La fin de ce grand arc narratif qu'est The Wild Hunt, démarré en même temps que l'arrivée de Vita Ayala en tant que scénariste de New Mutants, approche. Le récit atteint des sommets enivrants et le récit, superbement maîtrisé, est servi par un graphisme exceptionnel de Rod Reis. Pas de doute, ce run fera date dans la période Krakoa de la franchise X.
Les Nouveaux Mutants - Mirage, Magik, Karma, Felina et Warpath - gagnent le repaire du Roi d'Ombre sur l'île de Krakoa pour qu'il s'explique sur les expériences qu'il a imposées à des novices. Mais Amahl Farouk attend ses visiteurs de pied ferme et leur impose des visions de cauchemar.
Pendant ce temps, les anciens disiciples de Farouk - Anole, Rain Boy, Cosmar et No-Girl - rendent visite à Scout pour lui demander pardon. Elle les excuse d'avoir suivi inconsciemment le Roi d'Ombre et les accompagne même pour qu'ils coupent définitivement les ponts avec lui.
Amahl Farouk consent à discuter avec les Nouveaux Mutants et leur explique que, tout comme d'autres empires avant, Krakoa est voué à l'échec si ses résidents ne préparent pas la guerre. Ses interlocuteurs pensent au contraire que ce nouveau régime doit poser de nouvelles bases avec le reste du monde.
A mesure que les anciens élèves de Farouk et Scout approchent de son repaire, le temps se gâte. Une attaque psychique les alerte des difficultés que doivent rencontrer les Nouveaux Mutants et ils décident de charger. Mais n'est-ce pas trop tard ?
Cela fait plus d'un an maintenant que Vita Ayala est aux commandes de New Mutants et on ne peut qu'être admiratif en voyant à quel point elle a transformé un titre mal embarqué en une réussite (du moins critique). Elle a embarqué ses personnages et le lecteur dans une aventure au long cours qui arrive à son point culminant.
La première réussite de la scénariste, c'est de n'avoir laissé personne sur le bas-côté. Certes, elle était privée de deux éléments majeurs de l'équipe des Nouveaux Mutants (Cannonball et Sunspot, résidant désormais dans l'Empire Shi'ar), et Cypher a été accaparé par son mariage avec Bei (durant le crossover X of Swords) et son poste au sein du conseil de Krakoa. Mais qu'à cela ne tienne, elle a intégré Warpath et est parvenue à en faire un membre indiscutable.
La deuxième réussite d'Ayala, c'est de ne pas avoir seulement centré sa série sur les Nouveaux Mutants historiques mais d'avoir élargi la notion de nouveaux mutants à tous les jeunes mutants de Krakoa. Ainsi, les "vétérans" comme Mirage, Karma, Felina, Magik et donc Warpath ont pris la place autrefois occupée par Cyclope, Wolverine et compagnie pour devenir des mentors, des professeurs de cette jeune génération.
La troisième réussite, c'est d'avoir écrit la série en utilisant un effet miroir permanent : ce que traversaient les plus âgés se reflétait chez les plus jeunes et vice-versa. De cette manière, elle a réussi à nous intéresser à des mutants pour lesquels ce n'était a priori pas gagné (qui avait au départ envie de connaître Anole, Rain Boy, No-Girl, Cosmar ?).
Enfin, quatrième réussite : Vita Ayala a refait du Roi d'Ombre un antagoniste passionnant, qui n'était pas là seulement pour menacer Charles Xavier. Amahl Farouk s'est mis en tête d'éduquer lui aussi de jeunes mutants, pour son profit bien sûr, mais également en souvenir des souffrances qu'il avait connues à leur âge, pour en faire des guerriers, des proto-chimères (comme celles que créa Mr. Sinistre dans Powers of X). On découvre totalement dans ce 22ème épisode les fondations de son plan.
Alors qu'au conseil de Krakoa siègent des mutants puissants, aussi bons que mauvais, l'absence d'un individu tel que le Roi d'Ombre a pu étonner. Il n'aurait pas dépareillé à côté d'un Sinistre, d'un Exodus, ou d'un Apocalypse. Vita Ayala s'est employée à interroger cette absence et à en faire une motivation pour Amahl Farouk. Il l'explique aux Nouveaux Mutants venus à sa rencontre pour qu'il explique les manipulations infligées à de jeunes élèves : s'appuyant sur l'exemple d'anciens empires convaincus de résister au changement et à l'adversité, il est persuadé que Krakoa connaîtra le même sort funeste s'il ne prépare pas une guerre qu'il juge inévitable. Et parce que ses deux leaders emblématiques, Magneto et Xavier, pèchent par excès de confiance et d'orgueil (cela résonne justement avec ce qui s'est passé dans Inferno #1 et les mises en garde de Moira).
Pendant ce temps, les victimes du Roi d'Ombre et Scout, qui a failli périr à cause d'eux et de leur complicité avec Farouk, se réconcilient et partent à leur tour à la rencontre de leur bourreau pour couper définitivement les ponts. Les deux lignes narratives, motif récurrent, maitrisé à la perfection par Ayala, se rejoindront à la dernière page, sur un cliffhanger glaçant.
Il est vraiment dommage que la série n'ait pas davantage de lecteurs car elle mérite tellement mieux, tellement plus. C'est une merveille d'écriture, peut-être le titre le plus bâtie de toute la franchise (en dehors des X-Men version Hickman). Vita Ayala a soulagé Ed Brisson, qui n'allait nulle part avec ces personnages, et dépassé Hickman (dont le bref run a surtout servi à amorcer une intrigue pour X-Men), elle a fait de New Mutants un exemple, comprenant et dirigeant ses héros et leurs histoires comme personne ne l'avait sans doute fait depuis Claremont et Sienkiewicz.
Et la scénariste a aussi réussi son coup parce que, à sa manière, elle a eu son Sienkiewicz en la personne de Rod Reis, très influencé par l'artiste qui révolutionna visuellement le titre. Cet épisode est exceptionnel tant il regorge de planches renversantes et d'inventions.
Reis a à coeur de finir en beauté et donne tout ce qu'il a. Dès les premières pages, il fait preuve d'une générosité jubilatoire en représentant une liste impressionnante d'ennemis célèbres des Nouveaux Mutants (et des mutants en général), convoqués par le Roi d'Ombre. Puis une fois que la discussion est entamée entre les deux parties, il ne lève pas le pied.
Soulignant le côté orientaliste d'Amahl Farouk, Reis le dessine comme un ogre à la fois reptilien et colérique. Les proportions physiques du personnage explosent et par contraste, les Nouveaux Mutants paraissent encore plus dérisoires face à lui. Pourtant, s'ils ne peuvent s'imposer par le corps, ils le font par la parole, l'éloquence, la détermination et Reis communique parfaitement l'ambiance tendue, orageuse qui anime le débat.
De l'autre côté, les scènes avec les élèves sont volontairement plus sages, là encore pour bien montrer la différence d'intensité. Ce sont des enfants et ils réagissent comme tels, s'étreignant collectivement après s'être mutuellement pardonnés. Puis partant sur le sentier, confronter leur ennemi comme on s'aventure dans une forêt menaçante, s'appuyant sur la force du groupe pour ne pas flancher. On est vraiment alors dans une imagerie de conte, de fable, à la fois familière et étrange.
C'est en s'inspirant à de bonnes sources que la série tape fort et juste. Au fond, cette "Chasse Sauvage" par son titre même ressemble à une histoire qu'on lit avant de se coucher et qui est propice aux cauchemars mais aussi à l'héroïsme, au rituel initiatique, au passage à l'âge adulte. C'est ce que Vita Ayala et Rod Reis nous racontent depuis le début : le parcours de personnages qui doivent affronter de nouvelles responsabilités contre un adulte qui a d'autres projets. Magistral.
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