Avec sa parution bimensuelle, Daredevil voit ses intrigues presque aussitôt bouclées alors qu'elles viennent de commencer. Le premier arc narratif de Charles Soule avec le dessinateur Phil Noto se clôt donc déjà sur une note à la fois toujours étonnante mais aussi un brin convenue.
Mike Murdock convainc Foggy Nelson de son identité et, sous la menace de son arme, exige qu'il téléphone à Matt, son "frère", pour qu'il empêche Daredevil et ses alliés (les Inhumains Frank McGee, Reader et le mutant Cypher) de continuer à le traquer pour l'éliminer.
Daredevil fait une entrée fracassante dans le bureau de Nelson. Aussi prompt, Mike prend ce dernier en otage et dissuade le justicier de le suivre et lui demande de communiquer un lieu de rendez-vous pour Matt Murdock, sans quoi il tuera Foggy.
En montant dans un taxi, Mike et Foggy sont reconnus par hasard par Bushwacker, un super-vilain, qui se met en tête de les éliminer pour gagner les faveurs du Caïd, prenant Mike pour Matt. Ils arrivent à le semer après l'avoir maîtrisé miraculeusement. Puis ils rejoignent Matt au lieu dit de leur rencontre. Foggy est relâché.
Sur le toit d'un immeuble voisin, les Inhumains Frank McGee et Reader (responsable de la création de Mike) se tiennent prêts à intervenir au signal de Matt. Mais celui-ci ne se manifeste pas et fait perdre patience à Reader. Lorsque Mike le voit arriver et le menacer, il le met en joue et dénonce une trahison de la part de Matt avant de fuir.
Mike obtient une audience avec Wilson Fisk à la Mairie où il dénonce les plans de Daredevil et de ses alliés pour révéler sa fraude électorale. Le Caïd congédie Mike. Mais, une fois dehors, sans autre plan, il est abordé par The Hood qui, à la demande de Fisk, le conduit ailleurs pour préparer des représailles contre DD.
Depuis le début de son run sur Daredevil, Charles Soule s'est montré constant quant à la durée de ses arcs narratifs, souvent brefs et nerveux. Cette forme lui permet d'entraîner le lecteur dans des aventures rapides où il n'a pas le temps de s'ennuyer et qui présente l'avantage de bousculer le héros, de le mettre constamment sous pression.
Le revers de la médaille, c'est qu'on a parfois (souvent) le sentiment que tout va un peu trop vite et que Soule gagnerait parfois à lever le pied pour ménager ses effets et développer certains points. C'est la faiblesse de son run : s'il a fait de Daredevil une série pleine d'action, il a échoué à redéfinir de manière originale, personnelle, le personnage principal (comme le fit avant lui Mark Waid en en faisant un homme niant de manière absurde ses souffrances jusqu'à ne plus pouvoir le supporter et faire son coming-out).
Toutefois, en introduisant de façon à la fois imprévisible et spectaculaire Mike Murdock, au départ une pure fiction de Matt Murdock, qui s'est incarnée accidentellement à cause du pouvoir d'un Inhumain, Soule avait l'occasion de corriger le tir. A condition de ne pas s'en servir comme d'une pirouette scénaristique.
Et il semble bien que Mike soit là pour un moment (même si la série devrait connaître un relaunch d'ici à la fin 2018 - un teaser dessiné par Bill Sienkiewicz, montrant Daredevil se démasquant dans un champ où se trouve Karen Page avec comme légende "The End ?", fait même un sacré buzz en ce moment). Ce rebondissement ajoute au piment dont Soule aime assaisonner la série, mais curieusement il la rend aussi plus prévisible à la fin de ce 608ème épisode, quand The Hood prend en charge le jumeau sur ordre du Caïd. Pas besoin d'être devin pour comprendre que Mike va endosser l'identité de Daredevil afin de compromettre le vrai Homme sans Peur... Alors que ce dernier s'emploie justement à révéler comment Fisk a truqué les élections municipales.
En attendant de savoir qui gagnera à ce "je te tiens, tu me tiens par les cornes du diable", on s'accordera sur les dessins de Phil Noto qui a trouvé ses marques en un temps record. L'artiste enchaîne les épisodes, dont il assume crayonnés, encrage et colorisation, à un rythme confondant. Si le traitement des décors trahit le recours à l'informatique, la narration graphique est nerveuse, sans fioritures.
Comme Noto a un style passe-partout mais efficace, cette intrigue avec des jumeaux, cette histoire où chaque partie adverse travaille à noyer l'autre, lui conviennent parfaitement. Mike et Matt sont indiscernables à première vue. Et les scènes d'action bénéficient d'un découpage raisonnable qui privilégie la lisibilité au grand spectacle (même si quelques péripéties sont dispensables, comme l'attaque opportune de Bushwacker).
Charles Soule a promis un imminent coup de théâtre qui fera beaucoup parler (et devrait, logiquement, clore le volume en cours avant une relance au numéro 1 de la série). Tout est en place. La suite s'écrira-t-elle toujours avec lui ? Nul ne sait. Mais il ne serait pas injuste que Marvel laisse le scénariste poursuivre (à moins d'avoir prévu un remplaçant plus prestigieux et accrocheur).
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