Un changement d'équipe créative sur une série donne l'occasion d'un jumping point, c'est-à-dire d'essayer ledit titre alors qu'on a raté les précédents épisodes. Je suis ainsi passé à côté du run de Benjamin Percy, bêtement désorienté par l'alternance de dessinateurs aux styles très différents (Otto Schmidt, Juan Ferreyra, Stephen Byrne...). Aujourd'hui, je débute donc celui de Julie et Shawna Benson avec ce #43, un parfait point d'entrée, dessiné par Javier Fernandez (Nightwing).
Green Arrow et son sidekick Arsenal interviennent pour sauver les habitants d'un immeuble sur le point d'être soufflé par le promoteur immobilier Jubal Slade. Ce dernier s'enfuit tandis que Green Arrow donne de l'argent aux sans-logis pour aller à l'hôtel en attendant mieux.
Après un passage au siège de Queen Entreprises, Oliver Queen retrouve, dans la banlieue de Seattle, à l'intérieur d'un abri souterrain, sa partenaire Dinah Lance/Black Canary. Ils partent rejoindre Roy Harper/Arsenal pour déjeuner.
Sur place, Dinah consulte son portable et regarde une vidéo en direct où un certain Citizen annonce qu'il va s'en prendre aux nantis malhonnêtes de la ville dont ses followers décideront du sort. Le premier accusé est Jubal Slade.
Grâce à Batgirl, Green Arrow et Black Canary retrouvent l'endroit où Citizen retient Slade que les internautes veulent condamner à mort. Mais ils arrivent trop tard : le promoteur immobilier, pris dans un piège, est décapité et son bourreau n'est pas dans la pièce où a été filmée l'exécution.
Néanmoins, Citizen continue de transmettre en direct et désigne sa prochaine cible : il compte soumettre au jugement populaire... Oliver Queen !
Après cet épisode d'ouverture très efficace, à l'argument rapidement exposé, les scénariste Benson et leur dessinateur embrayent directement, toujours sur les chapeaux de roues. Comment Green Arrow va-t-il composer avec la menace du Citizen contre son alter ego ?
Les supporteurs du Citizen traquent Oliver Queen mais il parvient à les semer et à rejoindre Black Canary. Celle-ci a appris, grâce aux compétences informatiques de Batgirl, que leur ennemi postait ses vidéos depuis un cyber-café. Mais c'est un leurre : il annonce qu'il va traîner devant sa cour de justice deux autres notables.
Alors qu'une vidéo accablant Oliver Queen dans un accident de la route, fatal à une jeune fille, circule, Black Canary s'occupe de mettre Franklin Rossmore à l'abri et Green Arrow se rend chez Alison Kim. Les gardes du corps de cette dernière sont neutralisés quand il arrive chez elle.
Et Citizen l'a traînée dans son écurie, lui attachant chevilles et poignets à quatre chevaux pour l'écarteler si ses followers la jugent coupable d'avoir dopé ses purs-sangs. Green Arrow s'interpose mais Citizen le place face à ses responsabilités en lui demandant s'il compte sauver une tricheuse.
L'archer ne tergiverse pas et libère Alison Kim mais Citizen en profite pour fuir alors que les chevaux s'emballent. Green Arrow décide de conduire Kim au poste de police pour qu'elle réponde de ses actes.
De retour auprès de Black Canary, Oliver culpabilise pour l'affaire qui le concerne et dont il avait tout oubliée. C'est alors que Superman l'interrompt...
Si j'espère un de ces quatre lire et critiquer le run de Benjamin Percy, salué par la critique et les lecteurs, je dois d'emblée dire que celui de Julie & Shawna Benson m'a enthousiasmé. Pour une relance, c'est une vraie réussite. Je n'attendais pas ces scénaristes à ce niveau, après leurs épisodes décriés de la série (annulée depuis) de Batgirl & the Birds of Prey.
Comme elles ne s'embarrassent pas de préliminaires, imitons-les : ce qui séduit dans ces numéros de Green Arrow, c'est leur rythme très soutenu, leur vitesse. La situation est bien et rapidement posée, avec un méchant ambigu et original. L'archer de Seattle a toujours été un personnage à part dans la galaxie DC car il représente son aspect le plus politique : Oliver Queen a beau être un homme d'affaires et un justicier comme Bruce Wayne/Batman, c'est un homme de Gauche, engagé (il a été maire) et dont l'origine même résume sa position (échoué sur une île, il a du y devenir l'expert du tir à l'arc qu'il est pour devenir en chassant des trafiquants - le #43 y fait une allusion amusante quand Ollie dit qu'il n'aime pas trop les îles) - bref, il en a bavé.
Si on peut s'étonner (et même se plaindre) que la série ne s'intitule pas "Green Arrow & Black Canary", puisque Dinah Lance en est la protagoniste au même titre que son partenaire (même si leur romance a re-débuté avec "Rebirth"), l'ennemi que doit affronter le couple s'en prend d'abord à Oliver Queen et ses semblables. Les Benson s'appuient sur la thèse, authentique, que 99% de la fortune mondiale est aux mains de 1% de la population pour caractériser le Citizen (le Citoyen) qui s'en prend à des nantis de Seattle au prétexte que leur richesse n'est jamais acquise honnêtement.
Le cas initial de Jubal Slade n'est guère nuancé puisque ce promoteur fait carrément exploser un immeuble alors que des habitants se trouvent encore dedans. Les fautes de Franklin Rossmore et Alison Kim (un banquier et une éleveuse de chevaux) sont plus subtils. Quant au dossier noir concernant Oliver Queen, il est trouble : son implication dans un accident de la route mortel est sujet à caution puisqu'il n'en a conservé aucun souvenir car il était en état d'ivresse.
Il n'empêche, le procédé est très accrocheur et percutant. Green Arrow doit affronter un adversaire qui se targue de représenter le peuple et sollicite ses votes pour exécuter des gens vraiment malhonnêtes. Les méthodes du Citizen sont extrêmes mais poussent l'archer dans ses retranchements en l'accablant personnellement et en l'éprouvant comme justicier. Si Green Arrow interfère dans les procès du Citizen ne se rend-il pas complice des accusés ?
Javier Fernandez dessinait auparavant la série Nightwing, écrite par Tim Seeley comme la suite directe de Grayson durant les "New 52" - pour un résultat, hélas ! beaucoup moins abouti (un signe de l'influence de Tom King, co-auteur alors du titre ?). L'espagnol est très à son avantage dans le registre de l'action avec un trait nerveux et des compositions dynamiques.
C'était donc l'homme de la situation pour illustrer les scripts de Green Arrow et il rend une copie vigoureuse. Il est à l'aise pour représenter l'archer à la manoeuvre : c'est Oliver Queen comme on l'aime, avec sa moustache et sa barbichette, un costume redesigné très intelligemment, entre deux âges, dont le couple avec Black Canary possède une vraie alchimie. Fernandez dessine celle-ci de manière agréable, sans exagérer sa physionomie pour l'hyper-sexualiser et en en faisant une femme adulte comme son partenaire, dont le pouvoir vocal est utilisé et mis en scène de manière spectaculaire mais dosée (on la voit par exemple s'entraîner pour en tester la puissance).
Si Fernandez a un défaut, c'est celui de ne pas sembler savoir choisir entre les textures : parfois, il joue sur une économie élégante avec des à-plats noirs, parfois il use de traits, et parfois il mélange les deux effets, ce qui créé un curieux mélange. Pas désagréable mais un peu étrange. Heureusement, la série peut compter sur un coloriste de première classe avec John Kalisz, dont la palette est superbe.
Cette reprise est donc très prometteuse. En attendant de voir le prochain mouvement du Citizen, les auteurs vont faire une pause pour coller aux événements de la saga de Tom King, Heroes in Crisis, dans le prochain numéro.
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