vendredi 29 octobre 2021

S.W.O.R.D. #9, de Al Ewing et Jacopo Camagni

S.W.O.R.D. continue d'être la série la plus déroutante de la franchise X. En un sens, il est logique qu'elle ait l'espace pour décor car c'est un véritable ovn. Al Ewing joue certes habilement avec les nerfs du lecteur car il ne propose toujours pas d'arc narratif et le seul vrai méchant complote plus qu'il n'attaque. En outre, la série accueille un nouvel artiste, un de plus, avec Jacopo Camagni, dont la prestation est cependant très convaincante.




A bord de la station Alpha Flight, Henry Gyrich accueille James Hudson/Vindicator, ancien leader de la Divison Alpha et ami de Wolverine (Logan). Il a prêté allégeance à Orchis mais rechigne à trahir les mutants. Mais Gyrich l'informe qu'il a une taupe au sein du SWORD...


Sur Arakko, Frenzy, entourée de Forearm et Random, accueille l'impératrice Xandra et la garde impériale Shi'ar, venues rencontrer la régente Tornade. Abigail Brand et Wiz-Kid supervisent l'opération dont l'importance diplomatique est cruciale pour les mutants.


Tornade est en retard, retenue par un nouvel arakki récalcitrant à son autorité. C'est alors qu'apparaît la Légion Mortelle, un groupe de criminels qui veut assassiner Xandra. Le combat s'engage et la garde impériale est décimée avec une facilité désarmante.



Heureusement, Tornade intervient pour stopper le massacre et sécuriser Xandra, lui sauvant à nouveau la vie. Toute la scène n'a pas échappé à Vindicator et Gyrich grâce à la taupe de celui-ci, à qui il demande de prouver sa loyauté...

Je choisis (contrairement à hier lorsque j'ai parlé de Inferno #2) de ne pas spoiler l'identité de la taupe, pour la simple raison que ce neuvième épisode de S.W.O.R.D. peut se critiquer sans insister sur ce point.

Il n'empêche, la série continue d'être compliquée à analyser car elle ne ressemble à rien d'autre. Les plus sévères diront même qu'elle ne ressemble à rien tant elle semble avancer à tâtons, sans programme, sans plan, parfois en reléguant hors-champ le plus spectaculaire - même si ce n'est pas le cas cette fois. La fin, à ce titre, suggère pour la première fois une volonté de Al Ewing de développer une véritable intrigue digne de ce nom, même si cette histoire de taupe et l'identité du traître prêtent à confusion.

En même temps, chaque nouvel épisode de SWORD jusque-là prêtera à interprétation puisqu'il n'y aura pas de nouveau numéro en janvier. Je doute toutefois que la série soit annulée, et si elle devait être relaunchée, ce serait tout aussi étonnant parce que ce volume ne compterait que 11 chapitres. Mais on a vu Marvel renuméroter pour moins que ça...

Que lit-on ici ? Le scénario tient vraiment sur un post-it : une délégation Shi'ar de déplace sur Arakko pour rencontrer Tornade, la régente de la planète désormais capitale du système solaire et de ses habitants, des mutants oméga exilés d'une dimension infernale. La visite se passe mal car débarque une bande d'assassins qui veulent tuer Xandra, l'impératrice. On croit que l'affaire va être vite pliée par les Shi'ar mais c'est une erreur car on assiste à un vrai carnage... Que Tornade règle promptement dès qu'elle se montre. Tout cela est encadré par un prologue et un épilogue (qui ne disent pas leurs noms) où Henry Gyrich dévoile qu'il a une taupe au sein du SWORD, prêt à saborder les échanges diplomatiques des mutants avec de potentiels alliés extra-terrestres.

C'est efficace, convenons-en. L'action est rondement menée, et l'identité du traître au sein du SWORD est vraiment suprenante, surtout qu'on ignore totalement pour quelles raisons il collabore avec Gyrich et plus encore parce que c'est bien le dernier qu'on aurait imaginé se retourner contre Abigail Brand et compagnie.

Reste que c'esst tout de même très léger. Et ça pose encore une fois la question, lancinante, de ce que cherche à raconter Ewing avec cette série. Sur le papier, c'est un titre avec un potentiel énorme : le programme spatial mutant, la diplomatie galactique, avec un casting de personnages bien épicés, au sommet duquel se trouve Brand, véritable Nick Fury au féminin (avec ce que cela suppose de rouerie, d'agenda personnel, de secrets tordus, de magouilles risquées, et de charisme). 

Pourtant, SWORD avance à coup d'épisodes one-shot, sans véritable arc narratif, sans vrai méchant, au fil de l'eau, ce qui laisse un sentiment croissant de gâchis, d'inabouti. Etrangement, là où la série a le mieux fonctionné, c'est quand elle a dû composer avec l'event King in Black, qui a vraiment éprouvé les ressources du SWORD et joué avec une menace d'ampleur. En dehors, ça a été plaisant, mais jamais sensationnel.

Al Ewing a déclaré qu'il avait de grands projets pour Arakko. Le subplot avec le traître est accrocheur, même si très classique dans la forme. Les notes de Brand sont de la dynamite. Le retour récent du Old Cable peut changer pas mal de choses aussi, et peut-être que la fin d'Inferno impactera jusqu'au SWORD. Mais tout ça demeure hypothétique et il faudra au minimum attendre Février 2022 pour vraiment savoir de quoi sera fait le futur de la série.

En attendant cette échéance, la série accueille à nouveau un dessinateur différent (Stefano Caselli se contentant de signer la couverture). Cette fois, c'est Jacopo Camagni et il se peut que ce nom, comme à moi, ne vous dise rien ou pas grand-chose. Il s'est fait remarquer ces derniers mois avec une série en creator-owned, Nomen Omen (écrite par Marco Bucci, en vo chez Image Comics, en vf chez Panini), et Marvel lui a offert quelques épisodes par-ci, par-là (X-Men : Blue, Deadpool, Captain Marvel).

Franchemeent, j'ai été séduit par les planches de cet artiste italien, sans doute les meilleures dont a bénéficié la série depuis le départ de Schiti. Son trait fluide, son découpage clair et dynamique, ses compositions soignées, tout participe à une lecture très agréable. Parfois, il y a un air de Mark Bagley et de Ciro Tota mêlés et ça fonctionne très bien.

Ses doubles planches ont belle allure et comme l'épisode repose beaucoup sur l'action, Camagni fait preuve d'adresse pour varier les angles de vue, la valeur des plans. Il représente intelligemment la manifestation des pouvoirs, en particulier celle des membres de cette Légion Mortelle, sans sombrer pour autant dans des effets trop agressifs ou dérangeants. La supériorité de ces méchants n'en est que plus efficace, on ressent bien l'incertitude du combat, le danger qui pèse sur Xandra, l'impuissance croissante des Shi'ar et des mutants sur place. L'apparition de Tornade, en majesté, produit l'effet désiré : celle de la seule adversaire en mesure de surpasser tous les combattants sur place.

Par ailleurs, les scènes au début et à la fin entre Gyrich et Vindicator sont très bien mises en scène, avec un recours à des impressions numériques sobres (pour signifier l'usage d'hologrammes informatifs). C'est très encourageant pour la suite puisque Camagni restera sur la série au moins jusqu'au #11 (en Décembre) car il en maîtrise les codes et les personnages avec une assurance bluffante.

Bref, il y a du très bon dans cet épisode (enfin une intrigue qui se pose, avec la taupe de Gyrich, un intérêt manifeste pour Arakko), qui compense le moins bon (la construction même de la série). Ewing a suffisamment de talent, et désormais un dessinateur stable et efficace, pour enfin convaincre qu'il a plus que bonnes intentions pour SWORD.

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