Qu'attendre de celui qui réalisa Jurassic World si ce n'est qu'il s'affirme comme un cinéaste compétent pour autre chose que réaliser l'énième épisode d'une franchise ? Réponse avec The Book of Henry où Colin Trevorrow ne fait pas que prouver qu'il sait filmer autre chose que des histoires avec des dinosaures mais, en l'occurrence, un long métrage aussi maîtrisé qu'atypique, mix étonnant entre mélodrame et polar, récit initiatique et hommage à Fenêtre sur cour.
La famille Carpenter : Peter, Henry et leur mère, Susan
(Jacob Tremblay, Jaeden Lieberher et Naomi Watts)
Susan Carpenter élève seule ses deux fils, dont l'aîné, Henry, est surdoué mais scolarisé normalement. Il veille sur son cadet, le timide Peter, tout en n'osant avouer son amour à Christina, sa camarade de classe.
Henry
C'est que Henry veut protéger la jeune fille, qui habite la maison à côté de la sienne, car il est convaincu qu'elle subit de mauvais traitements de son père, Glenn Sickleman, le chef de la police. Résolu à régler ce problème seul, il n'en parle pas à sa mère, serveuse dans un dinner, qui lui délègue par ailleurs la gestion de divers boursicotages grâce auxquels il lui fait gagner une fortune en espérant qu'elle lâche son travail pour reprendre son activité d'illustratrice de livres pour enfants.
Susan
Henry consigne dans un livre rouge diverses notes, un plan pour piéger et neutraliser Dean Sickleman, tout en se servant de son frère, Peter, lors de repérages. Il fait aussi promettre à ce dernier de transmettre ce cahier à leur mère si un malheur lui arrivait...
Le livre de Henry
Henry ne craint pas tant que le commissaire s'en prenne à lui que des maux de têtes fréquents dont il est atteint et qu'il cache à ses proches. Jusqu'à une nuit où, pris de convulsions, il doit être hospitalisé. Un neurologue établit un diagnostic rapide et terrible : Henry a une tumeur au cerveau et elle est inopérable. Peu de temps après, il meurt dans les bras de sa mère, dévastée, laissant son frère inconsolable.
La voix de Henry depuis l'au-delà guide sa mère
Les semaines passent. Peter se rappelle alors du livre de son frère et, comme promis, le remet à sa mère qui découvre alors la situation de Christina et le projet de Henry de se débarrasser de son père. Suivant les consignes de son fils à la fois pour respecter ses volontés et soulager la fillette, elle entreprend d'éliminer le policier.
Christina Sickleman (Maddie Ziegler)
Après s'être procurée une arme et s'être entraînée, Susan décide de profiter de la fête de l'école comme alibi pour assassiner Glenn Sickleman. Mais après l'avoir attiré dans la forêt pour le tuer, elle refuse finalement d'accomplir un meurtre et préfère défier son ennemi en le menaçant de révéler qui il est et ce qu'il fait au FBI et à la presse.
Glenn Sickleman et Susan Carpenter (Dean Norris et Naomi Watts)
Pourtant, même cela, Henry l'avait anticipé et justice sera faîte malgré tout, en tout légalité...
Le scénario de Gregg Hurwitz est déroutant et on sort du film déboussolé par le mélange des genres, les ruptures de ton qu'il a proposés. Le premier acte ressemble à une chronique familiale où Henry fait figure d'épice puisqu'il est surdoué. Sa conviction que sa voisine est maltraitée laisse pourtant dubitatif puisque, volontairement, Colin Trevorrow ne montre pas les violences infligées à Christina, préférant les suggérer. Tout cela ne serait-il pas une fiction imaginée par ce jeune garçon qui consigne tout dans son livre rouge comme on établit le plan d'une histoire.
Cette partie est excellente, on ne sait pas quoi penser, c'est très accrocheur, et émaillé de scènes émouvantes très sobres (dont l'une, superbe, où on peut apprécier le joli brin de voix de Naomi Watts, par ailleurs magnifique de sensibilité).
Puis le deuxième acte bascule sans prévenir dans le pur mélodrame : la maladie de Henry et sa mort rapide ébranlent le spectateur, de manière d'autant plus percutante que le réalisateur fait preuve encore une fois de beaucoup de pudeur. La scène même où le garçon expire dans les bras de sa mère vous noue la gorge sans effet facile. La musique, très belle, de Michael Giacchino se tait même pour ne pas en rajouter.
On pense alors que le troisième acte va développer le deuil, et pendant quelques scènes, finement mises en scène, on voit effectivement l'impact cruel de la mort d'un enfant, l'attitude de la mère à la fois dévastée et qui doit malgré tout se redresser pour son autre fils. Jusqu'à ce que Peter se souvienne du cahier de son frère : le film bascule alors dans un surprenant thriller mais aussi une réflexion sur la vengeance et la justice.
On peut alors craindre que le sujet ne glisse dans le grand n'importe quoi avec un règlement de comptes expéditif, d'autant plus périlleux qu'on ne sait toujours pas avec certitude si Henry a imaginé ou vraiment découvert les mauvais traitements de Christina. Mais, une fois encore, le dénouement prend tout le monde à contre-pied, imposant une solution implacable mais intelligemment amenée. Plus qu'une résolution sommaire, c'est une reconstruction qui est permise pour Susan, son fils et leur petite voisine : le happy end est acceptable grâce à cela.
Trevorrow raconte cela avec une authentique élégance, menant l'intrigue sur un rythme soutenu mais sans jamais sacrifier ses personnages, ce qu'ils traversent. Il a pu s'appuyer sur de jeunes interprètes extraordinaires avec Jaeden Lieberher (remarqué dans le fabuleux Midnight Special de Jeff Nichols), Jacob Tremblay (révélé dans le formidable Room de Lenny Abrahamson) et Maddie Ziegler (jeune danseuse vue dans plusieurs clips de la chanteuse Sia et dont c'est ici le premier rôle). Ces trois gamins ne jouent jamais comme des singes savants et donnent au film sa tenue, sentimentale mais jamais mièvre.
Une sorte de polar familial digne et palpitant : voilà la formule peu commune de ce Book of Henry, une pépite hautement recommandable.
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