lundi 18 septembre 2017

BEFORE WE GO, de Chris Evans


Il y a quelque semaines, je vous avais parlé, en avant-première, du film Mary de Marc Webb (qui est en salles depuis Mercredi dernier), avec Chris Evans. L'interprète de Captain America y brillait dans une composition subtile pour cette production beaucoup plus modeste que les opus des studios Marvel. Before We Go permet de vérifier le talent de cet acteur dans ce qui est aussi son premier passage derrière la caméra pour un long métrage réalisé il y a trois ans mais qui n'a jamais connu les honneurs d'une sortie en salles chez nous (il est disponible en streaming et en VOD).

 Nick (Chris Evans)

Nick joue de la trompette dans le hall de la gare de Grand Central à New York juste avant la fermeture de l'endroit pour la nuit lorsqu'il aperçoit une jeune femme manquant le dernier train. Ayant cassé son téléphone portable en courant, elle le récupère grâce au musicien qui lui demande s'il peut l'aider de quelque manière que ce soit.

Brooke (Alice Eve)

C'est le début d'une longue nuit d'errance dans la "Grosse Pomme" pour le couple. Pourquoi Brooke était-elle si pressée de rentrer chez elle ? Nick va apprendre qu'elle est mariée à un homme infidèle à qui elle a laissé chez eux une lettre de rupture avec son alliance. Mais, à présent, elle regrette son geste et espérait rentrer à la maison avant le matin et l'arrivée de son époux pour détruire sa missive.

Nick et Brooke

Malheureusement, elle est sans le sou car on lui a volé son sac à main dans un bar avant qu'elle n'aille à la gare. Nick essaie de convaincre un taxi de la conduire à destination, puis de récupérer son sac chez des receleurs (dont le barman leur a donnés l'adresse). Mais à son tour la jeune femme se demande pourquoi Nick veut l'aider, comme s'il voulait à tout prix éviter de se rendre ailleurs...

"C'est toi dans le futur."

Invité à une fête, Nick veut surtout éviter d'y aller car son ex, avec laquelle il espère/craint de renouer, s'y trouvera. Il vérifiera d'ailleurs que c'est le cas mais qu'en plus elle est accompagné de son nouveau compagnon dont elle attend un enfant. Et puis Nick doit passer une audition avec un jazzman réputé au matin sans être convaincu de son talent.

Nick et Brooke

Les heures passent et Nick et Brooke constatent la similitude de leur situation : ils fuient tous deux leur passé, tout en essayant de ne pas avoir de regrets - à commencer par celui, peut-être, de s'être, eux, trouvés... A l'aube, ils se séparent sur le quai de la gare. Avec le projet de se revoir ?

D'abord, une anecdote : hier, j'écoutais sur Europe 1 l'émission "Un Dimanche de cinéma" (de 15 à 16 h.) lorsque, à la fin, une séquence, "L'avis des autres", est lancée. Trois critiques se joignent à l'animateur pour donner coups de coeur et coups de griffe sur trois sorties en salles. Parmi les films sélectionnés, Mary de Marc Webb avec Chris Evans se fait éreinter par les trois experts qui dénoncent une tentative maladroite pour un acteur connu pour jouer un super-héros de s'offrir une production indépendante afin de prouver son talent (comprendre : évidemment, il n'en faut aucun pour jouer un super-héros...).

Outre le mépris de cette analyse (enfin... "analyse" est ici un bien grand mot pour qualifier l'exercice qui consiste à encenser ou démonter un film en quelques minutes, avec des arguments aussi minables), on assiste là à un bel exemple de tartuferie puisque ces soi-disant spécialistes du 7ème art n'ont à l'évidence qu'une connaissance très réduite de la carrière de Chris Evans et n'ont pas dû voir Before We Go, qui était déjà un long métrage à petit budget et l'expression d'un comédien qui n'a jamais caché son intention de passer derrière la caméra au lieu de s'éterniser devant pour jouer des super-héros.

Par ailleurs, depuis (au moins) Clint Eastwood, il est fréquent désormais que des comédiens acquérant une certaine notoriété grâce à des blockbusters de devenir réalisateur pour des histoires intimistes qui ne seraient pas financées sans leur côte sur la marché. 

Le sujet de ce premier opus indique bien le peu de moyens dont Evans a disposé mais cette "pauvreté" sert son propos : cette variation sur le thème de la "brève rencontre" a l'intelligence de ne pas s'égarer en fausses pistes, elle suit ses deux personnages sans jamais les lâcher le temps d'une nuit. Et pourtant, ce qui ressemble au départ à une énième "rom-com" (comédie romantique) déjoue les attentes : à part un bref baiser, les deux égarés ne vivront pas le grand amour et ne rentreront pas au matin ensemble.

Le scénario, écrit (principalement) par Ron Bass (auteur entre autres du script de Rain Man, Barry Levinson, 1988), parle de deux individus éprouvés par une histoire amoureuse : Nick a cru que l'élue de son coeur autrefois serait prête à tout lâcher pour vivre avec lui alors qu'il abandonnait ses études de médecine pour se consacrer à sa passion pour la musique, Brooke a découvert que son mari la trompait depuis des mois et a voulu le quitter par une lettre pleine de ressentiments avant de regretter son geste. En se rencontrant, ils vont s'entraider et essayer d'échapper à leurs regrets, à réparer leurs erreurs : Nick s'échine à trouver un moyen pour que Brooke rentre chez elle avant que son époux n'y arrive et ne découvre la missive qu'elle lui a adressé, Brooke entraîne Nick à tenter de nouveau sa chance avec son ex mais aussi à se faire confiance pour l'audition qu'il doit passer. La narration, sensible, déroule ce mince prétexte durant 90 minutes filmées avec finesse et élégance.

Bien entendu, on peut entrer dans cette histoire avec un sourire ironique : Chris Evans a bien de la chance de tomber sur la superbe Alice Eve et cette dernière d'être accompagné par ce séduisant gentleman. Aurait-il aussi prévenant avec une jeune femme au physique quelconque ? Aurait-elle accordé sa confiance à un mec plus moyen ? Mais cette réserve s'efface devant la sobriété du jeu des deux partenaires et l'émotion touchante qu'ils communiquent, qui ne sombre jamais dans la mièvrerie, et dont la fin, positive, n'assure pourtant rien.

"Avant qu'on se quitte" (comme on pourrait traduire le titre original) est un joli film tout simplement, pas le "caprice" d'une star célébré pour ses grosses productions, mais bien un coup d'essai prometteur comme réalisateur et qui confirme l'intention de Chris Evans d'explorer d'autres univers que celui des sauveurs du monde en costumes. 

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