Le premier épisode de Pearl était très prometteur et prouvait que le duo Brian Michael Bendis-Michael Gaydos avait trouvé un moyen de ne pas se répéter après leur longue collaboration sur le titre Jessica Jones (quand bien même DC rappelle sur la couverture de ce numéro qu'il s'agit d'une série par les auteurs de JJ). Où vont-ils nous mener dans cette histoire de tatouage et de yakusa ?
Adolescente, Pearl Tanaka dessine dans un cahier. Sa mère demande à voir et, impressionnée, estime qu'elle est prête à être formée au métier de tatoueuse. Mais l'enthousiasme trop franc de la jeune fille oblige sa mère à réviser subitement son jugement.
Aujourd'hui. Pearl retrouve chez elle Rick Akari qu'elle a sauvé d'une fusillade entre deux gangs des triades. Il devine que son intervention lui a value des problèmes et se sent redevable à ce titre. Mais Pearl le congédie et lui demande de ne plus entrer en contact avec elle.
Autrefois. Pearl s'entraîne sur une banane à tatouer. Sa meilleure amie, Kimmy, est épatée et prête à se faire dessiner sur la peau. Mais encore une fois, la mère de Pearl s'y oppose, mettant en avant le trop jeune âge des intéressées.
Aujourd'hui. Mr. Kaï retrouve Pearl en compagnie de Kimmy et lui remet une liste. Il s'agit d'un moyen de payer ce qu'elle doit à Mr. Miike après avoir interféré lors de la fusillade l'autre soir. Kimmy pense d'abord que Kaï veut obliger Pearl à coucher avec des hommes avant de comprendre qu'elle doit tuer ceux dont le nom figure sur la liste.
Sa première cible n'est autre que Rick Akari. Il donne une fête à laquelle s'invite Pearl. Lorsqu'elle le repère dans la foule, elle dégaine un pistolet automatique et le vise...
Dans le premier épisode, Brian Michael Bendis nous plongeait dans un univers à la fois intense et suggéré, celui des triades chinoises de San Francisco. L'héroïne était rapidement impliquée dans un règlement de comptes, ce qui allait lui attirer des ennuis auprès d'un caïd : désormais, elle devrait s'acquitter d'une dette de sang et devenir un de ses bras armés.
Le scénariste donnait peu d'informations sur le passé des personnages, privilégiant une exposition rapide et percutante, à l'atmosphère inquiétante. L'originalité provenait du fait que Pearl et Rick, pris en tenaille dans cette fusillade, étaient des tatoueurs, et on pouvait deviner une romance inspirée de Roméo et Juilette.
Mais Bendis change de direction dans ce deuxième épisode. D'abord, il nous fournit beaucoup plus de détails sur la jeunesse de Pearl pour ensuite la confronter à son destin, de manière implacable. La jeune femme est ainsi décrite comme une artiste précoce mais dont la mère contrôle l'éducation avec beaucoup de sévérité. Plusieurs fois, elle loue les mérites de sa fille pour les freiner tout de suite après, ne la pensant pas prête à exercer le métier qu'elle-même pratique.
De façon allusive mais efficace, Pearl devient une figure réprimée, ce qui explique sa nature soumise et taciturne. Elle refuse ainsi la sollicitude affectueuse de Rick qui a compris qu'en le sauvant elle s'était attirée de graves ennuis. Il n'insiste d'ailleurs pas. Le père de Pearl apparaît comme une figure plus aimante et protectrice mais également bien impuissante : métisse, la jeune fille est à l'évidence plus bridée (sans jeu de mots) par sa mère. En revanche, Mr. Kaï apparaît comme un père de substitution pervers, félicitant la jeune fille pour son talent puis lui remettant une liste d'hommes à abattre avec le même sourire faussement bienveillant.
La douceur apparente, feutrée, qui régit les rapports entre les personnages est donc illusoire - d'ailleurs Kaï se charge de le rappeler à Pearl quand il lui explique que ses parents appartenaient à Mr. Miike avant même sa conception. Le dispositif est efficace.
Michael Gaydos expérimente beaucoup sur cette série : son trait se fait flottant, souple, fluide, dans les scènes en flash-backs, un beau trait de plume, expressif, aux couleurs délavées. Puis, au présent, ce sont des pages aux couleurs souvent monochromes, ou avec une teinte dominante (le bleu notamment). Le trait se fait plus net, acéré, le contour des cases est stricte (alors qu'il est tracé à main levée dans les flash-backs).
Pearl, adolescente, a un look décontracté qui marque son insouciance étouffée par sa mère : un bonnet informe, des cheveux décolorés. Jeune femme aujourd'hui, elle arbore une coupe au carré et son visage est plus impassible, fermé et mélancolique à la fois. L'image prolonge ce que le texte ne dit pas mais suggère. Les cheveux couleur platine de Pearl ressemble à un casque qui tranche dans les endroits où elle se trouve, dernière excentricité qu'elle s'autorise.
Lors de la dernière scène, quand elle s'incruste dans une fête chez Rick qu'elle a reçu pour ordre de tuer, Gaydos supprime les décors pour les remplacer par des onomatopées reproduites numériquement et signifiant la musique à un volume élevé qui règne dans l'endroit. Les couleurs du lettrage sont saturées (jaune, rouge, verte, bleue). Les cases isolent le visage de Pearl cherchant sa cible et on remarque alors que des tatoos apparaissent sur sa peau, comme une manifestation mystérieuse (de ses émotions ? d'un pouvoir caché ?). Ce détail (qu'on remarque aussi sur la couverture du numéro, et qui recouvre tout son corps) interroge et va certainement faire l'objet de développements futurs.
Pearl est donc un comic-book qui, malgré sa brièveté annoncée (six épisodes), n'a pas encore révélé tous ses charmes. Mais c'est déjà une BD envoûtante, superbement graphique, à l'écriture fortement ambiancée.
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