vendredi 8 octobre 2021

THE NICE HOUSE ON THE LAKE #5, de James Tynion Iv et Alvaro Martinez

 

Le précédent épisode de The Nice House on the Lake nous laissait, pantois, sur un cliffhanger terrifiant. Ce nouveau chapitre nous ménage un peu plus mais réserve de belles surprises et confirme que la série est vraiment d'un tonneau extraordinaire. L'écriture de James Tynion IV est admirablement ciselée, plongeant le lecteur dans une intrigue fascinante, et les dessins d'Alvaro Martinez sont encore une fois d'une qualité exceptionnelle. D'ores et déjà un des sommets de 2021 !


Au lendemain de la démonstration de David, Veronica Wright, la scientifique du groupe, réunit tout le monde pour mettre cartes sur tables. Ryan, Sarah et Sam dévoilent leurs découvertes dans une atmosphère à couper au couteau. Une liste est dressée sur les secrets de la maison et de Walter.


Tous sont d'accord pour enquêter ensemble et convenir que la situation n'est peut-être pas ce qu'elle paraît être. L'objectif n°1 est d'aller jusqu'à la deuxième maison repérée par Sam Nguyen. L'expédition s'organise et les armes découvertes dans la bibliothèque sont du voyage.


Une fois sur place, Veronica dirige les opérations et ordonne à David de tirer sur le bâtiment. Sans résultat. Des explosifs sont disposés devant la façade avec l'espoir d'y ouvrir un passage. Mais c'est un nouvel échec.


Ryan découvre alors au pied des étranges sculptures qui se trouvent là des symboles identiques à ceux par lesquels Walter résumait leur profession. En demandant à ce qu'une porte d'ouvre dans la maison, ils sont exaucés. Une surprise les attend alors...

Résumons : The Nice House on the Lake est une mini-série en 12 épisodes. Au terme du sixième, la série fera un break de six mois, le temps pour Alvaro Martinez de souffler un peu et d'avoir quelques numéros d'avance lors de la reprise de sa parution.

James Tynion IV a construit son intrigue d'une manière assez simple : à chaque épisode, un personnage est mis en avant, servant de guide au lecteur qui, en le suivant, découvre de nouvelles choses au sujet de Walter, de son passé avec le groupe, de la maison, de ses environs. Dans le premier n°, c'était Ryan Cane (l'artiste), dans le deuxième Rick MacEwan (le pianiste), dans le troisième Sam Nguyen (le reporter), dans le quatrième David Dane (le comédien), dans ce cinquième Veronica Wright (la scientifique).

On a appris ainsi que Ryan était la dernière membre de la bande à avoir été abordée par Walter, que Rick était à nouveau en contact avec lui après la fin du monde, que Sam a découvert une autre maison dans les environs, que David livre ce que les autres commandent à Walter depuis qu'ils sont dans la maison. Cette fois, Veronica dispense ses observations aux autres.

Qu'a-t-elle remarqué ? D'étranges événements bien sûr : par exemple, que les étoiles semblent immobiles depuis que la bande est condamnée à rester là, mais aussi qu'en partageant ce qu'elle sait avec Ryan, Sarah et Sam, il faut collaborer pour progresser. L'ambiance est tendue, surtout quand Sam avoue pour la deuxième maison, mais aussi quand David manipule les armes trouvées dans la bibliothèque.

En dressant une liste de ce qu'ils savent, Veronica n'en tire aucune conclusion : en scientifique, elle sait que seuls les faits et l'expérience comptent. Les hypothèses les plus farfelues ne sont pas écartées, elles doivent être éprouvées, vérifiées. Il est seulement clair que ce n'est pas en restant dans la maison qu'ils en apprendront plus. Walter joue avec eux mais ils ne connaissent pas les règles de son jeu, ils les découvrent par déduction, empiriquement. Comme le fait qu'ils ne peuvent pas mourir, même en s'infligeant des blessures mortelles, qu'ils ne resteront pas affamés, qu'un mur invisible entoure la propriété, et qu'une autre maison se trouve dans le périmètre.

Le groupe part explorer cet autre bâtiment. Le décor est toujours aussi fascinant, Alvaro Martinez a vraiment fait un boulot exceptionnel sur le plan architectural, non seulement avec la maison principale qu'il a détaillée de façon maniaque et meublée avec une minutie folle, mais également avec cet autre édifice qui évoque irrésistiblement le monolithe noir de 2001 : l'Odyssée de l'espace, structure impénétrable, sombre, lisse. Les étranges sculptures qui se dressent devant lui sont aussi envoûtantes et vont révéler partiellement leur fonction.

James Tynion IV, qui connaît quelques problèmes de dosage dramatique récurrents dans Batman, donne ici sa pleine mesure d'écrivain : il évolue dans ce registre fantastico-horrifique comme un poisson dans l'eau, semant les indices, faisant progresser son récit, avec une maîtrise irréprochable. Ses personnages sont caractérisés avec une profondeur tout à fait bluffante compte tenu de leur nombre (une dizaine), leurs relations sont intenses. Tout est fait, magistralement, pour tenir le lecteur en haleine.

Ce mélange curieux mais captivant d'existentialisme (on pense à Sartre et son Huis-Clos, et son fameux "L'Enfer, c'est les autres", mais aussi à Lost, à Dix Petits Nègres) et de science-fiction produit un effet grisant. Cet effet immersif et puissant est renforcé apr des dessins détaillés, où Alvaro Martinez a glissé une multitude d'indices (à chacun de les déceler, même si ne pas les trouver ne nuit pas à la compréhension de l'histoire). C'est très impressionnant de voir une telle densité graphique et narrative, une prestation esthétique (avec toujours une colorisation ahurissante de Jordie Bellaire, dont on voit mal ce qui l'empêcherait d'avoir un Eisner award l'an prochain).

Encore une fois, ce serait criminel de révèler la teneur de la dernière scène, même si, à ce stade (soit quasiment la moitié de l'aventure, on peur la deviner), mais elle relance encore une fois la partie et nous entraîne sur une piste passionnante. Reste que, après le prochain numéro, il faudra surtout être patient pour connaître la suite. Mais cette future coupure est le prix à payer pour que The Nice House on the Lake conserve son niveau - ça vaut donc le coup !

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