Len Wein par Bill Sienkiewicz
Len Wein n'est peut-être pas un nom qui parlera immédiatement à beaucoup et pourtant, à sa manière, il a bouleversé le paysage des comics en créant deux personnages iconiques.
Chez Marvel, il imagina en effet, avec Herb Trimpe et John Romita Sr., Wolverine, apparu pour la première fois dans une aventure de Hulk, donc avant d'être intégré aux All-New, All-Different X-Men en 1975 - soit la deuxième génération de X-Men, comptant dans leurs rangs Storm, Nightcrawler, Colossus, Banshee, Thunderbird, aux côtés des "anciens" Cyclops et Jean Grey/Marvel Girl/Phoenix. Songez à ce que serait Marvel sans Wolverine et vous mesurerez l'importance de Len Wein. Même s'il a confié les rênes de la série Uncanny X-Men à Chris Claremont et Dave Cockrum (qui bâtirent l'équipe à ses côtés), c'est lui qui a permis aux mutants de renaître.
Chez DC, il inventa Swamp Thing avec le dessinateur Bernie Wrightson (également disparu cet été). Au début des années 70, le Comics Code lâchait progressivement la bride sur les éditeurs et leurs créateurs, et dans les pages de House of Secrets, une anthologie dédiée à des récits d'épouvante et de fantastique, Len Wein créa ce personnage atypique, qu'il remodela ensuite dans sa série régulière, jusqu'à ce qu'un certain Alan Moore le peaufina lors d'un run mythique.
Ses relations avec le génie anglais ne furent pas paisibles durant la publication de Watchmen dont Wein fut le premier editor (le directeur artistique en quelque sorte) en 1986. Il supervisa la série comme New Teen Titans, écrit par son ami Marv Wolfman et dessiné par George Pérez.
Tout ça forme quand même un sacré tableau de chasse. Dans le milieu, cela aurait suffi à en faire une légende mais tous ceux qui, depuis sa disparition, ont témoigné leur émotion soulignent aussi, surtout, la bienveillance et la simplicité de Len Wein. Autant de qualités qui suffisent à estimer la grande perte de ce bâtisseur des comics modernes.
Parmi les hommages publiés sur le Net, l'un m'a particulièrement touché et j'ai voulu le traduire : il s'agit de celui écrit par le scénariste Gerry Conway.
"Mon ami Len Wein est parti.
Je connaissais Len depuis que mes quatorze ans. Plus d'un demi-siècle. Il était plus qu'une partie de ma vie - comme un membre de ma famille. Je le considérais comme un frère, et je l'aimais comme un frère - avec les mêmes émotions complexes que celle d'une fraternité. Nous fûmes amis, rivaux, collaborateurs, voisins, acolytes au sein d'une génération qui voulait remplacer la vieille garde, nous étions des fans, de jeunes loups. A certaines périodes nous étions très intimes, à d'autres nous étions presque ennemis. Chacun blessait l'autre, chacun aidait l'autre. Nous avons eu des hauts et des bas, et nous sommes restés tour à tour ensemble et séparés. Mais il a toujours été là, quelqu'un sur lequel je pouvais compter, que j'essayais de motiver, un homme que j'aimais, admirais, enviais, et respectais.
Maintenant il est parti. Et il y a un vide dans ma vie. Je savais que ça arriverait - quiconque a passé du temps avec Len ces dernières années le savait - mais ça reste un choc. Le monde ressemble à une plaie béante. J'ai lutté contre les larmes durant cette dernière heure. Je comprends maintenant ce que veut dire "être privé de quelque chose". Je suis privé de lui.
Mes pensées vont à [sa femme] Christine. Aucun autre homme que Len n'aurait pu avoir une partenaire aussi aimante et forte que Christine. Je suis émerveillé par sa force, sa volonté, son amour. Elle a été une combattante redoutable à ses côtés. Len était chanceux de l'avoir avec lui depuis tant d'années, et spécialement ces dernières années.
Mon ami est parti.
J'ai le coeur brisé."
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