La collection de one-shots estampillée X-Men Black produite récemment par Marvel s'intéresse aux méchants les plus emblématiques des mutants - Mojo, Juggernaut, Magneto... Jusque-là, rien de bien folichon. Mais ce numéro se penche sur le cas d'une vilaine plus ambiguë : Emma Frost. Et si je ne connais pas le taf de Leah Williams, que Chris Bachalo dessine cela rend l'achat indispensable.
Rogue accepte de rencontrer Emma Frost en terrain neutre, dans un supermarché. Elle a assuré ses arrières en s'entourant de Nightcrawler, X-23, Gambit et Storm. Mais que veut Emma Frost ?
Elle propose aux X-Men de démanteler définitivement le Hellfire Club après que celui-ci ait subi une attaque de Magneto. Son plan est simple mais précis : l'équipe de Rogue doit neutraliser les loges du Club des Damnés pendant qu'elle s'occupera de leur Roi Noir, Sebastian Shaw, qui s'est réfugié dans un palace bien gardé.
L'opération est exécutée parfaitement. Rogue et ses partenaires délogent les riches membres du Club tandis qu'Emma s'infiltre dans le palace en se débarrassant, grâce à ses pouvoirs télépathiques et sa peau de diamant, des témoins et de la sécurité. Elle peut aussi compter sur une complice dans la place.
Grâce à une soubrette au service de Shaw, elle administre un paralysant puissant à ce dernier et enfile devant lui l'habit de Reine Noire. Impuissant, il assiste à sa destitution par celle-là même qu'il forma jadis.
La soubrette, elle, remet à chaque X-Man une lettre d'Emma les remerciant pour leur aide tout en confirmat qu'elle les a manipulés pour parvenir à ses fins - qu'elle promet pacifiques...
Emma Frost n'est pas vraiment une vilaine - ou plutôt elle ne l'est plus depuis un bail. Le personnage, depuis son apparition en 1980, créé par Chris Claremont (dans la Saga du Phénix Noir), a gagné en épaisseur au point de devenir indispensable et même membre éminent des X-Men. Grant Morrison, Joss Whedon, Brian Michael Bendis et d'autres l'ont utilisé avec justesse en soulignant son ambivalence.
Tant que ce caractère trouble est conservé, que le lecteur ne sait pas quoi penser d'elle, Emma Frost est une anti-héroïne fascinante. Cela requiert une écriture ciselée et Leah Williams, que je découvre ici, l'a bien compris. Elle met en scène l'ex-Reine Blanche du Club des Damnés dans son rôle favori, celui d'une arnaqueuse que personne, même avec toute la prudence qu'elle inspire, ne peut entraver.
A l'image de son plan pour démanteler le Hellfire Club (qui a été éprouvé par une agression de Magneto dans un précédent numéro de X-Men Black), il s'agit moins de faire le Bien que de le faire à sa façon, c'est-à-dire en prenant les rênes du pouvoir, en conquérant une place qui lui permettra d'orchestrer une révolution de velours - bien que les X-Men soient complètement dupés au passage et légitimement dubitatifs face à la promesse d'Emma que ses intentions soient pacifiques.
La construction de l'histoire emprunte logiquement à celle du heist movie, le film de braquage, sauf qu'au lieu d'attaquer une banque, Emma Frost démantèle une organisation et remplace son chef. Le propos est doublement savoureux car elle a été la disciple de Sebastian Shaw et elle le destitue en plein mouvement #MeToo. D'ailleurs, je dois me corriger car dans mon résumé, je dis qu'elle prend le titre de Reine Noire alors que dans le texte Emma se proclame nouveau Roi Noir, signe qu'elle renverse le pouvoir masculin.
Pour illustrer ce récit, il fallait bien Chris Bachalo, si souvent associé au mutants. Il a l'occasion ici de dessiner Rogue, son personnage favori chez les X-Men, mais surtout donc Emma Frost auquel il donne d'abord un improbable look, visiblement inspiré par Lady Gaga (platform shoes de rigueur), avant de l'animer dans son habit virginal et de la revêtir en noir. Le résultat est à la fois d'un érotisme indéniable mais aussi d'une classe absolue.
Bachalo fait sobre au niveau du découpage, mais enchaîne des pages qui respirent d'une malice irrésistible, comme lorsque Emma grimpe les étages du palace en ascenseur, s'arrêtant ponctuellement pour manipuler psychiquement les pensionnaires de l'endroit avant d'essuyer les tirs nourris des gardes du corps de Shaw. Sa confrontation avec ce dernier, dans sa chambre, offre un moment mémorable où le lecteur croit qu'elle va échouer puis la voit renverser la situation.
Néanmoins, on le sent, c'est encore le travail d'un artiste convalescent puisque Bachalo est épaulé par pas moins de cinq encreurs et quatre coloristes ! Mais franchement, c'est un régal.
Comme l'est cet épisode, qui donne à voir une formation des X-Men qu'on aimerait retrouver et replace Emma Frost dans une position passionnante.
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