Black Hammer : Reborn, c'est fini. Vraiment ? Jeff Lemire l'a déjà annoncé : il y aura un dernier acte à son épopée, intitulée logiquement Black Hammer : The End. Donc, ce douzième chapitre est plutôt la rampe de lancement à ce futur prolongement. Caitlin Yarsky, elle, en revanche, fait ses adieux à cet univers avec une prestation de haute volée.
Le Multivers s'effondre. Dans son observatoire, Dr. Andromeda ignore que faire contre ça. C'est alors que débarque le Parlement des Weird et Randall apporte avec lui une solution.
Au même moment, le variant maléfique de Joseph Weber désarme Lucy. Transformé par les Weird en Spacedigger, Skulldigger vole à son secours et la transporte dans le vaisseau de Randall.
Randall Weird rentre dans son vaisseau, seul. Le Dr. Andromeda effondré assiste avec Sherlock Frankenstein et Spacedigger au réveil de l'Anti-Dieu dans le Paravers...
Je m'en doutais un peu mais effectivement Jeff Lemire ne boucle pas son histoire avec ce dernier épisode de Black Hammer : Reborn. En lieu et place, il clot (semble du moins) le "dossier" Lucy Weber et (peut-être du même coup) celui de la dynastie des détenteurs du titre de Black Hammer. Encore qu'avec de diable de scénariste, il faut se garder de toute conclusion hâtive...
En tout cas, c'est toujours aussi étonnant et réjouissant. Voyez par vous-même : c'est non pas la fin du monde mais des mondes, la fin du multivers, ou du Paravers, la situation est désespérée, a priori tout est perdu pour nos héros. Et pourtant...
... Pourtant il flotte dans cet épisode une curieuse ambiance, une atmosphère de transition (comme un passage de relais mais aussi de changement à venir). On avait déjà ce sentiment à la fin de Black Hammer : Age of Doom, où on croyait en avoir fini, avoir dit adieu aux héros de la série. Et puis Black Hammer : Reborn nous a appris récemment ce qu'ils étaient devenus, transférés par la magie et le sacrifice de Mme Dragonfly, dans une dimension parallèle qui serait en fait celle du monde réel, où les histoires de Black Hammer seraient une fiction.
Pour bien saisir au fond la figure centrale et récurrente de tout l'univers de Jeff Lemire, il faut le considérer comme un ensemble de séries emboîtées à la façon de poupées russes. C'esr valable pour les spin-off (The Unbelievable Unteens, Skulldigger + Skeleton Boy, etc.) mais aussi pour le titre principal. Et c'est ce qui rend sans doute le projet si fécond : on ne sait absolument pas combien de séries consécutives il existe et donc quelle suite aura le récit.
Donc, c'est pour cela que, alors même que le Multivers/Paravers s'effondre, on y croit encore, on croit encore au salut, à la victoire, on a la conviction que les bons vont gagner, que les méchants vont perdre, que tout peut être sauvé. Peut-être pas pour redevenir ce qui était, mais pour aboutir à une fin qui soit valable.
Jeff Lemire ose jouer cette carte casse-gueule (de conclure une série pour préparer la suivante) parce qu'il en a le talent, il a une idée, mais aussi parce qu'il a prévenus que la suite et fin serait réellement l'apogée de son projet. Cela s'appelera Black Hammer : The End. C'est logique, mais ça promet surtout d'être complétement ouf, ne serait-ce qu'en obseervant la mutation inattendue du Skulldigger en Spacedigger, mais aussi en assistant au réveil de l'Anti-Dieu (je sais, je spoile la fin de cet épisode, mais c'était tout de même prévisible, teasé depuis quasiment le début de Reborn et même du tout premier volume de Black Hammer). Que va faire cette bande improbable constituée de ce Spacedigger, de Sherlock Frankenstein, de Dr. Andromeda, du Parlement des Weird et de Talky Walky contre une telle menace ? Si ça ne vous donne pas l'eau à la bouche, c'est tout simplement que vous n'avez jamais lu Black Hammer !
Caitlin Yarsky ne dessinera pas la suite et fin de Black Hammer (ce sera l'excellent Malachi Ward, qui avait assuré son intérim sur cette série), masi elle part sur une excellente prestation. Cette artiste aura été une révélation et même si je l'ai trouvée plus convaincante quand elle devait mettre en images des scènes calmes, d'exposition, centrées sur les personanges, leur expressivité, elle force sa nature avec panache.
En effet, dans cet épisode, elle a fort à faire entre l'effondrement des terres parallèles, le débarquement des Weird, la bataille brutale entre le maléfique Joseph Weber et Lucy. Ses pages sont spectaculaires à souhait et possèdent une énergie très convaincante.
Toutefois, c'est la partie où Randall Weird ramène Lucy à la ferme et où elle va choisir entre sauver l'univers et sa famille qui sied le mieux à Yarsky. De façon très simple, presque minimaliste, elle rend cette situation à la fois limpide et imprévisible. On croit que Lucy va sacrifier son bonheur personnelle pour le salut du multivers... Et puis non ! Ce choix devient acceptable grâce à la finesse du dessin qui parvient à accompagner Lucy contre la tradition super-héroïque.
Yarsky montre, sans effets, une héroïne faire un choix égoïste mais aussi valide quand on mesure tout ce par quoi elle est passée, notamment dans les épisodes précédents de Reborn. Ce qui fait que la scène, subtilement écrite, fonctionne, c'est aussi pour la densité du dialogue entre Lucy et Randall. On a là une femme, qui a refait sa vie, a vu l'aventure la rattraper, mais surtout devoir décider en présence de l'homme dont elle a cru qu'il avait littéralement désintégrer son mari et ses enfants. L'aspect lunaire, hors sol (au propre) de Weird face à celui plus terrien, ancré, de Lucy, cadrés tous deux sans fantaisie, sans posture mélodramatique, fournit à ce moment une épaisseur exceptionnelle.
Jusqu'au bout, comme toujours, Jeff Lemire aura été d'un rare culot, mais son génie narratif le lui permet. Qui d'autre que lui suspendrait le dernier épisode de sa série sur un cliffhanger aussi désespéré ? Qui d'autre que lui tenterait encore le tout pour le tout en misant sur la relation de confiance entre le lecteur et lui ? C'est ce pari vertigineux mais absolument divin que formalise Black Hammer : Reborn. Vivement The End !
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