Dans le cas précis de The Magic Order, le problème est que Millar paraît avoir emprunté une direction qu'il peine à rendre passionnante. Il a^souvent répété qu'il s'agissait de sa série la plus ambitieuse avec Jupiter's Legacy, et le nombre de volumes, donc d'épisodes, qu'il y a consacrée le confirme. Mais si le premier acte tenait debout tout seul très bien, ensuite il a feuilletonné les suivants pour amplifier les enjeux, développer la mythologie, accroître le casting. Et c'est là que ça a commencé à devenir moins bon.
Individuellement, chaque volume, jusqu'au troisième, fonctionnait assez bien, même si le troisième justement n'avait pas de fin et servait de rampe de lancement au quatrième, celui actuellement en cours de publication. Toutefois, on mentirait en prétendant que l'intensité se maintenait et que les additions à l'histoire originelle étaient concluantes. En vérité, on voit arriver de nouveaux visages, en revenir de plus anciens, se créer de nouveaux twists, sans que la sauce ne prenne. Au lieu de capitaliser sur ce qu'il avait installé et d'ajouter quelques ingrédients supplémentaires avec parcimonie, Millar a préféré voir grand. Trop.
Franchement, tout ce qu'on a lu depuis la fin de la première série ne méritait pas trois volumes. La narration est trop décompressée. Ou plus exactement, elle l'est parfois trop. Le rythme est inégal, comme si le récit avançait par à-coups, par ruades. Les moments forts peuvent être exceptionnels, mais ensuite ça pique du nez. Et les épisodes actuels sont les plus faibles, les plus médiocres alors qu'ils présentaient le potentiel le plus prometteur.
En introduisant Perditus, on pouvait espérer beaucoup plus que de rencontrer ce fils maudit tatoué et cornu dont, spoilers, Cordelia, sa soeur, ne fait finalement qu'une bouchée dans l'épisode de ce mois. Aucun suspense malgré des pages engageantes et spectaculaires. Pour un sorcier qui a imposé son joug brutal sur tout un royaume, Perditus est écrasé très, trop facilement pour qu'on vibre vraiment.
Il est ensuite difficile de s'emballer pour la suite de l'épisode, entre la présentation d'une sorte d'équipe B de l'Ordre Magique que Madame Albany a ignorée. Et le cliffhanger avec l'oncle Edgar passe devant nos yeux sans réussir à nous faire réagir, trop expédié, trop convenu.
Visuellement, surtout, ce volume 4 aura complètement échoué me convaincre. Je ne doute pas que Dike Ruan soit promis à un bel avenir, il a du potentiel. Mais saura-t-il le convertir pour devenir un vrai grand dessinateur comme sa technique le laisse penser ?
C'est bien simple, ce qui manque à Ruan, c'est l'envie de se dépasser. Pour être complet comme tous les très bons, il faudra qu'il apprenne à dessiner des décors, dont sont dépourvues les 3/4 de ses planches. C'est à peine si la plupart du temps on sait où on est, et quand il daigne situer l'action graphiquement, il s'en tient au strict minimum.
Ensuite, si Ruan est doué pour découper ses scènes et camper ses personnages, il ne donne jamais le sentiment de se dépasser, de forcer son talent. Il a une aisance certaine, mais qui côtoie la nonchalance du type doué mais paresseux. C'est dommage. Mais quand on le compare à des artistes ayant officié sur la série, comme Coipel (dans ses bons jours), Immonen et Cavenago, Ruan est très loin derrière ces cadors. Ici, il va vous balancer une double planche qui vous fera un instant douter et réévaluer votre critique. Puis ensuite ça repart dans quelque chose de très quelconque finalement, tape-à-l'oeil, efficace mais creux.
Plus que jamais, en attendant le dernier épisode, et surtout le début de Big Game, on se dit que Millar va jouer très gros avec son event car si celui-ci ne convainc pas, alors le cru 2023 du MillarWorld sera à oublier.
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