Batman : Killing Time est une mini-série qui n'a pas de temps à perdre. Arrivée à mi-parcours (puisqu'elle comptera six numéros), elle progresse toujours pied au plancher et Tom King dissèmine des indices au fur et à mesure entre deux scènes d'action trépidantes. David Marquez est dans son élément, son desssin s'adaptant idéalement à cette course folle.
Recruté par le Pingouin, l'Aide, un tueur à gages, se présente devant le Sphinx dans sa cachette alors qu'il attendait un acheteur. Blessé par balle, Edward Nygma ne doit son salut qu'à l'arrivée de...
... L'Aide est au chevet du Pingouin et le menace à présent car il souhaite savoir ce que le Sphinx et Catwoman ont volé pour le leur dérober pour son propre profit...
Tout d'abord, le résumé ci-dessus ne tient pas compte de la narration éclatée de Tom King, j'ai donc replacé chronologiquement l'essentiel de l'épisode. Non pas pour le rendre plus compréhensible mais bien pour prouver à quel point le déroulement de l'action est effrené.
En vérité, si Tom King fait des va-et-vient entre le passé (parfois très lointain) et le présent de son récit, ce n'est pas embrouiller le lecteur mais pour lui permettre au contraire d'assimiler les informations qu'il lui fournit et plus encore de composer le puzzle de l'intrigue.
Car, on commence à le voir, les origines de l'objet qu'ont volé Catwoman et le Sphinx remontent à très longtemps. Depuis trois épisodes, King nous balade dans l'antiquité grecque (1157 puis 405 avant J.C.), en Pologne au Moyen-Âge (en 1357 puis au XIXème siècle (1873), puis dans la jeunesse de Bruce Wayne quand il fut l'élève de Ra's Al Ghul. Le fil rouge de tous ces voyages dans le temps : un écrin renfermant le mystérieux butin volé par Edward Nygman et Selina Kyle, et qui semble doté de pouvoirs surnaturels.
On comprend dès lors mieux comment Batman savait où il était enfermé et pourquoi il ne tenait pas à ce qu'il soit dérobé (Ra's le lui avait offert comme récompense). Pour l'instant, et ça pourrait rester ainsi sans que cela soit dérangeant, c'est un MacGuffin à la Hitchcock, on ignore quel est cet artefact qui tient dans un boîtier pour une bague : cela fait travailler l'imagination du lecteur qui peut tout supposer - certains critiques évoquent même une relique du Christ...
En revanche, l'autre partie, la surface émergée, de l'histoire est beaucoup plus directe. Les voleurs sont en cavale et sont pressés de refourguer leur marchandise. Catwoman craint Batman, le Sphinx est blessé par un tueur implacable qui va infliger une humiliante correction au dark knight, la cavale continue, le tueur se met à convoîter le butin. C'est grisant, très efficace.
Cela en dit long sur l'intention du scénariste, comme s'il profitait à fond d'avoir situé son récit dans les premières années d'exercice de Batman pour proposer quelque chose aux antipodes de son run sur la série du justicier. Ici, prime à l'action, pas ou peu de psychologie. Si on garde bien en tête que Batman est encore relativement débutant, on accepte qu'il se prennen une dérouillée, mais aussi on intègre la peur qu'il suscite chez Catwoman ou le dédain du Sphinx. Le personnage de l'Aide, une création originale, s'avère percutant à souhait, tout comme le flashback où figure Ra's Al Ghul - qui trouble d'autant plus que l'épisode sort la même semaine où Neal Adams disparaît (et on sait à quel point cet immense artiste a contribué au charisme de l'immortel et son impact dans la mythologie "Batmanienne").
Ce qui participe aussi au délicieux frisson de cette lecture, ce sont les dessins formidables intenses de David Marquez. On retrouve l'artiste dans sa meilleure forme, après son passage raté sur Justice League.
Son trait vif et précis, nerveux, noeux même, tendu, colle idéalement au récit. Comme l'épisode abonde en scènes d'action, avec en son centre une bagarre anthologique, Marquez est dans son élément, lui qui sait toujours parfaitement cadrer ce genre d'exercice. L'influence du manga est parfaitement digéré, notamment pour tout ce qui suggère des effets de vitesse et d'impact. Les coups portés, et reçus, sont ressentis car chaque geste est chorégraphié avec une vraie maîtrise. Qu'il s'agisse du Sphinx qui prend une balle en plein ventre ou de Batman qui morfle après un coup de genou à la machoire, c'est impeccable.
Les couleurs d'Alejandro Sanchez ajoutent une forme de sensualité à tout ça, dans une histoire se déroulant majoritairement de nuit, mais avec des tons chauds, une palette où les contrastes sont soulignés subtilement.
Bref, on se régale, et on attend confiant la suite.
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