ANT-MAN : SECOND-CHANCE MAN rassemble les épisodes 1 à 5 de la série, écrits par Nick Spencer et dessinés par Ramon Rosanas, publiés en 2015 par Marvel Comics.
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Scott Lang dans le costume de Ant-Man, que lui a légué l'inventeur Hank Pym, s'introduit par effraction dans un appartement de luxe pour y commettre un vol. Il se souvient alors de l'entretien d'embauche raté qu'il a passé quelque temps auparavant auprès du directeur des relations humaines de la compagnie de Tony Stark. Il avait été recalé ce dernier après avoir commis une série de gaffes et s'être un peu trop confessé sur son passé de cambrioleur. Aujourd'hui, pour prouver sa valeur, il réussit donc à s'infiltrer dans la chambre forte où est gardé le casque de Iron Man.
Malgré ce coup d'éclat, Scott Lang comprend qu'il doit, pour rebondir, s'imposer ailleurs. Il déménage donc à Miami où se trouve son ex-femme, Peggy, et leur fille, Cassie (qui fut membre des Jeunes Vengeurs sous l'alias de Stature, mais qui a perdu ses pouvoirs depuis).
En Floride, Ant-Man décide d'ouvrir une agence via laquelle il proposera ses services comme agent de sécurité en mettant en avant que seul un malfrat repenti connaît bien les méthodes de ses ex-semblables. C'est ainsi qu'il va affronter Grizzly avant de découvrir qu'il s'agit d'Eric O'Grady, ancien Ant-Man lui aussi, et lui proposer de travailler à ses côtés...
J'avais acheté, lors de sa traduction en français par Panini Comics, le premier numéro de la revue consacrée à cette nouvelle version de Ant-Man quand l'éditeur voulut profiter de l'adaptation cinématographique (une initiative aussi opportuniste que mal calculée puisque aujourd'hui ce mensuel ne paraît plus, après seulement trois numéros !). Néanmoins, même si à l'époque j'avais rapidement lâché l'affaire, convaincu qu'elle serait vite achevée et aussi parce que je n'étais plus guère motivé par les comics de super-héros, j'en conservais un agréable souvenir et me promettais dès que possible d'acquérir le recueil des cinq épisodes de cette série avant son relaunch prévisible au terme de la saga Secret Wars. Il m'a juste fallu un an avant de concrétiser ce projet...
Mais qu'importe si le compte y est, et il y est ! Il est évident, comme ça l'était déjà en 2015, que cette série a été élaborée parce qu'il y a eu le film de Peyton Reed avec Paul Rudd. Pourtant, on aurait mauvaise grâce à s'en plaindre car le résultat est de qualité et la première bonne idée de Marvel a été de confier le projet au scénariste Nick Spencer, auteur inégal mais à son avantage dans un registre distancié avec le genre : de ce point de vue, Ant-Man est un des "rejetons" du Hawkeye de Matt Fraction et David Aja, une version décalée d'un super-héros selon les canons en vigueur, avec un ton humoristique mais sans négliger l'action et une intrigue solide - tous les ingrédients qu'on trouvait aussi dans Superior Foes of Spider-Man de Nick Spencer et Steve Lieber.
Le traitement est habile mais peut déconcerter. Cependant, une fois qu'on en a accepté le parti pris, c'est un régal : Scott Lang y est décrit comme un loser - sans emploi, divorcé (et en mauvais termes avec son ex), il réside dans un appartement minable (dont la nature véritable recèle une surprise jubilatoire que je vous laisse découvrir). Dans la scène d'entretien pour intégrer le personnel de Tony Stark, il se montre d'une nullité pathétique.
Mais c'est justement en posant les bases d'un héros aussi improbable que Spencer gagne l'adhésion du lecteur en quête d'autre chose qu'une production ordinaire à base d'action spectaculaires et d'un minimum de tourment moral. En effet, s'il est conscient de partir de (très) loi, ce Ant-Man est aussi un optimiste pugnace et débrouillard, qui compense ses limites (psychologique et physique) par beaucoup de volonté et d'humanité.
Le scénariste ne l'envoie pas contre des adversaires démesurés pour souligner sa tendance à se féliciter de chaque victoire. Mieux même : Scott Lang sait faire preuve d'auto-dérision et reconnaît que la route sur laquelle il s'est engagé sera longue et éprouvante. Si donc on peut être dérouté par le degré des menaces peu élevé, on apprécie aussi de suivre un personnage dont le caractère est simple à estimer, admirant son courage et sa démarche humble.
Nick Spencer profite du titre pour utiliser à nouveau des seconds rôles présents dans Superior Foes of Spider-Man, comme la nouvelle version de Beetle (Janice Lincoln), pour qui Scott Lang a le béguin tout en s'en voulant d'être attiré par cette bad girl. On vibre aussi quand Ant-Man manque de se faire écraser sous le pied d'un autre personnage où lorsqu'on le voit dans la ligne de mire du sinistre Taskmaster. L'alliance avec Grizzly est aussi savoureuse, d'abord parce que Eric O'Grady a aussi endossé un temps l'identité d'Ant-Man (dans la série The Irredeemable Ant-Man de Robert Kirkman et Phil Hester ou Secret Avengers de Ed Brubaker et Mike Deodato), ensuite parce que ce vilain en costume d'ours est une vision comique imparable.
Le scénariste prend aussi le temps de bien situer l'historique du personnage et s'en sert pour alimenter les péripéties des épisodes 2 à 5, l'occasion au passage de rappeler les aspects les plus farfelus de la carrière du héros (mort, ressuscité, sa fille tuée puis ramenée à la vie !).
L'autre atout de cette série est de bénéficier d'un unique dessinateur, qui a l'opportunité de révéler son talent : l'espagnol Ramon Rosanas évolue dans un style réaliste et élégant, ses pages sont découpées de manière classique mais en exploitant intelligemment les pouvoirs du héros, et le soin apporté aux détails des décors est notable (même si l'artiste utilise visiblement un logiciel lui permettant de "plaquer" les éléments d'arrière-plan car le rendu est très droit, très propre, sans personnalité).
Le regard est donc suffisamment nourri sans être saturé d'informations visuelles, avec une moyenne de six cases par page, et une colorisation (de Will Quintana) sobre mais bien nuancée. En prime, on a droit à des couvertures très inventives, en couleurs directes, de Mark Brooks (et une collection de variant covers de choix, par Chris Samnee ou Cliff Chiang par exemple).
Rosanas est aussi excellent pour rendre les personnages expressifs, possédant chacun une gestuelle propre et éloquente, et respectant les différents âges de seconds rôles aussi divers que la doyenne Mary Morgenstern ou de l'adolescente Cassie Lang.
Le résultat aboutit donc à une série très satisfaisante mais surtout avec une identité narrative et graphique très efficace : en cinq épisodes, Spencer et Rosanas arrivent à donner à Scott Lang un réel intérêt avec un humour ironique et une qualité visuelle incontestable. L'essayer, c'est l'adopter !
(Et même Panini Comics a su en tirer un bon enseignement puisque vient de sortir, dans la relance de la revue bimestrielle "Marvel Saga", les six premiers épisodes des nouvelles aventures du désormais Astonishing Ant-Man.)
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