Comment résumer le sentiment effroyable qu'inspire ce numéro ? Inutile de faire durer le suspense : c'est une catastrophe complète, qui en dit long sur la désinvolture avec laquelle la série est éditée, sur le "je-m'en-foutisme" général de l'équipe créative, sur le grand n'importe quoi de l'histoire. Sortir ça deux jours après la mort de Stan Lee est vraiment le pire des outrages à la mémoire du créateur des Fantastic Four...
Reed Richards a téléporté tous les héros ayant appartenu aux Quatre Fantastiques dans leur histoire (et même d'autres) pour affronter Griever, l'incarnation de la destruction qui a poursuivi la Fondation du Futur pour annuler ce qu'elle a recréé. Reed et Sue prennent un bref instant pour savourer leurs retrouvailles avec Johnny et Ben.
Pendant que leurs amis affrontent les créatures de Griever, Reed expose son plan à sa femme, son beau-frère, son meilleur ami et ses enfants. Griever étant certainement une entité cosmique, elle est virtuellement imbattable sauf si on ruse contre elle pour la confronter à ses limites philosophiques.
Les rôles sont distribués : à Johnny, la destruction des véhicules de téléportation qu'utilise Griever pour se déplacer ; à Valeria de veiller à la conservation d'un de ces appareils pour assurer le retour des héros sur Terre ; à Franklin d'occuper leur ennemie. Mais ayant déjà échoué à la freiner, il hésite : Ben décide d'appuyer son assaut.
Griever éloigne Ben facilement et capture Franklin pour raisonner ses parents puis envoie ses créatures se charger des enfants de la Fondation du Futur, tandis que les héros ont tous été neutralisés. La défaite des FF se dessine... Sauf que Reed annonce que la bataille est terminée !
Mr. Fantastic annonce alors à Griever que soit elle détruit leur univers et y restera prisonnière car elle n'a plus de véhicule pour se déplacer ; soit elle renonce à son projet et laisse sa famille repartir. Piégée, Griever abdique, mais jure qu'elle se vengera.
En trois malheureux épisodes, le retour de Fantastic Four n'aura jamais vraiment convaincu. Et ce, pour plusieurs raisons. Récapitulons-les pour mesurer le ratage total de ce troisième numéro, qui hypothèque sérieusement la suite.
La direction de Marvel suscite bien des commentaires sarcastiques chez les fans de comics. L'éditeur spoile régulièrement ses histoires pour couper l'herbe sous le pied des sites spécialisés dans cet exercice, mais aux dépens de ses lecteurs. Il déconcerte aussi volontiers depuis un an en (re)lançant des séries de façon complètement absurde (une drôle de gestion de la part de C.B. Cebulski, le nouveau Creative Chief Officer) : l'exemple le plus flagrant concerne justement Fantastic Four publié alors que Marvel Two-In-One n'était pas encore achevé ! Résultat : on a l'impression que Marvel déshabille Pierre pour habiller Paul en annulant urgemment un titre pour donner toutes ses chances à l'autre - sauf que...
... Sauf que, visiblement, le come-back de Fantastic Four n'a à l'évidence pas été bien préparé. Trois numéros en quatre mois, le dernier ce mois-ci avec deux dessinateurs, une histoire bancale à la construction maladroite : on est loin de tenir un produit bien conçu. Pourtant la confiance était de mise : Dan Slott est un vrai fan des personnages (et il fait des miracles avec Tony Stark : Iron Man), Sara Pichelli était motivée (et elle ne manque pas de talent)... Mais le résultat n'est pas bon, ça ne prend pas, même avec toute l'indulgence du monde.
Et, même en étant donc TRES indulgent, comment peut-on valider ce troisième épisode ? Il ne ressemble à rien alors que le cliffhanger du #2 promettait du lourd avec l'apparition de TOUS les FF, y compris les plus improbables (et même de curieux invités n'ayant jamais fait partie de l'équipe !).
Graphiquement, c'est en dessous de tout : il n'y a strictement aucun décor dans ces vingt et quelques pages ! On pourra me rétorquer que l'action prime et qu'elle se situe sur un bout de planète au milieu de nulle part, mais quand même. Pichelli est fantomatique, on a l'impression qu'elle a dessiné avec une main dans le dos, c'est bâclé, sans inspiration, sans jus, méconnaissable. Elle n'a jamais donné l'impression de s'approprier ces personnages et c'est encore plus flagrant ici où ils ne ressemblent qu'à des esquisses, des ébauches. J'aime bien Pichelli mais là, ce n'est pas possible, ça ne vaut rien.
Bien que je trouve exagéré les critiques de nombreux fans sur la rareté de dessinateurs capables d'enchaîner les épisodes, il reste accablant de constater qu'un artiste est déjà à court de souffle après deux épisodes. Pichelli est donc suppléée sur six pages par Nico Leon (l'artiste de la série Ms. Marvel), dont le style, inconsistant, est un cache-misère pénible. Là encore, pas de décors, des personnages sans expressions, un découpage brouillon, un encrage plat. On a l'impression de lire des pages de débutant.
Si encore le scénario valait quelque chose, on pourrait au moins s'y raccrocher. Mais non ! C'est une nouvelle faillite. Comme sa dessinatrice, Slott donne le sentiment de n'avoir jamais l'idée qui ferait décoller la série, ce je-ne-sais-quoi qui en fait son titre, comme il a su le faire si bien avec Tony Stark : Iron Man (avec une structure en one-shots, beaucoup d'action, d'humour, d'invention).
Tout semble désincarné, vide, creux, sans âme. Souvent ridicule aussi comme ce moment volé où les Quatre Fantastiques s'enlacent pour savourer leurs retrouvailles... Alors que Griever semble attendre gentiment avant de détruire l'univers ! Tous les héros convoqués pour affronter cette méchante, peu charismatique, mais pourtant hyper-puissante ? De la chair à canon, qui se prend une rouste express, mais est à nouveau debout, comme par miracle, quand Reed décide que ça a assez duré ! Les scènes grotesques comme celles-ci, l'épisode en est farci et, plus d'une fois, on est éberlués que Slott ait osé les écrire.
N'attendez donc pas de baston spectaculaire, d'exploitation inspiré des guests, de conclusion grandiose : tout ça a été oublié en route depuis le #2. Et on se demande bien comment, par quel miracle, Slott (et Pichelli ? Sa présence devient vraiment improbable, en tout cas elle ne figure plus aux crédits des épisodes 5 et suivants) parviendra à redresser la barre (et ce n'est pas l'apparition de nouveaux locataires au Baxter Building, les Terrifix, annoncée en fin de n° qui suscitera l'enthousiasme).
Y a-t-il une malédiction qui plane sur les FF ? Même leurs avatars chez DC (The Terrifics) sont condamnés (la série s'arrêtera bientôt, c'est officiel)... Le pire reste que ce naufrage a lieu la semaine de la mort de Stan Lee : s'il existe un au-delà et qu'il y est, il doit être bien désolé par ce que Marvel fait de la série à partir de laquelle, lui et Kirby, ont bâti l'univers Marvel.
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