La saga de Tom King se poursuit. Et avance d'un pas lent, qui en éprouvera certains. Le scénariste a visiblement choisi de raconter Heroes in Crisis en tournant le dos au grand spectacle et en privilégiant l'atmosphère intimiste : une option audacieuse. Mais envoûtante pour qui s'y abandonne, surtout qu'elle est servie par les dessins de Clay Mann, soutenu le temps de deux pages par Travis Moore.
Poison Ivy, Batman, Wonder Woman et Superman enregistrent leurs états d'âme dans la confidentialité du Sanctuaire, avant le carnage qui y a eu lieu. Harley Quinn, en cavale depuis, demande au Pingouin de lui fournir une cachette, sans préciser pourquoi sinon que beaucoup de héros sont à ses trousses.
Batman procède à l'autopsie de Citizen Steel en présence de Superman et Wonder Woman. Il jure n'avoir installé aucun dispositif permettant de tracer ceux qui sont admis au Sanctuaire - et donc de savoir qui y a commis la tuerie. Par contre il découvre qu'on a fait avaler quelque chose à Citizen Steel.
Booster Gold se réveille dans un champ où Skeets l'a soigné des blessures infligées par Harley Quinn. Plutôt que de se rendre, il décide de mener sa propre enquête comme Batman le ferait au sujet du massacre du Sanctuaire, pour savoir qui, de Harley ou lui, en serait l'auteur.
Superman, Batman et Wonder Woman débusquent Harley Quinn dans une grange. Elle accuse Booster Gold des crimes du Sanctuaire avant de dérober le lasso de Wonder Woman et d'étrangler Batman. Il avoue avoir un fragment de kryptonite dans sa ceinture et elle s'en sert pour affaiblir Superman et s'enfuir.
Booster Gold se rend à Central City et évoque ce qui s'est passé au Sanctuaire, citant Wally West parmi les victimes. Flash court vérifier ses dires et revient pour le tabasser. Superman entend cela et va intervenir. Harley Quinn, au sommet du Gotham Bridge, jette dans la baie une rose que portait Poison Ivy dans ses cheveux...
C'est une critique de saison puisque c'est la Toussaint, la veille de la journée des morts. Et Heroes in Crisis brille d'un éclat funèbre comme peu de sagas "événementielles" le font. Entendons-nous bien : les events sont rarement des parties de rigolade, mais Tom King a en quelque sorte choisi son moment pour raconter cette histoire (et d'ailleurs certains lecteurs le lui reprochent) puisque "Rebirth" signifiait un retour à un certain optimisme dans le DCU.
Un certain optimisme. Mais pas un optimisme certain car le monde des super-héros n'existerait pas sans ses petits drames et ses grandes tragédies. Ce qui distingue HiC, c'est que tout commence après, en l'occurrence après une tuerie de masse dans un lieu censé être sécurisé, un sanctuaire - avec la valeur sacré qu'on accorde au mot.
King prend un malin plaisir à déjouer les attentes : il ne convoque pas la Justice League, ni une assemblée de super-héros pour enquêter, mais se contente d'animer la Trinité formée par Superman, Wonder Woman et Batman (les gardiens du temple DC et du Sanctuaire). On n'est pas non plus dans une course-poursuite aux suspects qui se baladent dans la nature après s'être, dans le premier épisode, battus et mutuellement accusés d'être les auteurs de la tuerie.
L'ambiguïté du comportement de Booster Gold qui veut mener sa propre enquête ("comme le ferait Batman") au lieu de se rendre et s'expliquer et de Harley Quinn qui fuit tout en semant le doute sur sa responsabilité et en accablant Booster Gold trouble la Trinité et le lecteur. Par exemple, pourquoi Booster Gold ne voyage-t-il pas dans le temps, comme il en a le pouvoir, pour savoir ce qui s'est vraiment produit ? Que faisait Harley Quinn au Sanctuaire, précisément quand Poison Ivy (son amie et amante) s'y confessait ? Poison Ivy est-elle vraiment morte comme semble l'indiquer la scène où Harley jette une rose dans la baie de Gotham ?
Superman, Wonder Woman et Batman agissent aussi curieusement, en n'appelant pas en renfort un policier de la brigade scientifique comme Flash pour analyser la scène de crime. Batman assure n'avoir pas disposé de quoi surveiller les patients du Sanctuaire, et donc démasquer le tueur... Mais, sous la contrainte du lasso de Wonder Woman, il révélera posséder dans sa ceinture un fragment de kryptonite, décisif pour Harley Quinn. Dans une confession au Sanctuaire, Wonder Woman préfère se passer de thérapie et serrer les dents. Superman ne sait plus qui il est - plutôt Clark Kent ou Kal-El. Batman est hanté par ce qu'il a infligé à ses Robin.
Visiblement, donc, le Sanctuaire n'a pas rempli sa fonction, les héros et les patients sont tous en plein doute. L'ampleur du massacre les désarme. Le lecteur aussi est désarçonné, alors qu'on n'a en vérité rien vu sinon des cadavres (mais pas tous apparemment). King utilise ce choc pour justifier les errements des protagonistes et une narration hachée, qui correspond à la confusion après la découverte du crime. C'est une manière très audacieuse mais efficace, quoiqu'il faille y adhérer, l'accepter - sans ça, on ne peut qu'être frustré par le minimalisme, l'austérité de la démarche.
Clay Mann, dans ce cadre-là, assure une sorte de mission opposée, celle qui consiste à en donner pour son argent au lecteur, avec des images puissantes et séduisantes. Le style de l'artiste convient parfaitement à cela car il sait donner une sorte de solennité aux personnages, du charme aux femmes, et conserver une distance toujours appropriée avec l'action (des plans larges pour aérer le récit et des plans serrés pour saisir les émotions).
Au passage, Mann redonne son costume original à Harley Quinn, ce qui est un choix logique tant le personnage semble marcher à reculons dans l'histoire, comme pour refouler l'horreur (la dernière scène au sommet du Gotham Bridge est magnifique avec ce monologue où Harley récapitule son parcours pour finir par le moment précédant sa rencontre avec le Joker).
Travis Moore ne figure pas dans les crédits de la couverture : sa contribution au numéro est certes très réduite mais tout de même. Il s'acquitte de deux pages (lors de la conversation entre Booster Gold et Flash), ce qui est très peu, au point qu'on hésitera à nommer cela un fill-in. Mais il s'acquitte de cela avec humilité, collant au plus près au style de Mann (qui n'aurait sans doute pas de souci à boucler l'épisode s'il laissait son frère Seth l'encrer).
Heroes in Crisis me plaît bien pour sa singularité narrative, son refus de faire comme d'habitude, de continuer à poser davantage de questions qu'à porter de réponses (il faut en garder sous le pied quand on part sur une histoire en neuf parties). Ce n'est pas fait pour plaire à tous, mais finalement ce n'est pas plus mal : cette fois, peu de risque qu'on reproche au scénariste d'avoir suivi les ordres du staff éditorial.
Un certain optimisme. Mais pas un optimisme certain car le monde des super-héros n'existerait pas sans ses petits drames et ses grandes tragédies. Ce qui distingue HiC, c'est que tout commence après, en l'occurrence après une tuerie de masse dans un lieu censé être sécurisé, un sanctuaire - avec la valeur sacré qu'on accorde au mot.
King prend un malin plaisir à déjouer les attentes : il ne convoque pas la Justice League, ni une assemblée de super-héros pour enquêter, mais se contente d'animer la Trinité formée par Superman, Wonder Woman et Batman (les gardiens du temple DC et du Sanctuaire). On n'est pas non plus dans une course-poursuite aux suspects qui se baladent dans la nature après s'être, dans le premier épisode, battus et mutuellement accusés d'être les auteurs de la tuerie.
L'ambiguïté du comportement de Booster Gold qui veut mener sa propre enquête ("comme le ferait Batman") au lieu de se rendre et s'expliquer et de Harley Quinn qui fuit tout en semant le doute sur sa responsabilité et en accablant Booster Gold trouble la Trinité et le lecteur. Par exemple, pourquoi Booster Gold ne voyage-t-il pas dans le temps, comme il en a le pouvoir, pour savoir ce qui s'est vraiment produit ? Que faisait Harley Quinn au Sanctuaire, précisément quand Poison Ivy (son amie et amante) s'y confessait ? Poison Ivy est-elle vraiment morte comme semble l'indiquer la scène où Harley jette une rose dans la baie de Gotham ?
Superman, Wonder Woman et Batman agissent aussi curieusement, en n'appelant pas en renfort un policier de la brigade scientifique comme Flash pour analyser la scène de crime. Batman assure n'avoir pas disposé de quoi surveiller les patients du Sanctuaire, et donc démasquer le tueur... Mais, sous la contrainte du lasso de Wonder Woman, il révélera posséder dans sa ceinture un fragment de kryptonite, décisif pour Harley Quinn. Dans une confession au Sanctuaire, Wonder Woman préfère se passer de thérapie et serrer les dents. Superman ne sait plus qui il est - plutôt Clark Kent ou Kal-El. Batman est hanté par ce qu'il a infligé à ses Robin.
Visiblement, donc, le Sanctuaire n'a pas rempli sa fonction, les héros et les patients sont tous en plein doute. L'ampleur du massacre les désarme. Le lecteur aussi est désarçonné, alors qu'on n'a en vérité rien vu sinon des cadavres (mais pas tous apparemment). King utilise ce choc pour justifier les errements des protagonistes et une narration hachée, qui correspond à la confusion après la découverte du crime. C'est une manière très audacieuse mais efficace, quoiqu'il faille y adhérer, l'accepter - sans ça, on ne peut qu'être frustré par le minimalisme, l'austérité de la démarche.
Clay Mann, dans ce cadre-là, assure une sorte de mission opposée, celle qui consiste à en donner pour son argent au lecteur, avec des images puissantes et séduisantes. Le style de l'artiste convient parfaitement à cela car il sait donner une sorte de solennité aux personnages, du charme aux femmes, et conserver une distance toujours appropriée avec l'action (des plans larges pour aérer le récit et des plans serrés pour saisir les émotions).
Au passage, Mann redonne son costume original à Harley Quinn, ce qui est un choix logique tant le personnage semble marcher à reculons dans l'histoire, comme pour refouler l'horreur (la dernière scène au sommet du Gotham Bridge est magnifique avec ce monologue où Harley récapitule son parcours pour finir par le moment précédant sa rencontre avec le Joker).
Travis Moore ne figure pas dans les crédits de la couverture : sa contribution au numéro est certes très réduite mais tout de même. Il s'acquitte de deux pages (lors de la conversation entre Booster Gold et Flash), ce qui est très peu, au point qu'on hésitera à nommer cela un fill-in. Mais il s'acquitte de cela avec humilité, collant au plus près au style de Mann (qui n'aurait sans doute pas de souci à boucler l'épisode s'il laissait son frère Seth l'encrer).
Heroes in Crisis me plaît bien pour sa singularité narrative, son refus de faire comme d'habitude, de continuer à poser davantage de questions qu'à porter de réponses (il faut en garder sous le pied quand on part sur une histoire en neuf parties). Ce n'est pas fait pour plaire à tous, mais finalement ce n'est pas plus mal : cette fois, peu de risque qu'on reproche au scénariste d'avoir suivi les ordres du staff éditorial.
La variant cover de Ryan Sook.
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