jeudi 7 octobre 2021

BATMAN #114, de James Tynion IV et Jorge Jimenez - FEAR STATE


Fear State continue sur un rythme soutenu puisque, quinze jours après Batman #113, voici le nouveau chapitre de la série. James Tynion privilégie cette fois la ligne narrative concernant Sean Mahoney, le Gardien de la Paix 01, en pleine déroute après avoir été confronté à la toxine de l'Epouvantail. Jorge Jimenez dessine tout ça avec un sens du spectacle irréprochable, même si l'histoire part un peu trop dans tous les sens.


Dans le "paradis" de Queen Ivy, Molly Miracle tente de se tenir au courant des événements à la surface de Gotham. Elle explique que le Maître Wize du Collectif Insensé l'a guérie de ses maux grâce à une machine effaçant les traumas. Ce qui lui laisse penser que ça peut être la solution contre l'Epouvantail.


Simon Saint localise Sean Mahoney et envoie le Gardien de la Paix X pour l'appréhender en douceur car son équipement coûte une fortune et ne doit pas tomber dans les mains de Batman. Mais Mahoney est sujet à des hallucinations provoquées par l'Epouvantail et s'avère ingérable.


Batman surgit alors pour éviter un drame mais Saint envoie alors une brigade de robots pour l'arrêter pendant que le Gardien de la Paix X se lance à la poursuite de Mahoney en ayant la permission de le tuer si c'est nécessaire.


Mais Mahoney, sous l'emprise de l'Epouvantail, devient fou et quoique sévèrement blessé par le Gardien de la Paix X, réussit à le tuer. Saint engage l'auto-destruction de l'armure du Gardien de la Paix X, rasant une partie du quartier. Batman réussit à s'abriter avant d'être rejoint par Molly Miracle...

Autant le dire d'emblée, j'ai eu un problème avec cet épisode qui, même très rythmé et spectaculaire, me semble un cran en dessous. Trop de Gardiens de la Paix, trop de robots tueurs, une intrigue qui n'avance pas... C'est comme si James Tynion IV cherchait à faire de la place dans tout le bazar qu'il a provoqué, mais sans réussir à nous captiver dans la manoeuvre.

C'est que le scénariste, depuis son arrivée sur la série, n'a pas ménagé ses efforts pour enrichir considérablement la galerie de personnages secondaires. Son mérite est indéniable : vouloir renouveler le casting est toujours louable. Mais la contrepartie, c'est que si l'auteur n'impose pas ses nouveaux venus avec suffisamment de force pour convaincre le lecteur qu'ils ont l'étoffe de seconds rôles emblématiques, alors le lecteur aura du mal à s'y intéresser.

Dans la saga Joker War, entre Punchline (nouvelle partenaire du Joker), Clownhunter (une sorte de Punisher ado) et les classiques de la série (Batman, la Bat-family, Harley Quinn), c'était déjà consistant, mais la seconde catégorie restait en haut de l'affiche. Le Joker et Punchline finissaient par emprunter une nouvelle direction, comme si Tynion voulait surtout les éloigner de Gotham, histoire de rafraîchir un peu le décor (et ma foi, on peut lui dire "merci" parce que je ne crois pas être le seul qui en a marre du Joker).

Par la suite, il y a introduit Ghost-Maker, une création plus contestable, parce que découvrir un énième rival issu de la jeunesse de Batman n'avait rien d'indispensable. Puis avec l'arc The Cowardly Lot, qui a conduit à Fear State, ce fut Molly Miracle, le Collectif Insensé, Sean Mahoney, Simon Saint, des nouvelles têtes prometteuses.

Reste que je doute que, une fois Tynion parti, tous ceux-là restent dans le paysage (Joshua Williamson, qui reprendra la série, a déjà annoncé qu'il présenterait un nouveau vilain et que l'action se situera hors de Gotham pour un moment). L'injection de personnages inédits est souvent un legs sans suite laissé par un scénariste à son successeur, sauf si, vraiment, ils possèdent ce truc en plus qui les rend intéressants sur le long terme.

Aussi, quand on lit Batman #114, et qu'on passe la majeure partie de l'épisode à assister au combat entre Sean Mahoney, en plein délire paranoïaque à cause de l'Epouvantail, et le Gardien de la Paix X, envoyé à sa poursuite par Simon Saint, on a du mal à se passionner pour ces deux Robocops dont l'affrontement est inévitable et contre lequel Batman ne peut rien. Tout cela, soyons honnêtes, aurait pu être règlé en moins de pages au lieu d'accaparer un épisode entier. Surtout que l'ouverture dudît épisode suggère quelque chose de plus intrigant.

Car, dans cette multitude de personnages transhumains, Molly Miracle révèle avoir été le sujet d'expériences de la part du gourou du Collectif Insensé (un individu étrangement absent de l'arc), pour effacer des traumatismes dues à son séjour dans cette ville perpétuellement en guerre qu'est Gotham. En dialoguant avec Queen Ivy (qui, là aussi, n'est pas développée alors que Poison Ivy figure dans Catwoman et qu'on aimerait comprendre un jour comment les deux créatures peuvent vivre séparées, depuis quand, comment), Molly explique que cela pourrait aider Ivy mais surtout neutraliser l'Epouvantail. Il faut attendre la dernière image de la dernière page pour que cette hypothèse rejoigne la situation de Batman (qui, au passage, se lance dans la bataille sans Ghost-Maker - où est passé ce dernier ?).

Tout ça laisse un sentiment de trop plein. A force de courir trop de lièvres à la fois, Tynion semble se perdre. Il faut impérativement que Fear State mette plus en avant l'Epouvantail, quitte à s'occuper de Simon Saint et ses Gardiens de la Paix ensuite, parce que, là, Jonathan Crane est trop en retrait, observant en ricanant tout le monde, égarés dans le chaos qu'il a orchestré. Avec tous ceux qui l'assistent, Batman ne devrait pas avoir à se jeter seul dans la mêlée. Et Tynion, au lieu de consacrer un numéro entier à Sean Mahoney contre le Gardien de la Paix X, devrait nous montrer ce que font Harley Quinn et la Jardinière, Renee Montoya, pourquoi pas Orphan, Spoiler, Huntress (entendu que Barbara Gordon et Nightwing sont occupés dans la série de ce dernier).

Heureusement que Jorge Jimenez tient le coup graphiquement sinon ça sentirait le roussi, cette affaire. Le dessinateur livre une copie dans la droite ligne du numéro précédent, c'est-à-dire qu'il a fait clairement le choix de sacrifier les décors (avec lesquels pourtant il nous régalait) pour tout donner sur les scènes d'action.

Son découpage use (et abuse) de décadrages, chaque coup porté a un impact terrible, au point que parfois on a l'impression d'être dans un épisode de Superman ou Thor plus que dans Batman. C'est logique d'un certain point de vue puisque les Gardiens de la Paix sont tous équipés lourdement, ce sont de véritables machines de combat, capables de défoncer des immeubles ou de raser des quartiers, et ils sont soutenus par des hordes de robots surarmés, dignes des Sentinellesou Nimrod dans X-Men. Du coup, quand Batman s'engage entre les deux super-flics de Simon Saint, il ne fait plus le poids, et on peut se demander comment il ne finit pas en loques après avoir été soufflé par le dernière explosion.

Les couleurs de Tomeu Morey ajoutent à ce feu d'artifices. Franchement, si le maire Nakano se représente et qu'il est réélu, ça voudra surtout dire que les gothamites sont des imbéciles car l'édile a laissé sa ville aux mains d'une milice qui laisse un champ de ruines derrière elle.

Une déception donc, même si visuellement, ça pète. Souhaitons que la suite redresse le niveau parce que ce serait dommage pour l'intrigue et pour Tynion de finir sur une mauvaise note après avoir tant promis. 

1 commentaire:

Sam a dit…

Je sais pas si vous êtes abonné au substack de James Tynion IV, le site https://thebatmanuniverse.net/ fais un résumé des articles de James Tynion IV quand il parle de Batman, les résumés des articles se nomment "Inside Batman", on peut apprendre plein de choses.