La couverture (superbe) de Chris Bachalo donne un aperçu à la fois trompeur et malicieux de la suite et fin de l'histoire écrite par Chip Zdarsky pour son pénultième épisode de Peter Parker : The Spectacular Spider-Man. Si le mois dernier, nous avions eu droit à un chapitre renversant de poésie et d'émotion, cette fois le grand spectacle s'invite plus volontiers mais le dénouement conserve une étrangeté poignante.
Flint Marko n'est plus. Il s'est littéralement dispersé aux quatre vents sur la plage de son enfance où l'avait emmené Spider-Man, le sachant mourant. Mais l'Homme-Sable est-il mort avec son alter ego ? Visiblement non puisqu'il resurgit près d'une fontaine dans le centre de New York où le Tisseur retrouve J. Jonah Jameson.
Spider-Man comprend rapidement, grâce à son ancien adversaire, que quelque chose cloche : l'Homme-Sable est possédé par l'esprit de son moi futur en provenance d'un univers parallèle - à l'origine des visions qu'il avait mentionnées précédemment. Le Tisseur, impuissant face à cette force déchaînée, appelle Johnny Storm à la rescousse.
Pendant que Marko se dédouble et se sert, avec son consentement, de Spider-Man, comme hôte, pour combattre son double, la Torche humaine et la Chose tentent de trouver une solution avec le robot H.E.R.B.I.E. en consultant le Multisect que leur a laissé Reed Richards.
La bataille s'est déplacée jusqu'à l'Hudson River, mais l'Homme-Sable du futur ne craint pas l'eau et prend l'avantage. Spider-Man se noie. Jusqu'à ce que Johnny Storm jette dans la rivière un appareil qui pulvérise le monstre et repêche le Tisseur.
Hospitalisé, Spider-Man s'en sort grâce à l'intervention de Jameson (qui a empêché les médecins de le démasquer). Cette fois, Flint Marko et son alter ego semblent avoir définitivement disparu. Mais, une fois Johnny Storm et J.J.J. partis, il réapparaît sous sa forme sableuse, la seule qu'il possède désormais, et interroge Spider-Man sur le fait d'être devenu immortel et la manière de ne pas devenir le monstre qu'ils ont combattu.
On s'en doutait un peu mais ce numéro le confirme : Chip Zdarsky n'a pas fait mieux que le précédent épisode, aussi bizarre que bouleversant, avec un cliffhanger d'une poésie absolue. Toutefois, il serait très exagéré de prétendre que le scénariste loupe son second acte (et son avant-dernier épisode sur cette série).
En vérité, ce diptyque résume bien les qualités et défauts de Zdarsky comme auteur (lui, qui, par ailleurs, comme dessinateur de Sex Criminals, est plus régulier et peut compter sur un scénariste chevronné avec Matt Fraction). D'un côté, il a de bonnes idées, vraiment originales, de l'humour, une capacité à surprendre et à prendre de la distance avec les codes des super-héros. Mais de l'autre, il démarre souvent si fort que c'est pratiquement impossible d'espérer qu'il conclut aussi bien, ses chutes sont moins intenses, son sens de la dérision désamorce les situations, et les problèmes se résolvent de façon trop providentielles.
Dans le cas présent, Spider-Man est incapable de maîtriser et vaincre l'Homme-Sable d'un futur alternatif qui tente de posséder Flint Marko. Au passage, Zdarsky, comme le souligne son editor dans une note à l'adresse des lecteurs, s'auto-cite et empêche à cette histoire d'avoir sa vie propre (il s'agit d'une référence à un arc précédent où Spidey effectuait un voyage dans le Multivers). Donc, le héros et son auteur ont recours à une aide extérieure (ici deux des Quatre Fantastiques - hasard malheureux du calendrier ou bévue éditoriale, l'épisode paraît en même temps que Fantastic Four #2 qui officialise enfin la réunion de l'équipe... Et rend donc caduc le duo Johnny Storm-Ben Grimm de Marvel Two-in-One qu'écrit Zdarsky - encore une autre auto-citation !).
Malgré ces écueils, la fin change drastiquement le statut de Flint Marko ou plutôt de l'Homme-Sable (puisqu'il n'existe plus désormais que sous cette forme), et la réflexion sur son immortalité (et la peur subséquente de devenir le monstre qu'il a vaincu) est troublante.
Par ailleurs, l'épisode bénéficie encore d'une prestation phénoménale de Chris Bachalo, dont ce fut le grand retour aux affaires. Ses planches dégagent une puissance visuelle incroyable, parfois aux limites de l'abstraction. C'est une vraie expérience qui distingue ces deux chapitres consécutifs.
Espérons maintenant que l'artiste rebondisse de plus belle sur un projet régulier (je l'aurai bien vu dessiner Guardians of the galaxy avant que l'annonce de la reprise par Donny Cates et Geoff Shaw soit officialisée). Quant à Zdarsky, dès Novembre prochain, son avenir chez Marvel sera plus clair.
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