LA FLECHE ET LE FLAMBEAU (en v.o. : The Flame and the Arrow) est un film réalisé par Jacques Tourneur, sorti en salles en 1950.
Le scénario est écrit par Waldo Salt. La photographie est signée Ernest Haller.
Dans les rôles principaux, on trouve : Burt Lancaster (Dardo), Virginia Mayo (Anne de Hesse), Nick Cravat (Piccolo), Frank Allenby (Ulrich de Hesse).
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XIIème siècle. Dardo est un montagnard vivant dans la région de Lombardie (en Italie). Archer émérite, il élève seul son fils unique en lui enseignant à quel point il est précieux d'être un homme libre. Il va avoir très vite l'occasion d'éprouver cette morale...
Dardo et son fils
(Burt Lancaster)
En effet, de retour d'une partie de chasse, Dardo découvre que son village est sous le joug de "l'aigle allemand", Ulrich de Hesse, qui règne en tyran sur cette région qu'il a conquise. Il arrive, accompagné de l'ex-compagne de Dardo, qui est désormais sa femme, venue réclamer la garde de son fils.
Dardo s'enfuit mais, blessé, il ne peut empêcher son fils d'être emmené.
Anne de Hesse
(Virginia Mayo)
Le petit garçon est initié aux manières de la cour, tandis que son père se rétablit, déterminé à se venger. Pour cela, il capture, alors qu'elle chevauche dans les montagnes, Anne de Hesse, la soeur de Ulrich, dont il compte négocier la libération.
Piccolo et Anne
(Nick Cravat et Virginia Mayo)
Anne essaie d'abord de s'échapper en embobinant les alliés de Dardo, comme Piccolo, muet mais pas sourd et surtout d'une loyauté indéfectible. Ce dernier va transmettre une offre d'échange à Ulrich : sa soeur contre le fils de Dardo. Mais cette proposition est refusée.
La situation s'envenime jusqu'à ce qu'un prêtre, ami de Dardo, confondu, est condamné à la pendaison. Dardo se livre et prend sa place sur la potence, mais ses complices sont dans la place et simulent son exécution.
Alors qu'ils préparent une attaque le lendemain matin, les montagnards apprennent par Anne de Hesse que leur plan est éventé et ils décident de lancer leur assaut dès cette nuit-là. Au terme d'une bataille épique, Dardo récupérera-t-il son fils et reconnaîtra-t-il les sentiments qu'il éprouve pour Anne comme elle pour lui ?
Grand styliste, héritier d'une élégance "française", Jacques Tourneur a su dépasser en prestige son père, lui-même cinéaste, Maurice, en s'exilant à Hollywood au milieu des années 30. Il y accomplira une très belle carrière jalonnée de belles réussites.
Habitué à gérer de petits budgets dès son engagement à la MGM, il sera remarqué en 1942 en signant un film d'épouvante mémorable, La Féline, en 1942, où son génie pour suggérer les éléments fantastiques et horrifiques, grâce un travail extraordinaire sur la lumière et le son, éclatera. Cela deviendra alors sa marque de fabrique.
De caractère modeste mais consciencieux, véritable esthète, il brille aussi bien dans le film noir, comme La Griffe du passé en 1947, que le western, comme Le Passage du canyon en 1946. En 1950, s'essaie avec le même bonheur dans le film d'aventures pour La Flèche et le flambeau.
La genèse du film est amusante puisque, toujours à cause des restrictions financières qu'on lui impose, Tourneur et son équipe de production récupère des décors et costumes d'un autre long métrage, le fameux Les Aventures de Robin des bois de Michael Curtiz (et William Keighley) auquel le studio voulut d'abord confier cette histoire avec son interprète fétiche Erroll Flynn, dont les carrières déclinaient. La fraîcheur et les qualités narrative et visuelle de Tourneur ont sans doute permis à The Flame and the arrow de dépasser ce qui n'aurait été qu'une série B pour devenir un divertissement flamboyant et jubilatoire.
Après avoir été révélé quatre ans auparavant dans Les Tueurs de Robert Siodmak, Burt Lancaster tenait là une occasion de changer de registre en pouvant mettre en valeur ses exceptionnelles capacités athlétiques (ce qu'il fera encore la même année dans le chef d'oeuvre du film de pirates, Le Corsaire rouge, de Siodmak), en duo avec Nick Cravat, qui était déjà son partenaire lorsqu'il se produisait comme acrobate dans les cirques.
Si l'intrigue se développe de manière linéaire et classique, maniant les archétypes, avec d'un côté un héros valeureux, un affreux méchant et une belle demoiselle entre eux, le film profite de quelques additions plus originales en abordant une période historique méconnue - l'invasion germanique de la Lombardie - et en prenant parti de manière intelligente, c'est-à-dire sans occulter la part d'orgueil qui anime Dardo dans son combat (pour qui récupérer son fils exige de libérer sa région). Le méchant, incarné par Frank Allenby (dans une composition comme Claude Rains était un habitué, sans nuances mais efficace), y gagne en relief, croyant affronter un simple rebelle alors qu'il a provoqué un père.
Entre les deux ennemis, le personnage de Virginia Mayo, actrice depuis injustement oubliée (car elle n'a jamais eu de rôle marquant dans un grand film), est celui qui, en définitive, vit la plus grande et intéressante évolution : d'abord soeur et allié d'Ulrich, elle est ensuite l'otage de Dardo, cherchant à s'enfuir, puis séduite progressivement par son geôlier dont elle comprend à la fois la douleur paternelle mais aussi la mutation en chef de la résistance. Elle joue tout cela avec subtilité et ce charme rétro imparable, magnifié par les couleurs éclatantes de la photographie de Ernest Haller. On pourra juste regretter que la brièveté du film (85' déroulée sans temps mort) empêche la romance entre Anne et Dardo d'être mieux développée, apparaissant du coup un peu convenue, mécanique (une erreur que saura corriger Tourneur dans un autre de ses chefs d'oeuvre, La Flibustière des Antilles, 1952, avec la relation beaucoup plus complexe entre Jean Peters, Louis Jourdan et Debra Paget).
Les grands moments abondent dans ce film, où la présence charismatique de Lancaster fait merveille, intrépide au point de réaliser toutes ses cascades (hé oui, ma bonne dame, à cette époque, pas de câbles, de fond vert !), un sourire permanent de grand gamin rigolard aux lèvres, capable d'affronter un régiment de soldats avec tout ce qui lui passe par la main dans la salle à manger d'Ulrich, avec Cravat (impayable en acolyte muet - il ne prononçait pas un mot car son accent très fort de Brooklyn aurait juré dans un film d'époque).
Il y a une dimension "cartoonesque" dans ce long métrage, plus proche par exemple d'Astérix que tous les films (médiocrement) adaptés de la BD de Goscinny et Uderzo - on y trouve même un barde insupportable ! Mais le talent de Tourneur, tout en énergie et d'une beauté plastique enchanteresse, confère une vraie grâce à l'exercice.
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