lundi 25 septembre 2017

BATMAN, VOLUME 05 : ZERO YEAR - DARK CITY, de Scott Snyder et Greg Capullo


Après avoir traité des épisodes 21 à 26 de l'arc Zero Year - Secret City, abordons à présent la suite et fin de cette histoire avec les chapitres 27 à 33 sous titrés Dark City.


Tandis que le Sphinx pirate le réseau électrique de Gotham menacée en outre par un ouragan, Batman s'échine à l'en empêcher mais il doit pour cela échapper aux forces de polices lancées à ses trousses par le commissaire Loeb, jaloux de la popularité grandissante du justicier auprès de la population. Ce dernier reçoit alors le renfort inattendu de James Gordon, qui s'avère n'être pas, comme il le soupçonnait, un énième flic ripou depuis son enfance mais qui a saisi la nécessité d'une alliance face à la catastrophe annoncée.


Batman sait que le Sphinx a prévu son échec et, pour l'éviter, dispose d'un atout en la présence de Karl Helfern, un scientifique qui travailla pour les entreprises Wayne avant de tester ses produits sur lui et se transformer littéralement en monstre. Grâce à ses découvertes, il a fourni une arme supplémentaire à Edward Nygma : un poison fumigène dispersé au besoin depuis des dirigeables au-dessus de Gotham. En tentant de neutraliser le renommé "Dr. La Mort", Batman ne peut brouiller la machinerie mise en marche par le Sphinx et assiste impuissant au black-out de la ville que l'ouragan vient submerger. 


Lorsqu'il reprend connaissance plusieurs semaines (mois ?) après, Bruce Wayne découvre Gotham transformée et sous le joug du Sphinx qui l'a coupée du reste du pays, empêchant qu'on y entre ou en sorte. Il a en outre promis de rendre la cité à ses habitants si l'un d'eux lui posait une énigme qu'il ne réussirait pas à résoudre. Mais le lieutenant Gordon fait de la résistance, bientôt rejoint par un commando des forces spéciales infiltrées et de Batman : tous ensemble, ils se liguent pour couper le système de surveillance et de répression du Sphinx et trouver où il se cache. Ceci fait, c'est l'heure de l'explication entre le dark knight et son ennemi mais la lutte qui les oppose obligera le premier à se servir autant de ses méninges que de ses muscles... Et décidera du futur de Bruce Wayne comme simple affairiste philanthrope ou protecteur de Gotham.

Avec ce second acte, Greg Snyder entre vraiment dans le vif du sujet et orchestre une spectaculaire lutte entre Batman et le Sphinx. On reconnait là à la fois la qualité et le défaut majeurs de ses scripts : un arc trop long (plus de dix épisodes quand même) avec un "ventre mou" et, c'est selon, soit un début, soit une fin plus percutants. L'An Zéro permet de vérifier tout cela, qui met longtemps à décoller, s'enlise un peu avec l'introduction d'un vilain intermédiaire, puis, ici, aboutit à une dernière ligne énergique.

Le scénariste se montre adroit quand il s'agit de révéler les connections, parfois anciennes, entre le héros et ses ennemis, et de ce point de vue, le lien qui unit le Dr. La Mort à Batman est amené et développé de manière étonnante. L'apparence horrible de ce savant fou permet à Greg Capullo de se déchaîner, en se rappelant certainement du temps où il travailla sur les créations de Todd McFarlane, Spawn, ou de Robert Kirkman, The Haunt, où l'épouvante côtoyait les codes super-héroïques classiques (avec, dans les deux cas, une référence appuyée à Spider-Man).

L'apocalypse qui s'abat sur Gotham est restituée avec toute la démesure exigée, et, le temps d'une pleine page (voir-ci-dessus), Capullo se fend d'un bel hommage à The Dark Knight de Frank Miller et Klaus Janson (Batman, en contre-jour, exécutant un saut tandis qu'un éclair zèbre le ciel).

Puis Dark City débute vraiment quand Bruce Wayne (dont les circonstances dans lesquelles il a été repêché après le passage du cyclone et hébergé-soigné sont totalement escamotées !) découvre, aussi stupéfait que le lecteur, la Gotham sur laquelle règne désormais le Sphinx. La colorisation, à la palette toujours étonnamment acidulée (avec des dominantes de vert, de rose, mêlées au marron et au gris) de FCO Plascencia, contribue beaucoup à l'ambiance d'étrangeté de cette séquence où la cité paraît presque hospitalière (si on excepte bien sûr le joug de Edward Nygma et ses jeux du cirque promis à quiconque ose le défier). Il est rapidement dit que la végétation galopante provient des recherches de Pamela Isley, autrement dît la future Poison Ivy (méchante que n'utilisera pourtant jamais Snyder durant son run... Mais qu'il a convoqué sur sa série actuelle, All-Star Batman).

La suite et fin est un efficace jeu du chat et de la souris où une poignée de résistants, conduit par Batman, va tenter de neutraliser le Sphinx. Snyder instille un suspense classique mais solide, avec une menace supplémentaire (l'armée américaine risque de bombarder Gotham pour la libérer). Jusqu'au final attendu mais, je dois l'avouer, bluffant.

Une des singularités de Batman vient du fait qu'il n'a pas de super-pouvoirs : c'est un détective (dont on peut voir ici les tâtonnements et les échecs répétés) et surtout un stratège, volontiers paranoïaque (ce trait aboutira, lorsque Grant Morrison écrivit ses aventures à l'über-Batman, qui se méfie de tout, tout le monde et prévoit tout, surtout le pire, même à tort). De fait, il n'est guère aimable, et sa jeunesse, dans ces épisodes, n'arrange guère son portrait où il est présenté comme arrogant, têtu, ingrat, péremptoire. Lorsque, enfin, il est face au Sphinx, on est en droit d'attendre davantage qu'une simple baston et Snyder ne déçoit pas : le duel est autant cérébral que physique (la bagarre est d'ailleurs rapidement expédiée puisque Nygma n'est pas physiquement dangereux contre un athlète comme le dark knight).

En somme, cette re-lecture des origines de Batman ne fait définitivement pas oublier le magnum opus de Miller et Mazzucchelli. On peut même juger l'entreprise superflu, longuette... Mais pas sans panache. Snyder peut remercier Capullo pour ses découpages fabuleux, son trait si dynamique, et compter sur son final inspiré. Il ne lui reste plus qu'à apprendre la concision et nul doute alors qu'il aura franchi l'étape qui distingue le bon scénariste de l'excellent auteur (mais, au vu de ses récentes productions, ça n'a pas l'air d'être encore au programme...).

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