La saga de Old Man Hawkeye touche bientôt à sa fin. Désormais, Ethan Sacks compose avec Clint Barton et Kate Bishop dans le collimateur desquels ne restent plus que deux cibles. Ce dixième épisode, toujours dessiné par Marco Checchetto, réserve encore son lot de surprises et demeure efficace, ménageant même un cliffhanger très prometteur.
Bravant une tempête de neige en traversant une forêt, Clint Barton et Kate Bishop franchissent la frontière canadienne, en route pour le repaire de Moonstone, suivant la carte que leur a confiés Songbird. Une Sentinelle reprogrammée les attaque mais Kate réussit à l'éliminer. Juste avant que des villageois les encerclent.
Plus loin, Bullseye atteint lui aussi la frontière et tue des gardes pour leur voler une moto-neige. Les villageois escortent Clint et Kate jusqu'au domaine de Moonstone pour savoir si elle les accueille en amis ou en ennemis. Elle apparaît, défigurée comme ses sujets, rongée par les radiations de son pouvoir.
Depuis quarante-cinq ans, elle vit retirée ici parce que le Baron Zemo l'a trahie lorsque Crâne Rouge a distribué les territoires à ses fidèles. Moonstone a tenté de se venger mais Zemo lui a envoyée la Sentinelle. Mais avec Clint, elle tient sa revanche. Il refuse pourtant de l'aider.
Mais ce n'est pas de ça qu'il s'agit puisqu'elle compte le livrer à Crâne Rouge. Kate réagit et blesse Karla Sofen avant que Clint ne l'achève en la transperçant avec une flèche en pleine poitrine qui provoque son implosion... Qui la statufie avec ses villageois.
Clint se demande à présent comment il va localiser Zemo mais Kate le rassure car elle pense le découvrir en sondant la boîte noire de la Sentinelle. Dans la base de l'Arme X, Zemo reçoit une bonne nouvelle d'Avalanche : leurs laborantins ont enfin réussi à reproduire le sérum du super-soldat.
L'épisode est en somme découpé en deux : on assiste à la rencontre de Hawkeye/Clint Barton avec l'avant-dernier membre des Thunderbolts ; puis à la toute fin, Ethan Sacks dévoile subitement ce qui se tramait depuis un moment du côté du complexe de l'Arme X occupé par le Baron Zemo et Avalanche. Ce coup de théâtre relance l'intrigue et annonce un dénouement spectaculaire - d'autant plus que Bullseye est toujours dans la course (même s'il n'a droit qu'à une scène).
Avouons-le, la saga commence à tirer un peu la langue : c'est sans doute la limite du projet de Sacks que de n'avoir pas dépassé la succession de règlements de comptes entre Barton et les anciens Thunderbolts. Il a bien ponctué cette vengeance de moments forts, comme le duel à mort entre Bullseye et le Soldat de l'Hiver, et d'autre moins inspirés, comme le flash-back sur l'assassinat d'une équipe d'Avengers quarante-cinq ans auparavant. Mais Old Man Hawkeye n'est pas plus que ça.
On peut regretter, surtout, que le scénariste n'ait pas davantage insisté sur le compte à rebours que représente la quête de Hawkeye, obligé d'accomplir ses basses besognes avant de perdre la vue. A part quelques tirs à l'arc manqués et allusions dans les dialogues à son état de santé, on n'a pas le sentiment que Barton soit très angoissé à l'idée de devenir aveugle. Une occasion manquée, surtout depuis que l'archer a retrouvé Kate Bishop, qui est à la fois son élève, son amie, sa partenaire - mais qui, elle aussi, évite visiblement le sujet.
Mark Millar avec Old Man Logan s'inspirait de Impitoyable de Clint Eastwood pour mettre en scène Wolverine en bout de course, jusqu'au salut final. Ethan Sacks échoue à donner une dimension pareille à Hawkeye. Dommage.
Néanmoins, je ne veux pas l'accabler car son récit demeure très agréable et efficace. Sa capacité à surprendre dans cet enchaînement de combats est intacte : à chaque nouvelle cible on est étonné de l'apparence de ces vilains vétérans, de leur situation, de leur état d'âme. Et Moonstone, ce mois-ci, ne fait pas exception. Nul n'aurait pu imaginer qu'on la découvrirait dans une telle condition, qui est à la fois logique et terrible, consumée par son propre pouvoir et uniquement motivée par la revanche - une certaine ironie perce d'ailleurs en la voyant trahie comme elle a trahi jadis Hawkeye.
Le rebondissement des deux dernières pages éclaire d'un jour nouveau ce qui se préparait à l'Arme X avec Avalanche et Zemo, après des scènes dans les précédents épisodes parfois cryptiques.
Marco Checchetto rend une nouvelle fois une copie magistrale. Avec le coloriste Andres Mossa, il rend un hommage manifeste au western de Sergio Corbucci, Le Grand Silence (avec Jean-Louis Trintignant en pistolero muet, armé d'un Luger, et Klaus Kinski, plus fou que jamais). L'italien s'y entend pour composer des scènes fascinantes dans ces décors enneigés. On ressent formidablement le froid, la morsure du vent, l'hostilité de ces territoires, après ceux écrasés par le soleil de l'Amérique.
Bien entendu, Checchetto joue sur la "suspension de crédulité" que réclament les comics de super-héros. A supposer que de nos jours, Barton a dans la trentaine (comme le suggère Kelly Thompson dans un post sur son blog au sujet de West Coast Avengers), alors quarante-cinq ans après, c'est un septuagénaire dans une forme physique encore étonnante, et Kate Bishop a la soixantaine fringante.
Mais Checchetto réussit malgré cela à vieillir suffisamment ses personnages pour que cela corresponde, à défaut d'être plus réaliste quand il s'agit de représenter leurs mouvements. Le tout dans des décors très détaillés (le village de Moonstone a quelque chose de médiéval, et elle en serait la sorcière d'un peuple de gueux lépreux).
Plus que deux numéros donc. Sans égaler Mister Miracle qu'il aura marqué à la culotte éditorialement, Old Man Hawkeye confirmera (ou pas) ses ambitions.
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