J'aimerai tant dire du bien de cette mini-série, mais plus j'avance dans cette histoire, plus je suis exaspéré par sa médiocrité. J'irai jusqu'au bout puisqu'il ne reste plus que deux épisodes, mais si la même scénariste, Margaret Stohl, reste aux commandes de la série régulière qui devrait être produite à la suite de The Life of Captain Marvel, c'est la cata. Heureusement, c'est bien dessiné... Mais c'est un maigre lot de consolation.
Alors qu'elle a accepté de faire un jogging avec son ami d'enfance, Louis, Carol se remémore une sortie en bateau avec ses parents et lui au cours duquel, prophétiquement, elle avait gagné le surnom de "Captain Shooting Star".
Profitant quelque peu de la confusion de sa partenaire de course, Louis attire Carol à lui pour l'embrasser en lui avouant en avoir toujours amoureux. Mais une sonnerie persistante distrait la jeune femme qui, inquiète, prend congé, tout en promettant à son ami que ce n'est que partie remise.
Dans la grange de leur maison, Carol trouve sa mère manipulant l'appareil qu'elle a trouvé dans les affaires de son père - et qui a attiré sur Terre une guerrière Kree, sans qu'elle le sache encore. Elle s'en débarrasse en le jetant dans la rivière. Puis, seule avec son frère, Carol se rappelle d'un épisode où ils avaient surpris leur père embrassant une autre femme.
En ville, un drone Kree provoque des dégâts et se sépare en plusieurs modules. Carol intervient pour sauver Louis de leurs tirs puis en déduit que sa famille est la prochaine cible. Elle s'envole en direction de sa maison et neutralise les modules.
Mais la guerrière Kree sort alors de l'eau et se présente, menaçante, devant chez les Danvers. Carol s'interpose devant sa mère qui, pourtant, assure qu'elle maîtrise la situation. En effet, la voilà revêtue d'une étonnante armure Kree qui déclare que la visiteuse est venue pour elle !
Avant de me fâcher sur le script, défendons ce qui peut l'être dans ce naufrage.
Bien que Marguerite Sauvage signe là ses dernières planches pour la mini-série (elle sera remplacée par Ursula d'Urso, mais Marvel n'a pas expliqué la raison de ce changement), elle se distingue encore par des flash-backs très élégants, qui réussissent à animer le passé de l'héroïne et ses proches dans un style délicat et expressif. J'espère vraiment que cette artiste rebondira sur un projet intéressant avec plus d'espace pour s'exprimer.
Carlos Pacheco continue de produire des pages de très bon niveau. Le dessinateur ibérique a longtemps perdu pied depuis sa rupture avec son encreur Jesus Merino (devenu dessinateur lui aussi, chez DC), et on lui a fourni des partenaires multiples et variés qui jamais ne convenait à son trait souple. C'est désormais réparé avec Rafael Fonteriz dont les finitions n'ont rien d'extraordinaire (au point d'être parfois "grignotées" par la couleur) mais qui respectent Pacheco, le servent avec humilité, l'embellissent, lui rendent sa fluidité.
Grâce à cet apport, Pacheco rend sa meilleure copie depuis des lustres. Et il apporte au récit la bonne distance, le plus souvent intimiste jusqu'à présent, ou avec plus de souffle quand, enfin, l'action devient plus présente. Par ailleurs, sa capacité à représenter une héroïne avec féminité sans l'hyper-sexualiser est très appréciable.
Voilà pour les bons points.
J'entends bien l'intention du projet de The Life of Captain Marvel, qui veut donner à Carol une origin story définitive. Mais le souci, c'est que nous sommes dans une mini-série en cinq épisodes, et qu'au terme de ce troisième, on en a davantage appris sur les parents Danvers que sur leur fille.
La narration choisie par Margaret Stohl est un autre point délicat. Je serai mal inspiré de dénigrer sa décompression, étant donné que j'apprécie des scénaristes qui la pratiquent volontiers (Bendis, Straczynski...). Mais lorsqu'on sent des longueurs persistantes dans un format de cinq chapitres, c'est quand même embêtant. Une mini-série présente le même défi que la nouvelle littéraire : elle doit être dense et rythmée, apporter un nombre conséquent d'informations et aboutir à des réponses claires et percutantes. En tout cas, à moins de donner dans le contemplatif, pas question de gagner du temps.
Or, c'est justement ce qui m'exaspère chez Stohl, cette impression qu'elle n'a pas assez de matière pour son propos ou qu'elle réserve la meilleure part pour la toute fin. Mais enfin, quel pourrait être ce rebondissement qui rendrait soudain l'affaire palpitante ? Le cliffhanger de cet épisode est certes surprenant, inattendu, mais aussi un peu grotesque (un peu comme si Tante May se présentait à Peter Parker avec un costume d'araignée, révélant ainsi que Spider-Man descend d'une lignée).
Surtout, tout cela intervient au terme d'un épisode encore une fois très insistant sur le psychodrame de Carol. On pouvait reprocher à Bendis de ne pas avoir rendu très sympathique Captain Marvel avec Civil War II en la décrivant comme une héroïne autoritaire (autoritariste même) et entêtée jusqu'au dérapage. Mais Stohl en fait une espèce de bécasse quasi-amnésique (ou en tout cas ayant refoulé beaucoup d'épisodes de son enfance) et qui redécouvre sa vie avec stupéfaction, entre un frère revêche (dont le rétablissement miracle vaut à lui seul son pesant de cacahuètes : le voilà désormais bien conscient, en chaise roulante, un bandeau autour du crâne) et une mère ne cessant d'avouer qu'elle s'est comportée comme ci ou comme ça pour préserver les apparences, garder sa famille unie. Carol gobe tout ça avec une naïveté déconcertante et une indulgence incroyable, ne s'énervant jamais (alors qu'elle a souvent été écrite comme une femme de caractère).
Enfin, The Life of Captain Marvel devait aussi prouver au passage que Carol était bien l'héroïne la plus puissante de la Terre. La première bande-annonce du film Captain Marvel, qui sortira au Printemps 2019, diffusée depuis une semaine, insiste d'ailleurs beaucoup là-dessus (avec aussi en ligne de mire le duel attendu contre Thanos dans Avengers 4). Mais la mini-série n'offre aucune scène d'action - tout juste ce mois-ci quelque drones Kree et l'apparition à Harpswell, Maine, de la guerrière bleue comme avant-goût ! C'est frustrant pour se faire une idée...
Quand on se rappelle les confidences de Kelly Sue DeConnick, auteur du meilleur run de Captain Marvel, ces dernières années, qui avait révélé l'indifférence totale de Marvel pour promouvoir le titre quand elle l'écrivait (l'obligeant à en faire la pub sur les réseaux sociaux par elle-même), ça laisse rêveur. A l'époque, la série bénéficiait d'une scénariste attachée au personnage (et qui avait mis le pied à l'étrier de sa jeune consoeur Kelly Thompson sur la fin) et d'un excellent dessinateur (David Lopez, depuis investi dans un creator-owned en ligne sur PanelSyndicate, le site de Brian K. Vaughan et Marcos Martin), pour des épisodes plein d'humour, d'action... Tout le contraire de cette mini ampoulée, lente, sans queue ni tête.
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