Et on en arrive au n° de Hellboy and the B.P.R.D. sorti cette semaine. Night of the Cyclops est un mini-événement puisque Mike Mignola, qui a écrit seul le scénarion de ce one-shot, en a confié les dessins au français Olivier Vatine. Artiste trop rare, celui-ci doit être (corrigez-moi si je me trompe) le premier de nos compatriotes à s'illustrer sur le détective du paranormal. Et le résultat est à la hauteur des espérances.
Toujours furieuse, la déesse exige que Eros renonce à son amour pour Aelita. Il s'exécute en tirant une flêche en or sur Hellboy...
Celui-ci, je l'avais noté sur mes tablettes depuis son annonce : pensez, Olivier Vatine dessine un one-shot de Hellboy and the B.P.R.D. ! Immanquable ! Et avec Mike Mignola seul au scénario ! C'était certain que ça allait être beau et bon. Et c'est bien le cas.
L'action de cette histoire se situe au début des années 60 en Grèce. Le décor est déjà atypique car, après les histoires de maisons hantées que j'ai critiquées récemment, on est là à Thessalie, en plein soleil, loin de tout. Hellboy vient d'appréhender un minotaure - la routine, quoi - le confie à l'agent Dryades du BPRD. Lui reste sur place pour visiter les environs car on devine qu'il ressent quelque chose de spécial sans savoir le nommer. Il ne se doute pas à quel point, effectivement, ce qui l'attend est renversant.
Mignola, cette fois, abandonne toute ironie et nous embarque dans une aventure dépaysante et poétique, avec de nombreuses allusions mythologiques. Mais ici pas de Grands Anciens à la H.P. Lovecraft, pas d'horreur, plutôt une échappée belle, avec quelques péripéties spectaculaires, de la romance aussi.
En voulant attraper une chêvre dont il est persuadé qu'elle lui a parlé, Hellboy fait une chute impressionnante mais à laquelle il survit sans problèmes (le démon a la peau dure et la carapace forgée). Il découvre que la chèvre est devenue une faune séduisante, qui se balade dans le plus simple appareil et qui s'appelle Aelita. Le paysage a également complètement changé pour faire place à un coin de nature paradisiaque. Sauf que cet éden est menacé...
La colère jalouse d'Aphrodite, la romance entre Eros et Aelita, un cyclope : tout s'enchaîne alors à vive allure. Mignola appuie sur l'accélérateur sans pourtant bâcler : son récit est fascinant, dramatique aussi, mais malgré tout empreint d'une sorte de béatitude grâce à la somptuosité des planches d'Olivier Vatine. Ce dernier fait des merveilles : il n'a pas besoin de grand-chose pour planter un cadre (une magnifique double page) et orne les cases de la largeur de la bande d'une frise pour renvoyer à l'imagerie des illustrations antiques.
Il faut aussi ajouter que, chose rarissime, Dave Stewart a cédé sa place de coloriste au français qui s'acquitte de la charge avec une maestria folle.
On suspend souvent sa lecture pour le simple plaisir de contempler les vignettes, d'apprécier la composition générale des planches. Vatine n'utilise pas beaucoup de cases, il a une narration très aérée, et aucun cadre n'est chargé en informations graphiques. Le trait est fluide, élégant. C'est un enchantement.
Lorsque paraît le cyclope, Mignola emballe l'histoire dans une suite de scènes spectaculaires où le sens du découpage de Vatine rend tout encore plus dynamique. Le combat, déséquilibré, entre le monstre et Hellboy s'achève avec une châtiment qui renvoie à la manière dont Ulysse s'était débarrassé de Polyphème dans L'Odyssée.
Mais le meilleur reste à venir avec le retour d'Aphrodite que Vatine représente dans toute sa grandeur et sa majesté terribles. Lorsqu'elle va écraser Hellboy et Aelita sous son pied, l'artiste fait sentir tout le poids de la géante en montrant progressivement que le couple s'enfonce dans le sable tandis que Eros tente de la raisonner. Il consent à un cruel sacrifice pour qu'elle épargne les malheureux qu'elle a autrefois maudit.
L'épisode se conclut de manière troublante. Presque une pirouette. Tout est allé très vite mais le lecteur comme Hellboy se demande si c'était un rêve. Mignola ne répond pas à cette interrogation, intelligemment il laisse à chacun le soin de se faire un avis. Mais avec Vatine, il nous a conviés à une des plus belles aventures de Hellboy (le BPRD a été singulièrement absent, comme souvent en fait dans ces nouvelles).
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