Après une saison 1 extraordinaire, Mayor of Kingstown se devait de, au moins, transformer l'essai. La série créée par Taylor Sheridan (même s'il y a moins participé pour cette deuxième saison) et Hugh Dillon reste impressionnante. L'écriture, la réalisation, l'interprétation servent une intrigue qui va encore crescendo, peut-être un peu moins spectaculaire mais tout aussi intense et crépusculaire.
Au lendemain de l'émeute à la prison de Kingstown, les détenus survivants sont déplacés dans un ancien terrain où l'administration a installé des tentes et où les gardiens surveillent depuis des grues. Mais cette situation provoque des tensions et des règlements de comptes parmi les prévenus, qui risquent de se propager à l'extérieur car les leaders ont été éliminés.
Cependant, Mike McLusky doit s'occuper de le protection de Iris car, Milo n'a pas pas été retrouvé parmi les détenus abattus durant l'émeute. Il veut la confier au programme fédéral de protection des témoins mais elle refuse. Il la confie alors à sa mère, ce qui déplaît à son frère Kyle, craignant que Milo ne la retrouve ici.. Comprenant les soucis qu'elle cause, la jeune femme fugue et part retrouver Joseph, le second de Milo. Kyle, par ailleurs, est suspendu de ses fonctions en attendant, avec Ian Ferguson, d'être interrogé par les affaires internes au sujet de l'intervention du S.W.A.T. lors de l'émeute.
Pour tenter de ramener la paix en ville et dans la prison, Mike passe un marché avec Evelyn et le procureur mais aussi avec Bunny et les autres caïds de la ville. Ces derniers acceptent d'être incarcérés provisoirement pour ramener le calme de l'intérieur du pénitencier. Mais la situation va échapper rapidement à Mike car le comté décide de confier les détenus à plusieurs établissements privés et bientôt Bunny et les autres caîds sont transférés.
Mike demande à Kareem, qui dirige une de ces prisons de localiser Bunny. tandis que, de son côté, il rappelle à Evelyn et au procureur les termes du marché qu'il avait passé avec eux et les caïds. Pour ne rien arranger, Robert, le chef du SWAT, apprend qu'un de ses hommes va témoigner contre lui au sujet de leur intervention lors de l'émeute et demande à Mike de s'en occuper.
Kyle, ne tenant plus en place en attendant d'être réaffecté, ce qui impacte sa vie de couple, demande lui aussi à Mike de le laisser travailler avec lui. C'est ainsi qu'il va récupérer des bons du trésor déterrés par un ouvrier sur un chantier de construction, cachés par Milo Sunter. Lorsque l'ouvrier est trouvé assassiné, sa veuve les remet à la police et Kyle s'occupe de les cacher. Kareem informe Mike que Bunny est détenu à Anchor Bay et qu'il s'impatiente de sortir, menaçant de s'en prendre au procureur.
Mariam, la mère de Mike et Kyle, s'occupe désormais de donner des cours à des détenus mineurs et elle rencontre ainsi Jacob, qui va être transférer chez les adultes, et lui demande de l'aider, via Mike. Comme il l'avait promis, Bunny ordonne l'exécution du procureur et Evelyn, qui hérite du fauteuil, explique à Mike qu'elle compte bien éradiquer la pègre en représailles. Jacob est transféré et se suicide avant que Mike n'ait pu intervenir.
Ian s'occupe de l'agent du SWAT qui veut témoigner contre Robert. Bunny est libéré et dévalise une armurerie, avant d'expliquer à Mike qu'il compte venger ses "frères" abattus par le SWAT, et qu'importe q'il déclenche une guerre contre cette unité. Ecrasé par tous ces problèmes qui s'accumulent, Mike s'offre une journée off, traînant de bar en bar, sans téléphone ni arme, mais suivi. Il échappe de justesse à une tentative d'assassinat commandée par le leader des néo-nazis en prison, lui aussi impatient de sortir.
J'en ai déjà beaucoup (trop ?) raconté mais j'ai surtout voulu essayer de planter le décor, de résumer les situations, ce réseau d'ennuis qui enserrent Mike McLusky dans cette saison 2. Comme dans ses dix premiers épisodes, Mayor of Kingstown se distingue par la densité ahurissante de son intrigue, son casting fourni, et en même temps par le peu de temps qui se passe tout au long de l'action.
On remarquera d'abord que Taylor Sheridan semble s'être désengagé, ou du moins avoir davantage délégué l'écriture cette fois : il n'est crédité comme auteur que sur les épisodes 1 et 2, même s'il a dû superviser les autres. Il faut dire que l'auteur est bien occupé avec ses deux autres séries, Yellowstone (dont la production connaît quelques heurts, avec des rumeurs concernant le départ de sa vedette, Kevin Costner, qui en aurait marre des cadences soutenues de tournage) et son spin-off, 1883 (avec Harrison Ford).
On pouvait donc craindre que Mayor of Kingstown, sans son co-créateur, perde de sa qualité. Il n'en est rien, même si on pourra estimer que cette saison 2 est moins spectaculaire. Toutefois, elle reprend là où on l'avait quittée, juste après l'émeute dans la prison réprimée dans le sang par la garde nationale et le SWAT. Et ces dix nouveaux épisodes vont s'employer à explorer les conséquences multiples de ce drame.
Rien n'est laissé de côté, c'est assez impressionnant. Mais là encore les auteurs ont veillé à ce que la situation reste lisible à tout moment : elle peut se résumer par le titre de l'épisode 8, La paix dans la vallée, qui sonne comme celui d'un western auquel la série fait beaucoup penser. Pour Mike McLusky, la paix en ville (la vallée) ne peut s'obtenir et se maintenir que si elle existe dans la cour de la prison. Or l'émeute a vu mourir beaucoup de chefs de gangs incarcérés et désormais, c'est le chaos. D'autant que les prisonniers survivants ont été transférés dans un campement, vivant sous des tentes, dans une chaleur étouffante, exacerbant les tensions communautaires.
Mike imagine un plan audacieux qu'il réussit néanmoins à faire accepter aux caïds en ville mais aussi à l'adjointe du procureur (sa maîtresse, Evelyn) : pour ramener le calmer dans la cour du pénitencier, les chefs de la pègre acceptent d'y être enfermés provisoirement. Evidemment, tout ne va pas dérouler comme prévu. La faute à un procureur pour qui ce coup de filer est une opportunité rêvée avant sa réélection et qui n'entend pas relâcher ce gibier de potence.
Et ce n'est que le premier étage de la fusée. Le deuxième concerne Iris, cette prostituée sauvée par Mike des griffes de son pire ennemi, Milo Sunter. Celui-ci a réussi à se faire la belle lors de l'émeute mais veut remettre la main sur un butin en bons du trésor qu'il avait demandé à Mike de récupérer. Iris refusant d'être protégée par le FBI (en qui elle n'a pas confiance) et de vivre aux crochets de la famille McLusky, fugue et retourne chez Milo qui la confie à Joseph, qui la renvoie à sa condition de prostituée. Cet arc narratif culminera dans les deux derniers épisodes avec un échange convenu entre le butin et Iris. Là encore, vous l'aurez deviné, ça ne va pas bien se passer.
Enfin, la troisième partie concerne l'intervention du SWAT lors de l'émeute. Si Kyle McLusky et Ian Ferguson doivent leurs vies sauves à Robert et son équipe, il n'en reste pas moins que l'opération a tourné au bain de sang avec une série d'exécutions sommaires contre les détenus. En conséquences : une enquête est ouverte pour déterminer la légitimité de cette intervention et l'usage d'une telle force, mais Bunny réclame aussi la tête de Robert qui a tué de nombreux de ses hommes, quitte à déclencher une guerre avec toutes les forces de police.
Si l'envie de suivre une série se mesure aux nombreuses de portes laissées ouvertes à la fin d'une saison, alors Mayor of Kingstown a tout pour rendre addict car au terme des dix épisodes on laisse encore les personnages dans des drames terriblement accrocheurs. Et il y a de la matière pour une troisième saison aussi fournie que les deux premières. En outre, certains faits restent nébuleux et exigent des explications comme de savoir qui a vraiment permis la libération de Bunny (car il est évident que Mike n'y est pour rien), ce qui pend au nez de Ian (après qu'il a réglé la question de l'agent du SWAT qui devait témoigner contre Robert), les sorts de Robert et Mariam, les intentions d'Evelyn (ira-t-elle ou non jusqu'à un conflit ouvert contre les gangs ? Sera-t-elle élue nouvelle procureur du comté ?).
Cela passe aussi par une caractérisation acérée des personnages principaux. Car si les intrigues sont fabuleusement construites, les héros possèdent une chair et une psychologie très fouillées également. L'émeute a laissé des traces et chacun compose avec. Kyle sombre dans un alcoolisme qu'il dissimule mal et le conduit à se comporter dangereusement. Kareem, qui a été violé par des détenus lors des événements, perd pied et ne veut plus négocier avec le "Maire de Kingstown". Ian manipule un tueur en série pour sa sale besogne. Mariam endure frontalement ce que ses fils voulaient lui épargner jusqu'alors. Tracy, la femme de Kyle, songe à s'éloigner pour ne pas finir broyée à son tour... Et l'imposant Bunny semble s'engager dans une impasse terrible que ne peut lui pardonner Mike.
Mike McLusky est un personnage fascinant dont on se demande continuellement pourquoi il fait ce job d'intemédiaire où il n'a rien à gagner sinon des coups, des trahisons, des balles perdues. Jeremy Renner est immense, son jeu est électrique, toujours sur le fil. Et en même temps il conserve cette allure cool, classe. Ce mélange étonnant rappelle bien sûr celui à qui il a été parfois comparé, Steve McQueen, mais c'est vrai que comme ce dernier il est sûrement le seul acteur actuel à posséder cette animalité élégante.
Il brille aussi parce qu'il est est remarquablement entouré : Hugh Dillon (Ian), Dianne Wiest (Mariam), Taylor Handley (Kyle), Tomi Bamtefa (Bunny), Hamish Allan-Headley (Robert), Necar Zadegan (Evelyn)... Pourtant, c'est le couple étrange, trouble, troublant, qu'il forme avec Emma Laird (Iris) qui est le vrai fil rouge de la série. D'abord parce que la série déjoue les attentes et les clichés : il n'y a pas de romance entre eux, et sans doute est-ce Milo (Aidan Gillen) qui voit le mieux ce qu'incarne la jeune femme pour Mike - un espoir de salut, un objet de rédemption.
Ensuite parce que Emma Laird, avec son jeu fébrile, répond parfaitement à celui de Renner. Ce sont deux êtres brisés, cassés, et pourtant animés d'une foi en l'avenir, ou du moins d'une volonté de s'accrocher. Des survivants. Si l'un perd l'autre, alors sans doute s'écrouleront-ils aussitôt. Dans la noirceur du tableau que montre Mayor of Kingstown, on s'attache à eux parce qu'on espère qu'ils s'en sortiront malgré tout.
Et maintenant ? Il va falloir être patient. L'accident subi par Jeremy Renner va l'éloigner des plateaux de tournage encore un moment, même s'il se rétablit vite (il poste régulièrement sur ses réseaux sociaux des messages vidéos de sa convalescence). Mais ça vaut la peine de l'attendre, car il tient là le rôle de sa vie et que Mayor of Kingstown est vraiment une série phénoménale.
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