Les audiences plus faibles qu'espérées de la première saison, HBO a réduit le nombre de saisons de The Deuce à trois. Pour leur deuxième acte, les showrunners David Simon et George Pelecanos ont donc modifié leur plan en confiant au scénariste en chef de la série, Richard Price, le soin d'aménager le déroulement de leur fresque sur le porno et la prostitution à New York dans les années 70. Le résultat n'en souffre pourtant guère, même si le destin de quelques personnages s'en trouvent scellés et que l'ensemble a un peu moins d'intensité - mais plus de mélancolie.
Abby et Vincent (Margarita Levieva et James Franco)
1978. Vincent Martino, toujours en couple avec sa barmaid et photographe Abby, dirige avec succès deux établissements pour le compte de la mafia, le "Club 366" et le "Hi-Hat". Son frère jumeau, Frankie, gère le peep-show "Showland" en se servant allègrement dans les caisses pour jouer aux cartes et entretenir sa compagne qu'il épouse. De son côté, Candy ambitionne de réaliser un porno artistique dont l'ambition effraie Harvey, son associé. Lori est devenue une actrice de films "x" demandée mais toujours sous la coupe de C.C., tandis que Darlene obtient son bac à l'insu de son souteneur, Larry. Le sergent Alston a pris du galon et il est approché par l'adjoint au maire Koch, Gene Goldman, qui veut réhabiliter Times Square.
Candy et Darlene (Maggie Gyllenhaal et Dominique Fishback)
Candy rencontre Genevieve Furie, un actrice de porno passée à la réalisation, qui lui donne quelques conseils. Lori et Harvey sont nominés pour des récompenses attribuées par l'Adult Film Association of America, dont la cérémonie se déroulera à Los Angeles. Lori rencontre, en prévision de ce déplacement, Kiki Rains, une agent, qui veut la représenter à condition qu'elle quitte C.C.. Vincent emmène Abby à Coney Island où il a grandi et parle de leur avenir. Larry demande à Candy de lui donner sa chance comme acteur et Darlene la prévient qu'il est illettré. Abby retrouve Dorothy, ancienne tapineuse sous le nom de Ashley pour C.C., qui travaille maintenant à aider les filles sur le trottoir.
C.C. et Lori (Gary Carr et Emily Meade)
C.C., par peur de l'avion, laisse, à contrecoeur, partir Lori à Los Angeles pour la remise des prix. Là-bas, Candy noue un contact avec un producteur prêt à investir dans son film en échange d'une gâterie sexuelle. Rudy Pipilo, le caïd qui protège les Martino, ordonne à Vincent d'écarter Frankie de leur business car il tape trop dans les recettes. Frankie se refait vite en gagnant une petite fortune aux cartes. Un rival de Pipilo, qui veut s'implanter dans son quartier, incendie ses salons. Goldman précise à Alston pourquoi il veut nettoyer le secteur de la prostitution à des fins spéculatives sur l'immobilier et le tourisme. Abby s'investit de plus en plus aux côtés de Dorothy et son partenaire, Dave.
Alston et Goldman (Lawrence Gillard Jr. et Luke Kirby)
Candy soumet à un scénariste son idée d'adapter le conte du "Petit Chaperon Rouge", mais le script qu'il lui rend donne la part trop belle au grand méchant loup. De retour de Los Angeles où elle a gagné un prix (comme Harvey), Lori est brutalisée par C.C. qui la met en garde si elle compte le quitter. Candy teste Larry dans un porno et il se révèle excellent en improvisant. Un salon de Pipilo est incendié et Kitty, une des prostituées, meurt dans les flammes. Abby tient Bobby, le beau-frère de Vincent, qui tenait l'endroit, pour responsable et le bannit du "Hi-Hat", engendrant une crise avec Vincent. Alston explique que pour se débarrasser des salons et des macs, il faut créer une brigade spéciale car tous les agents des Moeurs sont corrompus. Vincent paie les funérailles de Kitty.
Abby et Darlene (Margarita Levieva et Dominique Fishback)
Larry renonce à son activité de souteneur pour se consacrer à la comédie, laissant à Darlene le temps de suivre des cours du soir, où elle fait la connaissance d'un étudiant qui lui offre un emploi dans une friperie. Candy réécrit le script de "Red Hot", son adaptation du "Petit Chaperon Rouge", avec Jocelyn, la secrétaire de Jarvey, pour en tirer une histoire plus féministe et "auteuriste". Frankie accepte de participer au financement du film et convainc Pipilo d'investir dedans aussi. Lori est embauchée pour le premier rôle. Alston organise une descente-surprise dans le salon de Bobby qui est arrêté devant les caméras de télé convoquées par Goldman.
Harvey et Candy (David Krumholtz et Maggie Gyllenhaal)
Candy tourne "Red Hot" sans autorisation, notamment pour des scènes en extérieur. Elle vire rapidement l'acteur-vedette, trop capricieux, pour le remplacer par Larry, puis la compagne de Frankie, incompétente, qu'elle supplée dans le rôle de la grand-mère du Chaperon Rouge. Harvey voit, avec inquiétude, le budget être dépassé, mais le premier montage le rassure, estimant que le résultat est inédit dans la production "x". Bobby est relâché. Abby avec Dave négocie une trêve avec les macs pour que leurs filles aient accès à des soins médicaux tandis qu'Ashley se confronte à C.C.. Vincent annonce à Pipilo ne plus vouloir gérer les salons mais comprend qu'il n'a pas le choix.
Dave et Abby (Sebastian Arcelus et Margarita Levieva)
Vincent s'offre une virée dans le Vermont pour se changer les idées et y repère une maison à vendre. En son absence, Abby couche avec Dave et l'avoue à Vincent quand il rentre. Elle lui explique qu'elle n'ira jamais vivre dans le Vermont, ayant justement quitté sa province six ans plus tôt pour New York. Pipilo discute de l'exploitation de "Red Hot" avec Harvey et Candy craint qu'on la dépossède de son oeuvre, même si elle est résolue à ne pas se laisser faire. Kiki Rains explique à Lori qu'on lui offre un contrat pour trois films à Los Angeles, ce qui implique une séparation défintive avec C.C.. Un soir qu'il roule avec Pipilo et Longo, Vincent essuie des tirs d'une autre voiture. Il n'est pas blessé mais comprend qu'il était la cible - sans savoir pourquoi.
Frankie et C.C. (James Franco et Gary Carr)
Kiki Rains s'adresse à Pipilo pour écarter, sans le tuer, C.C., en proposant au caïd une part sur le contrat de Lori. Pipilo rachète Lori à C.C. qui invite sa protégée à dîner une dernière fois avant de la violer. Dave rompt tout contact avec Dorothy car il désapprouve ses méthodes : les macs savent qu'elle encourage, et paie même certaines filles pour quitter New York. Vincent parle de ses problèmes de couple avec son père qui lui rappelle qu'il avait déjà une femme et des enfants avant Abby. C.C. tente d'escroquer Frankie et Bobby en leur réclamant l'argent que Lori leur a rapportés quand elle travaillait au salon. Mais Bobby le tue quand il mentionne, d'un ton menaçant, sa femme.
Candy (Maggie Gyllenhaal)
Une semaine après la disparition soudaine de C.C., Alston trouve le corps sans vie de Dorothy. Lori craint que son ancien mac ne l'ait tué et veuille faire de même avec elle avant son départ pour Los Angeles. Abby, dévastée, culpabilise et Vincent paie à nouveau pour les funérailles. Alston, grâce à Goldman, obtient une promotion du Maire pour faire le ménage définitivement dans Times Square. Candy passe à la télé pour la promo de son film : ses parents lui interdisent de revoir son fils après ça car il a subi des brimades à l'école à cause d'elle. Darlene quitte Larry en bons termes, chacun ayant trouvé sa reconversion. Frankie, pour raisonner Lori, lui avoue que C.C. est mort. Elle peut partir sur la Côte Ouest. Pipilo engrange des profits grâce au succès de "Red Hot". Frankie, floué par le caïd, retourne s'occuper du "Showland" et Vincent du "Club 366".
Quand ils ont initié la production de The Deuce avec HBO, David Simon et George Pelecanos espéraient rééditer la réussite de The Wire - Sur écoute, soit réaliser une resque courant sur plusieurs saisons avec une chorale de personnages saisis dans une époque et une activité précises. Mais la saison 1, louée par la critique, n'a pas eu le succès d'audience escompté.
Il a donc fallu faire des choix quand la chaîne à péage a annoncé que le show se réduirait à trois saisons. A charge pour Richard Price, scénariste en chef, de trouver des solutions narratives. C'est ainsi qu'on découvre que six ans se sont passés depuis les huit premiers épisodes : nous voilà propulsés en 1978, loin du disco mais en pleine fièvre punk.
L'ellipse est audacieuse et risquée. On est d'abord un peu frustré par ce bond en avant et il faut s'accommoder de l'évolution de certains personnages qu'on avait quittés en plein doute existentiel et qu'on retrouve dans des situations nouvelles. Pourtant, la familiarité reprend le dessus et les intrigues se nouent efficacement. The Deuce démarre un peu laborieusement puis s'envole à nouveau.
Il serait pourtant malhonnête de prétendre que ces neuf nouveaux épisodes sont aussi bons. Quelque chose manque - un peu d'intensité, de surprise, une happy end un peu grossière, et la perte de plusieurs personnages importants. Autant d'éléments qui promettent, ou font redouter, que le troisième et dernier acte sera tout de même compliqué à mener. On peut louer Simon, Pelecanos et Price de ne pas reculer quand il s'agit de faire vraiment avancer leur projet, mais ce faisant ils ne se facilitent vraiment pas la tâche (déjà peu aisée quand il faut rogner sur le plan initial).
Les auteurs-créateurs n'évitent pas non plus toujours quelques facilités. Beaucoup d'épisodes étant réalisés par des femmes, qui ont visiblement eu les coudées franches, manquent de sérieux : l'exemple le plus évident concerne le traitement du personnage de Larry, le mac qui se reconvertit en acteur de porno, et qui est franchement tourné en ridicule. Bien entendu, cela prête à sourire de voir ce proxénète illettré jouer le grand méchant loup, mais cela ne rend pas justice à la formidable interprétation de Gbenga Akinnagbe d'une part, et d'autre part, cela créé un contraste malheureux avec le sujet (l'ambition de Candy de mettre en scène un porno de qualité, les compromissions qu'elle fait pour cela, le racisme dont est l'objet Larry, etc.).
Entendons-nous bien, je ne dis pas que si des hommes avaient dirigés ces épisodes, cela aurait été meilleur. Je ne suis pas misogyne. Mais les réalisatrices choisis ont à l'évidence moins d'ambition que Candy et ont privilégié le grotesque des situations, le mépris que leur inspire ce porno exigeant, et incidemment tournent en dérision l'exploitation des acteurs/trices, la portée subversive du "x" à l'époque. En fait, il y a là comme un regard porté un peu condescendant et décalé, comme si le mouvement #MeToo interdisait à ces cinéastes de considérer l'action passée sans militantisme.
Pourtant, Simon, Pelecanos et Price ne peuvent être taxés de complaisance vis-à-vis de la prostitution, de corruption, du banditisme et tous les autres fléaux de 1978. La brutalité de C.C. (campé avec force par Gary Carr) contre Lori (superbe Emily Meade) ne laisse aucune place au doute sur ce qu'ils pensent des souteneurs et la croisade, même maladroite, menée par Dorothy (Jamie Neumann) pour de meilleures conditions de travail des prostituées, témoigne avec subtilité et émotion du mythe de Sisyphe que cela représente.
Une autre séquence bouleversante se situe presque à la marge, avec la mort de Kitty dans un incendie criminelle. Ce drame montre bien comment la rivalité des mafieux italiens a accablé des innocentes et provoque une prise de conscience poignante chez Vincent (James Franco, exceptionnel dans le double rôle des jumeaux Martino - Vincent torturé, Frankie jouisseur) et Abby (Margarita Levieva, magnifique).
Toutefois la reine de The Deuce, cette saison encore davantage que la précédente, demeure Maggie Gyllenhaal : elle réussit à doser génialement le vulgaire et l'élégance, la compromission et l'ambition, la débauche et l'art. Ce serait terriblement injuste que la comédienne n'obtienne pas un Emmy pour son rôle l'an prochain, pour l'ensemble de son oeuvre dans la série.
En explorant l'émancipation de quelques-unes de ses héroïnes (au point de les sortir de la scène) et le tournant plus politique et moral de l'époque, cette saison 2 est sans doute plus inégale (le projet de Goldman avec l'aide d'Alston est développé un peu trop à part et mis à exécution tardivement), mais la série continue à impressionner par le prestige de son casting, la rigueur de son écriture (à défaut de sa réalisation) et son son ambition.
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