Dernier arrêt pour One-Star Squadron : Mark Russell et Steve Lieber concluent là une des mini-séries les plus originales et touchantes de ces derniers mois. Une fin douce-amère qui colle bien avec le projet, mélancolique et profonde.
Quinze mois se sont écoulés depuis le tragique incendie de l'agence HEROZ4U dans lequel à péri Gangbuster. Encore hanté par ce souvenir, Red Tornado se demande ce qu'il est advenu de Minute Man.
Apprenant qu'un cadavre correspondant à celui de son ancien employé a été retrouvé, il se rend à la morgue pour l'identifier et ment au médecin-légiste en affirmant le reconnaître.
Red Tornado s'adresse ensuite à ses anciens collaborateurs, G.I. Robot, The Heckler, et Power Girl, qui ont refait leur vie - cette dernière s'excuse pour avoir conspiré contre lui.
Mais personne n'a eu de nouvelles de Minute Man. Jusqu'à ce que Red Tornado reçoive une lettre et sache enfin où il est passé et ce qu'il devient...
Le format de la mini-série est devenu élastique, mais chez DC, avec le succès du Black Label, on a pris l'habitude de lire des histoires assez denses en douze numéros, dont Tom King s'est fait une spécialité. Chez Marvel, le plus souvent, on a droit à cinq épisodes et l'éditeur utilsie cela pour tester des personnages sans titre fixe ou rebondir sur l'actualité cinéma en accordant de la place à des seconds rôles qui ne pourraient assurer la viabilité d'un mensuel - raisons pour lesquelles souvent le résultat s'avère décevant ou trop frustrant car on sent bien que cela a été édité sans conviction profonde.
DC a donc une expérience dans ce domaine qui me semble plus affirmé. Pour en revenir au Black Label, on mesure bien l'influence de cette collection sur les libertés accordées aux auteurs pour s'amuser avec des personnages sans se soucier de la continuité, et oser l'ecclectisme. C'est précisément l'objet de One-Star Squadron.
Dire que je n'attendais rien de cette mini est une évidence. Aussi le plaisir que j'ai pris à la lire, mois après mois, a été une surprise très agréable car Mark Russell a su proposer une histoire vraiment originale, sarcastique et émouvante. Il lui restait à finir le travail en beauté.
Il choisit une ellipse conséquente, un bond dans le futur, pour ce dernier volet. L'affaire de l'incendie de l'agence semble avoir été classée et les protagonistes de la série ont repris leur vie. On découvrira que G.I. Robot donne des cours sur les différentes catégories de super-héros à des aspirants justiciers, que The Heckler candidate pour un job dans une boutique tenu par Lex Luthor, et surtout que Power Girl a renoué avec son costume iconique, tournant le dos à des responsabilités managériales après avoir tiré les leçons de ses erreurs, inspirée par son célèbre cousin (Superman).
Mar Russell fait de chacune de ces retrouvailles un chouette moment. Le dialogue avec GI Robot et Red Tornado est celui de deux androïdes jetant des regards différents sur l'humanité, l'un désabusé, l'autre soucieux. The Heckler n'a pas le temps d'échanger, négociant avec Luthor dans une scène pathétique pour les deux, et observée comme telle par Red Tornado. Enfin, Power Girl se confie de manière sincère et poignante à son ancien manager, revenant sur la nuit où son destin a basculé lorsqu'elle a compris l'aspect dérisoire de ses ambitions professionnelles et la nécessité d'embrasser son vrai destin. Red Tornado reçoit ses excuses et ses confidences avec bienveillance, sans rancune.
Le fil rouge à tout cela, c'est le souvenir qui hante Red Tornado des deux nuits où d'abord l'agence de HEROZ4U a brûlé dans un incendie et ensuite où il a enregistré les aveux de Minute Man. Tout cela n'aurait pas eu le même impact sans la mort tragique, dans les flammes, de Gangbuster - dont Minute Man ignorait qu'il se trouvait dans le local lorsqu'il y a mis le feu. D'un côté, Red Tornado s'en veut encore de ne pas avoir davantage présent pour Gangbuster, ce justicier devenu amnésique et SDF. De l'autre, il se demande ce qu'est devenu Minute Man. On le découvre, via une lettre, dans les dernières pages.
Le message, en forme de morale, comme dans une fable, c'est qu'accorder une seconde chance comme l'a fait Red Tornado à Minute Man, c'est faire preuve d'héroïsme. Certes, c'est ambigü car il a laissé filer un criminel. Mais celui-ci s'est racheté, après avoir failli, tourmenté par le remords, mettre fin à ses jours (une scène à la fois hilarante et épatante). Dans un monde et une époque où, comme le pense Red Tornado, les super-héros ne sont peut-être pas/plus aussi nécessaires qu'ils le croient, laisser à un compagnon la chance de se refaire, n'est-ce pas la preuve, authentique et finale, qu'on peut être bon ? Personne n'est parfait, pas même les plus valeureux, les plus célèbres des héros. S'ériger en juge face à l'erreur, fusse-t-elle dramatique, d'un pair peut être compensé par l'espoir d'accorder une opportunité à un raté de se corriger, de s'amender.
Mine de rien, One-Star Squadron réfléchit, avec justesse et humilité, sur des questions morales, éthiques, sans être condescendant ou professoral, simplement en posant des questions qui piquent. Le choix de Red Tornado interroge, et sans doute déplaira-t-il à certains, plus convaincus que Minute Man aurait dû être remis à la justice et sans doute condamné. Il appartient à chacun de se faire un avis là-dessus, et l'intelligence de la série est de ne pas imposer le sien. Mais il est indéniable qu'on finit cette histoire troublé, penseur. Et je trouve ça bien.
Steve Lieber aura été le parfait compagnon de jeu de Mark Russell. Ce dessinateur n'est pas exceptionnel mais il est intelligent car il a compris commen traiter ce récit. Tout reste à hauteur d'homme, plus de héros, et Red Tornado n'a jamais été si bien écrit. Entre les mains et sous le crayon de Lieber, on a pu ressentir l'étonnante humanité, l'épatant humanisme de ce robot, taraudé par sa conscience, plus qu'humain.
Le découpage reste sobre, simple. On suit le fil de l'histoire sans heurts, et si ça peut paraître plat, voire pauvre visuellement, c'est en vérité un service rendu au projet qui n'a pas besoin d'être "augmenté" graphiquement. Il ne servirait à rien d'en rajouter en essayant de tirer cette intrigue intimiste vers du spectacle gratuit. Lorsque Red Tornado, ainsi, ranime des éoliennes et use de ses pouvoirs pour cela, on est plus saisi par le bien qu'i fait ainsi que par la capacité extraordinaire qu'il déploie. Il agit non pas pour se faire remarquer mais pour dépanner, rendre service. De la même manière, Steve Lieber dessine non pour briller mais pour servir le script. C'est parfait.
One-Star Squadron ne se qualifiera pas comme un incontournable, mais pourtant la qualité à l'eouvre ici mérite qu'on s'y arrête. C'est définitivement autre chose, et le plaisir qu'on en tire vient en grande partie du fait qu'on ne s'attendait pas à quelque chose d'aussi juste et malin sous une allure aussi modeste. Bien joué.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire