mardi 19 octobre 2021

BATMAN #115, de James Tynion Iv, Bengal et Jorge Jimenez - FEAR STATE

 

Oula ! C'est pas bon du tout ! Ce que je craignais se réalise dans ce Batman #115, nouveau chapitre de Fear State : l'histoire écrite par James Tynion IV est en train de se barrer en sucette, cet épisode est vraiment médiocre. Inutile de faire durer le suspense. Pour ne rien arranger, Jorge Jimenez est quasiment aux abonnés absents, ne signant qu'une poignée de pages, laissant Bengal assurer le reste, sans grand talent. Va falloir que tout ce beau monde se retrousse les manches pour la prochaine étape.



Peacemaker X mort, Simon Saint est aux abois car Sean Mahoney est introuvable. C'est alors qu'un de ses techniciens l'aborde pour lui signaler que Queen Ivy s'est réfugiée dans les sous-sols de Gotham, et qu'elle pourrait à tout moment provoquer l'effondrement de la ville.


Sean Mahoney fuit les Gardiens de la Paix à ses trousses en passant par les égouts. C'est ce moment-là que choisit l'Epouvantail pour enfin aborder l'ancien Gardien de la Paix 01 et lui proposer d'accomplir sa mission en acceptant de se prêter à une expérience...


Cependant, Molly Miracle entraîne Batman jusqu'au repaire du Collectif Insensé. Là se trouve une machine conçue par Maître Wyze, le leader du Collectif Insensé, et qu'elle a perfectionnée. Malheureusement, l'Epouvantail s'en est emparé mais Molly pense pouvoir la localiser.


Dans les sous-sols de Gotham, Maître Wyze révèle à Queen Ivy l'avoir connu lorsqu'ils étaient tous deux internés à Arkham. Il y avait dessiné les plans de sa machine à effacer la mémoire avec le Châpelier Fou. Mais la conversation est interrompue lorsque Ivy sent les troupes de Saint arriver...

L'introduction à cette critique peut paraître alarmiste mais il faut dresser un constat lucide de cet épisode et en conclure honnêtement qu'il déçoit beaucoup. C'est en vérité comme si James Tynion IV était rattrapé par ses excès et c'est visible dès la première scène. Détaillons cela.

Tout commence dans la forteresse volante de Simon Saint qui vient d'assister, par écran interposé, à la mort de son Gardien de la Paix X au terme de son affrontement avec Sean Mahoney, qui est sous l'emprise de l'Epouvantail. La réaction du milliardaire est tellement hystérique qu'elle donne en quelque sorte le la à ce qui va suivre : un enchaînement ininterrompu de scènes souvent grotesques, qui fatigue mais surtout nuise au récit jusqu'à le plomber. Définitivement ? On le saura vite, dans deux semaines, en lisant Batman #116.

Avant cela, il faut donc en passer par un chapitre complètement foiré où James Tynion IV semble souvent dépassé par ce qu'il a mis en scène. Tout d'abord, comme j'ai déjà eu l'occasion de le relever, la série s'est trouvée doté sous sa direction d'un casting de supporting characters important, voire excessif. Il y avait là une volonté évidente de réformer/reformer une Bat-family, mais en l'élargissant avec des éléments inédits (Ghost-Maker) ou inattendus (Harley Quinn). Pourquoi pas après tout ?

Reste que dans une intrigue déjà bien dense comme celle de Fear State, à laquelle il a fallu tout un arc (The Cowardly Lot) pour se mettre en ordre de marche, le trop est franchement l'ennemi du bien, et il est impossible en l'état de faire de la place pour tout le monde, quand bien même les personnages ont de quoi faire avec la menace qui s'est abattue sur Gotham (on le voit au détour d'une double page).

Comme il est désormais évident que les scénaristes des séries attachées à l'event n'ont pas eu leur mot à dire sur l'intrigue principale conçue par Tynion, tous les personnages dont il n'a pas la charge directe suivent à pas forcé une histoire où leurs actions impactent peu, voire pas du tout, ce qui se passe dans Batman. Et donc, la Bat-family étendue qu'a voulue Tynion se trouve déconnectée de Batman : un comble.

Résultat : dans cet épisode, Batman passe son temps avec Molly Miracle, et tous ses alliés sont absents alors qu'en toute logique ils devraient l'aider. C'est a minima le rôle dévolu à Ghost-Maker, mais ne le cherchez pas, vous le verrez pas dans cet épisode alors qu'il a contribué à la progression du récit de manière décisive dans le précédent numéro !

D'un autre côté, si on veut quand même tirer du positif de tout cela, on peut dire que le paysage s'en trouve nettement dégagé et le parcours des personnages dans cet épisode est plus simple à suivre. Vous avez Simon Saint qui perd ses nerfs dans sa soucoupe au-dessus de Gotham, vous avez Sean Mahoney qui est récupéré par l'Epouvantail, vous avez Batman et Molly Miracle qui tentent de récupérer une machine qui contrerait l'Epouvantail (mais pas de bol, il a déjà la main dessus), et vous avez Queen Ivy dans son sous-sol qui s'apprête à affronter les Gardiens de la Paix envoyés par Saint. Six protagonistes.

Le rythme est bon, mais ça, Tynion maîtrise depuis le début. Malheureusement, on garde ce sentiment tenace depuis deux-trois épisodes que, même si ça va vite, les épisodes pourraient être plus resserrés, moins éparpillés, que des scènes pourraient être coupées au montage sans que cela ne gêne personne. Par exemple, ici, on a droit à une bagarre entre Batman et un membre du Collectif Insensé contrôlé par l'Epouvantail qui ne sert à rien, absolument à rien, sinon à assurer le quota de baston. Mais quand on comprend qu'en vérité le vrai thème de Fear State, c'est le contrôle mental, bon, une scène de baston en moins, ce serait un service à rendre à toute l'histoire.

Au coeur de l'épisode, en fait, ce qui embarrasse, c'est la grossiéreté du procédé de Tynion : cette machine à effacer les traumas inventée par Maître Wyze et perfectionnée par Molly Miracle arrive trop à point nommé pour préparer la conclusion de l'event et justifier la victoire de Batman (même si elle s'accompagnera certainement d'une casse notable puisque, on le sait, DC ayant spoilé allègrement, Batman quittera Gotham au terme de cette aventure). Idem pour Sean Mahoney qui passe des mains d'un vilain (Saint) à celles d'un autre (l'Epouvantail) comme un pantin pathétique, sans qu'on n'en ait plus rien à faire : il s'agit moins d'un personnage que d'un outil narratif, d'un élément dramatique que d'un être. Les ficelles sont grosses comme des cables à présent et cela nuit énormément à l'intérêt qu'on éprouve pour ce qu'on lit. Tout devient trop mécanique, évident, outrancier, mais surtout sans âme. Dommage.

Pour ne rien arranger donc, Jorge Jimenez, qui montrait des signes de fatigue évident sur les deux derniers chapitres, passe quasiment le relais à Bengal sur les 3/4 de l'épisode. Pour faire simple, Jimenez ne dessine que les deux scènes avec l'Epouvantail et Mahoney.

Bengal n'est pas un mauvais artiste mais il n'a pas le niveau de Jimenez, même en petite forme, son style est bien moins fouillé, énergique, puissant. Du coup, le contraste est violent mais le résultat, lui, manque singulièrement de relief, d'épaisseur. On a même l'impression que Bengal a été appelé en catastrophe sur l'épisode tant le niveau de finitions laisse à désirer. Il ne fait pas l'effort de soigner ses planches ou, sans doute, n'en a-t-il pas eu de tout façon le temps (et l'envie ? L'énergie ?). Ce qui faisait le sel graphique des précédents numéros est alors dilué dans un trait et un découpage beaucoup moins intenses, tout comme la colorisation qui est infiniment plus fade (Tomeu Morey affadissant incompréhensiblement sa palette sur les pages de Bengal).

La périodicité accélérée de l'event a fini par le desservir, empêchant Jimenez d'assurer tout l'arc, mais aussi soulignant les excès comme les manques de l'intrigue de Tynion. Il faudra donc au scénariste un sacré coup de fouet pour regagner la confiance du lecteur. Mais en l'état, on ne voit pas comment il pourrait réussir cet exploit. 

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