Après vous avoir parlé une première fois de cette Collection Marvel Gold (dont les dix albums sont disponibles pour 3,99 Euros dans les grandes surfaces de l'enseigne Carrefour) avec Uncanny Avengers (période Gerry Duggan), je consacre une entrée au tome dédié au Squadron Supreme, écrit par James Robinson et dessiné par Leonard Kirk, en 2016-2017.
L'album contient deux arcs sur les trois qu'a comptés cette série annulée au bout de seulement quinze épisodes. Pour la situer, il faut dire que l'action se situe après l'event Secret Wars de Jonathan Hickman et Esad Ribic et qu'elle est contemporaine de la série Uncanny Avengers de Gerry Duggan (qui font une apparition dans le premier arc).
L'Escadron Suprême a été créé par Roy Thomas et John Buscema en 1971, mais c'est à Mark Gruenwald qu'on doit sa version la plus mémorable dans une maxi-série en 12 n° en 1985-86. Conçue comme une Justice League au sein du Marvel Univers, l'équipe a été recomposée par James Robinson avec des membres issues de réalités parallèles : on trouve Hyperion (qui a fait partie des Avengers de Hickman, venu de la Terre 13034), Nighthawk (de la Terre 31916), Blur (de la Terre 148611), Doctor Spectrum (de la Terre 4290001) et Power Princess (de la Terre 712 - celle de la série de Gruenwald).
Dans la série New Avengers de Hickman, les Illuminati (dont Namor) s'employaient à annuler des incursions, des collisions entre des Terres parallèles, et leurs actions ont abouti à la destruction de planètes semblables à la notre. Ce Squadron Supreme entreprend donc de se venger en tuant Namor. Mais ils vont se retrouver déplacés dans le Weirdworld par Thundra qui veut sauver ce royaume de l'emprise du Doctor Druid. Ce périple va révéler la présence d'un traître dans l'équipe...
James Robinson a quelque peu disparu de la circulation depuis un moment et les fans aiment surtout à se rappeler de lui en évoquant son run extraordinaire sur Starman (ce serait bien qu'Urban Comics réédite ça), sa mini-série JSA : The Golden Age (ça, Urban l'a traduit) ou Leave it to Chance (qui aura la bonne idée de traduire ça ?). Chez Marvel, en ce milieu des années 90, il n'a guère eu l'occasion de briller avec des projets vite annulés, mais pourtant efficacement menés, comme ici ou sa relance des Invaders.
Ce premier arc prouve que Robinson a toujours une indéniable maîtrise et une connaissance parfaite des personnages qu'on lui confie. L'interprétation qu'il fait de l'Escadron Suprême rappelle beaucoup the Authority, une bande de surhommes pour qui la fin justifie les moyens. Il y ajoute la notion de déracinement puisqu'aucun de ses membres n'appartient à notre univers et est animé par un désir de vengeance contre un de ceux qui est responsable de la destruction de son monde.
Namor rapidement exécuté, le récit prend un virage brusque pour nous embarquer dans le Weirdworld avec le Docteur Druid qui possède ses habitants, à l'exception d'une poche de résistance. Robinson en profite pour démasquer la présence d'un traître dans l'équipe et effectuer son remplacement par Thundra. Le rythme est très soutenu, le récit très dense en informations, et Leonard Kirk est le dessinateur idéal pour mettre tout ça en images car c'est lui-même un narrateur aguerri, capable de s'approprier tous les personnages, de les animer de manière tonique et lisible, avec un découpage intense, aux décors évocateurs. En cinq épisodes, on est captivé. Du boulot de pro, peut-être pas génial, mais implacable.
Panini a choisi de zapper le deuxième arc (je ne me rappelle plus ce qu'il racontait), mais ce n'est pas grave car on assiste au retour du Squadron Supreme et Robinson ne perd pas de temps pour le plonger dans une nouvelle aventure trépidante quoique beaucoup plus (trop) alambiquée.
En effet, ce récit se déroule au moment où Marvel publie l'event Civil War II (de Brian Michael Bendis et David Marquez) où un jeune inhumain, Ulysse, a des visions terrifiantes du futur. Ayant eu accès à une de ses prédictions, le traître de l'équipe décide de ressusciter Namor pour s'assurer la domination du monde. Nighthawk, lui aussi, aura l'occasion de voir le futur grâce à Ulysse et s'emploiera, avec une méthode discutable, à éviter un conflit ouvert avec son partenaire Hyperion.
Robinson n'échappe pas à l'écueil de ce genre d'intrigue où présent et futur probable risquent de se percuter et provoquer des catastrophes. Notamment parce qu'il introduit le double d'un personnage et revient sur les événements du premier arc pour justifier le retour de Namor parmi les vivants. Des rebondissements capillotractés se succèdent mais notre intérêt s'estompe. Et comme la série touche à sa fin et que le scénariste le sait, il tente de sauver les meubles en convoquant des guest-stars susceptibles d'attirer des lecteurs mais dont la présence paraît incongru (ici Spider-Man). A la fin, l'Escadron est dissous mais il faudra attendre Jason Aaron dans son run sur Avengers pour revoir une formation sous ce nom, sans rapport avec celle-ci (et mal exploitée). Dommage.
Leonard Kirk fatigue un peu, et a besoin du renfort de Emilio Laiso puis Paolo Villanelli sur quelques planches. L'ensemble se tient car les trois dessinateurs veillent à respecter une cohérence graphique. Mais donc, la série sera annulée après quinze numéros, énième témoignage de la difficulté (pour ne pas dire incapacité) de Marvel à utiliser ces personnages intelligemment depuis Gruenwald (qui les avait écrits, frustré de n'avoir jamais pu scénariser le titre Justice League, mais en y greffant une réflexion inspirée sur les super-héros comme Watchmen de Alan Moore et Dave Gibbons).
Pour ce prix-là en tout cas, c'est une découverte à côté de laquelle il serait idiot de passer. Ne serait-ce que pour le plaisir de lire James Robinson, auteur devenu bien trop rare.
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