Waldron transpose cela de façon encore plus directe que c'était le cas dans Spider-Man : No Way Home où il s'agissait "seulement" d'attirer dans notre monde des Spider-Man d'autres Terres. Là, les héros explorent ce Multivers plus activement en visitant d'autres Terres, mais pas gratuitement, pour faire une sorte de tourisme, mais pour sauver cette construction dimensionnelle et contrecarrer le plan fou de la Sorcière Rouge.
Le seul bémol concernant le scénario concerne, pour moi, la présence des Illuminati. Je trouve cette idée sous-exploitée et ses membres trop vite (et trop facilement) sacrifiés (peut-être aussi parce que leurs interprètes n'ont pas vocation à revenir dans le MCU). Certes, ça fait plaisir de revoir par exemple Patrick Stewart en Pr. X, Hayley Atwell en Captain Carter, ou même Anson Mount en Black Bolt, mais c'est léger. La déception est accentuée par le fait que la rumeur Tom Cruise en Superior Iron Man n'ait été qu'une rumeur. Et je ne suis vraiment pas fan (ni convaincu) par John Krasinski en Mr. Fantastic.
D'aucuns jugeront qu'en fait de Multivers et de Terres parallèles, on n'en voit pas beaucoup. Sam Raimi aurait d'abord monté une version plus longue de son film (aux alentours de 2h 40, ai-je lu) avant de couper une demi-heure (non pas sur ordre de la production mais de son propre gré). Etonnant revirement, surtout dans le MCU où les longs métrages excèdent souvent les 120'. Mais ce choix artistique s'avère payant car le résultat est incroyablement rythmé, et surtout ne donne pas l'impression qu'il manque des scènes (peut-être montrant d'autres Terres, sans réelle justification autre que de les montrer justement). Et la rumeur court que le prochain volet de Thor, Love and Thunder, aboutit elle aussi à une durée plus ramassée encore !
Cela, je le répéte, ne me semble à aucun moment préjudiciable pour l'histoire. Sam Raimi met toute sa science de la mise en scène, avec des gimmicks esthétiques qu'il affectionne (zooms, décadrages vertigineux, narration parallèle), au service du script et des personnages, et donne au film une griffe plus stylisée que la moyenne de ce qu'on voit dans le MCU (où ce sont surtout des trublions comme Taïka Waititi et James Gunn qui se font remarquer). La caractérisation en ressort plus saillante et dramatique, avec un accent prononcé pour celle de Wanda qui, certes, devient la méchante de l'affaire, mais avec un final qui, sans l'absoudre, rend sa trajectoire vraiment poignante. Strange reste ce Doctor arrogant mais bien remué par ces péripéties au contact de America Chavez, qui est le pivot de l'intrigue.
L'interprétation rend justice à cette double écriture, narrative et visuelle. Sam Raimi dispose d'acteurs parmi les plus doués pour la composition du MCU. Benedict Cumberbatch subit beaucoup (trop selon certains commentateurs) mais compense par son charisme naturel et insuffle à son personnage de subtil dosage entre suffisance et débrouille, soulignant que Strange n'est pas un super-héros commun mais bien un docteur qui doit réparer (y compris ses propres erreurs). Elizabeth Olsen, déjà remarquable dans WandaVision, profite ici d'un retour en fanfare et délivre une prestation magistrale, inquiétante et fragile à la fois. La jeune Xochitl Gomez n'a pas l'envergure de la Miss America Chavez des comics (représentée dans la vingtaine, et non comme une ado, athlétique et avec un caractère bien trempé, non comme une héroïne ne maîtrisant pas ses pouvoirs et impressionnable), mais elle convainc de plus en plus à mesure que le film progresse, par sa fraîcheur (il est aussi indéniable que le choix d'une actrice aussi jeune fait partie d'un plan plus vaste de Kevin Feige, qui pense peut-être à un futur film Young Avengers avec Hailee Steinfeld/Hawkeye/Kate Bishop, Iman Vellani/Kamala Khan/Ms Marvel, Dominique Thorne/Riri Williams/Iron Heart...).
Et, cadeau bonus, dans la première scène post-générique, on découvre Charlize Theron dans le rôle de Clea (même si son nom n'est pas dit). Le recrutement d'une actrice de ce rang pour un personnage aussi lié dans les comics à Strange indique qu'on la reverra.
Doctor Strange in the Multiverse of Madness est un excellent cru. Après Spider-Man : No Way Home, cela prouve qu'il est plus attractif et convaincant de prolonger la filmographie du MCU avec ses têtes d'affiche (et à utiliser d'autres héros, moins vendeurs ou jamais adaptés dans des séries sur Disney+). Au-delà, c'est un divertissement souvent virtuose dans sa réalisation et fantastique dans son interprétation, le tout avec un scénario vif et mouvementé.
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