dimanche 12 juin 2016

Critique 917 : SHERLOCK HOLMES 2 - JEU D'OMBRES, de Guy Ritchie


SHERLOCK HOLMES 2 : JEU D'OMBRES est un film réalisé par Guy Ritchie, sorti en salles en 2011.
Le scénario est écrit par Michelle et Kiera Mulroney, d'après les personnages créés par Arthur Conan Doyle. La photographie est signée Philippe Rousselot. La musique est composée par Hans Zimmer.
Dans les rôles principaux, on trouve : Robert Downey Jr. (Sherlock Holmes), Jude Law (John Watson), Noomi Rapace (Sima), Jared Harris (James Moriarty), Stephen Fry (Mycroft Holmes), Kelly Reilly (Mary Watson), Rachel McAdams (Irene Adler), Eddie Marsan (Lestrade).
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Consacré comme le détective le plus perspicace de son époque, Sherlock Holmes suit, seul depuis que son compère, le Dr John Watson, a déménagé pour s'installer avec sa future épouse, Mary, Irene Adler car il veut connaître l'identité de l'homme qui l'emploie depuis la précédente affaire qu'il a résolue (voir Sherlock Holmes 1).
James Moriarty et Irene Adler
(Jared Harris et Rachel McAdams)

C'est ainsi que Holmes va être confronté au professeur James Moriarty dont il a la conviction de son implication dans une série d'attentats en Europe - attentats qui pourraient précipiter le déclenchement d'une guerre mondiale. Mais quel profit en retirerait cet érudit diabolique et d'apparence pourtant respectable ?
John et Mary Watson
(Jude Law et Kelly Reilly)

Les investigations de Holmes le conduisent jusqu'à un établissement louche dans lequel il décide d'organiser l'enterrement de la vie de célibataire de Watson. Laissant le docteur se livrer à une partie de cartes, le détective inspecte l'étage où il a repéré un individu déjà remarqué sur les lieux d'un précédent attentat. C'est ainsi que Holmes fait connaissance avec une diseuse de bonne aventure gitane, Sima, menacée par un tueur car son frère serait lié à un projet criminel en relation avec les manigances de Moriarty, même si la jeune femme est sans nouvelles de son proche depuis des mois.
Sima et Sherlock Holmes
(Noomi Rapace et Robert Downey Jr.)

Le mariage de Watson se déroule sans problèmes, même si entretemps Holmes a décidé de défier Moriarty en lui rendant visite à l'université où il enseigne. Les egos démesurés des deux hommes, que seul le sens moral distingue, aboutit à des menaces réciproques : le professeur affirme que rien ni personne ne l'arrêtera et le confondra, le détective jure qu'il se dressera contre ses funestes projets. Moriarty promet alors que Watson, après Irene Adler, dont Holmes est sans nouvelles, souffrira des dommages collatéraux de leur affrontement.
Moriarty et Holmes

Holmes rattrape Watson et Mary lors de leur voyage de noces et écarte la jeune femme pour la protéger. Les hommes de main de Moriarty passent à l'attaque mais le détective et son ami leur échappent de justesse pour rejoindre Sima et ses acolytes gitans qui leur ouvrent la route, en évitant les frontières, pour suivre Moriarty.
Mycroft Holmes
(Stephen Fry)

De nouveaux mouvements se produisent - en Inde un magnat du coton est ruiné par un scandale, en Chine un trafiquant d'opium décède d'une overdose, aux Etats-Unis, un aciériste meurt. La poursuite conduit Holmes et ses comparses à Paris, puis en Allemagne et, enfin en Suisse où Mycroft, le frère du détective, ponte des services secrets britanniques, assure la sécurité d'une conférence de chefs d'Etats et d'ambassadeurs. C'est là que resurgit Moriarty dont Holmes a compris qu'il voulait provoquer la guerre pour amasser une fortune en fournissant des armes aux divers belligérants.
Holmes et Watson

Qui, du détective ou du professeur, aura le dernier mot ? 

Comme je l'écrivais dans la critique du premier film, Guy Ritchie n'est certainement pas un grand cinéaste, mais c'est un réalisateur habile et qui a su, en acceptant de se plier aux contraintes du film de commande, tirer les leçons de ses erreurs. Cela se vérifie encore plus avec cette suite qui est meilleure que le premier épisode mais aussi supérieur à tout ce qu'a pu filmer jusqu'alors le réalisateur britannique.

Explosif, le résultat l'est encore, et ce, dès le début car le film s'ouvre par une déflagration qui semble résumer la philosophie de la production : faire plus fort, ce qui correspond à ce que finance Joel Silver.  

L'intrigue de Sherlock Holmes : Jeu d'ombres reste certes tortueuse mais quand même mieux tricotée et lisible que celle du précédent opus, où le mélange d'enquête et d'occultisme (fusse-t-il bidon) convainquait à moitié. Ici, les attentats qui ponctuent l'aventure permettent à la fois de jouer sur la menace qui plane sur l'Europe et l'aspect dérisoire et prétentieux des efforts de Holmes pour déjouer une guerre. Le procédé est malin et efficace, alimentant l'histoire sur plus de deux heures sans égarer le spectateur ni l'ennuyer.

Ritchie n'a presque qu'à dérouler ce scénario qui, en multipliant les fracas, oppose surtout deux adversaires passionnants à observer dans leur propre querelle d'ego : Michelle et Kieran Mulroney ont, il est vrai, utilisé le méchant le plus emblématique, charismatique et coriace du génial détective en la personne du professeur Moriarty. Ce criminel est l'égal, sinon le supérieur, de Holmes dans sa capacité à avancer en ayant toujours un coup d'avance. Mais le film le traite avec une sorte de distance froide, implacable, très intelligente : ennemi souvent cité dans les romans de Conan Doyle mais finalement peu montré, il est un redoutable cerveau déléguant pour mieux progresser, sûr de lui.

Alors que, depuis le premier film, Holmes est présenté et ici confirmé comme un intellectuel qui éprouve le besoin de se dépenser physiquement, n'hésitant pas à faire le coup de poing (et d'ailleurs pratiquant diverses formes de combats en parallèle à ses enquêtes), vêtu comme une sorte de gypsy (qui va rencontrer d'authentiques gitans durant ses investigations) débraillé, mal rasé et hirsute, Moriarty contraste par son aspect apprêté, ses manières suaves, sa détermination glaçante. Une des réussites du film est de nous convaincre qu'il peut vaincre Holmes et que Holmes est dépassé à la fois par cet homme mais aussi par l'ampleur de ses exactions.

Une bonne partie de l'intrigue relègue donc Watson au second plan, même si, grâce au talent de Jude Law (vraiment excellent), le docteur conserve une présence forte et singulière. De même Irene Adler, toujours campée par  Rachel McAdams, disparaît rapidement (sans qu'on soit cependant certain que son personnage soit mort). Mais le casting réserve une bonne surprise en inventant la tireuse de cartes tzigane Sima, à laquelle Noomi Rapace donne un charme certain (quand bien même on peut regretter que la production n'ait pas attribuée, comme prévu initialement, le rôle à une française, ce qui aurait été moins exotique qu'une suédoise) : le rôle échappe au faire-valoir féminin en tout cas et pimente la relation toujours aussi drôlement équivoque du couple Holmes-Watson.

L'action est riche et abondante dans l'histoire et Ritchie a sur varier ses effets d'une manière plus satisfaisante que dans le premier volet : le script n'abuse déjà pas des fameuses répétitions mentales de combat de Holmes, à partir de quoi on a également moins de ralentis-accélérations (ou, quand c'est le cas, à meilleur escient - comme en témoigne la fuite des héros dans la forêt bombardée, merveilleusement montée). Parfois encore, toutefois, on déplore ses champ-contrechamp trop rapides (alors que filmer simplement dans un même plan deux, ou trois, personnages dialoguant est tellement plus efficace, surtout avec des acteurs de ce calibre).

Le film enchaîne ainsi des scènes d’action avec ces trois héros dans un déluge de bullet time, faisant osciller dangereusement le spectateur entre épilepsie et nausées. Retrouvant ses tics de mise en scène, Ritchie souligne chaque geste d’un combat par douze effets à la seconde (changement d’angle, de profondeur…), manière pompière de signifier son appartenance au genre.

Mais, de même que la partition superbe de Hans Zimmer accompagne ces rocambolesques péripéties, jusqu'au duel final directement emprunté à La chute du Recheinbach, le face à face entre Robert Downey Jr. (cabotinant encore beaucoup, mais sachant se retenir avec à-propos) et Jared Harris (terrifiant à souhait, un casting judicieux préféré au recrutement d'une vedette), arbitré par Stephen Fry (grandiose en frère aîné des Holmes) tient ses promesses, ponctué par des scènes vraiment drôles (le voyage en poney). 

On en reprendrait volontiers une tasse, même si les auteurs, interprètes et producteurs mesurent l'effort à accomplir pour réussir ce qui serait une trilogie (voire une franchise) ayant revivifié avec autant de dynamisme que la série de la BBC le détective le plus célèbre de la littérature.

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