Cela faisait un moment que j'entendais parler de Ted Lasso en termes élogieux et dans ce cas-là, on réagit soit en se méfiant (c'est trop beau pour être vrai), soit en étant curieux (voyons voir ce que ça vaut vraiment). Créée par Jason Sudeikis (qui tient le rôle-titre), Bill Lawrence et Joe Kelly, la première saison date de 2020 et se décline en dix épisodes de trente minutes, véritable éloge de la bienveillance et de la résilience avec une bonne dose d'humour.
Ted Lasso débarque en Angleterre pour entraîner le club de football mal classé en Premier League de l'A.F.C. Richmond. La propriétaire est Rebecca Welton, fraîchement divorcée de Rupert Mannion qui lui a laissé l'équipe et le stade. Les médias sont intrigués car Ted Lasso est initialement un coach de football, mais de football américain !
Les joueurs de l'équipe sont eux aussi déconcertés et se demandent bien ce que cela signifie. Ted Lasso reconnaît reconnaît lors de sa première conférence de presse ne rien connaître du soccer mais il demande juste à être jugé sur ses résultats tandis que dans le vestiaire c'est la stupéfaction quand il explique que, défaite ou victoire, l'important est surtout de tout donner sur le terrain pour ne rien regretter et d'adopter la méthde du poisson rouge, c'est-à-dire de tout oublier après un échec !
Ted et son adjoint, le coach Beard, enrôle Nate, qui s'occupe de l'entretien du terrain et des besoins de l'effectif, car il connaît les secrets de tous les joueurs et est un vibrant supporter de l'AFC Richmond. Fin connaisseur du championnat, il a un avis sûr sur les adversaires et leurs tactiques. Malgré tout, la rivalité entre le capitaine Roy Kent et l'attaquant Jamie Tartt divise l'équipe.
Pour apaiser les deux hommes (l'un en fin de carrière, l'autre prêté par Manchester City au début de la sienne), Ted se fait une alliée de Keeley Jones, la girlfriend de Tartt qui subit en silence de ses infidélités. Cette femme pleine de caractère finit par le quitter pour se rapprocher de Kent, au caractère plus ombrageux mais plus respectueux, ce qui pousse Jamie à se questionner sur son comportement sur et en dehors du terrain.
Lorsqu'un papparazzi photographie Keely et Ted dans une situation innocente mais susceptible de créer un scandale, elle mène son enquête et découvre les manoeuvres de Rebecca Welton : celle-ci, depuis le début, s'emploie à couler le club en précipitant sa relégation, d'abord en embauchant Ted Lasso, ensuite en renvoyant Jamie à Manchesty City, ensuite en faisant croire à une liaison entre Ted et Keeley... Tout ça pour se venger de son ex-mari, attaché sentimentalement à l'AFC Richmond au point, croit-elle, qu'il ne se remettra pas de sa relégation.
Mais Ted Lasso pardonne tout à Rebecca quand elle lui avoue piteusement son plan. Il a trouvé un remplaçant à Jamie en attaque avec Dani Rojas, humilie aux fléchettes Rupert quand il rachète via sa nouvelle fiancée des parts du club et surtout motive ses troupes pour une fin de saison en boulet de canon mais qui se jouera au dernier match contre... Manchester City !
Je ne vais pas pour dévoiler l'issue de la saison de l'AFC Richmond et s'il reste en Premier League. Mais vous dire qu'il faut regarder Ted Lasso, qui sera disponible via Canal + comme le reste des séries Apple + prochainement. Si vous vous sentez un peu écrasé par tout ce qui se passe dans le monde en ce moment, ça va vous faire un bien fou, promis, juré !
La première fois que le nom de Ted Lasso a retenu mon attention, ça a été au détour d'un tweet de la scénariste de comics Kelly Thompson qui en disait le plus grand bien en louant les vertus de son héros et de son propos. C'est une cure contre le cynisme, le catastrophisme, l'aigreur, la méchanceté, une éloge de la gentillesse et de la résilience, écrivait-elle en substance.
Je sais : valoriser la gentillesse, c'est devenu ringard. Trop bon trop con, comme on dit. Être gentil, c'est pas cool, c'est niais, c'est mièvre, c'est pas assez ceci, pas assez cela. Pourtant, être bienveillant ne coûte rien et ça vous apporte des amis, des amours, la paix de l'âme. Quand vous êtes gentil, vous ne tweetez pas de conneries sur les réseaux sociaux, vous faîtes des efforts constructifs, vous ne sombrez pas dans le commentaire bêtement négatif ni dans une attitude méprisante mais qui se veut affirmée.
Et si, malgré tout ça, vous n'êtes toujours pas à l'aise en étant gentil, vous pouvez redevenir en un clin d'oeil un pauvre con, qui n'aime rien, qui se plaint tout le temps, qui vote pour la NUPES ou le RN, et qui vomit sur tout et n'importe qui. Vous redeviendrez tendance en claquement de doigts et vous rentrerez dans le troupeau aussi vite que vous en êtes sortis.
Je suis bien d'accord qu'il n'y a pas grand-chose qui motive à être de bonne humeur et bienveillant en ce moment. Il suffit de regarder le JT et vous ne manquerez pas d'arguments pour faire la gueule à l'humanité entière. Il y a des guerres partout, des réformes qui passent mal, de l'info-spectacle naze, des talk-shows débiles, la pluie mouille, il fait trop chaud en été, tout est trop cher, il faut sortir le chien, etc.
Pas de quoi sauter de joie. Sauf si vous regardez Ted Lasso. Voilà un énergumène qui mérite qu'on s'arrête sur son cas : il débarque des Etats-Unis (l'empire capitaliste du Mal) pour coacher une équipe de foot anglaise alors qu'il n'y connaît rien. Tout le monde le déteste aussitôt et on le traite de "wanker" (branleur) sans arrêt parce que son équipe perd, que sa patronne lui savonne la planche, que le capitaine et le buteur de son effectif en viennent aux mains, que sa femme demande le divorce... Et pourtant, il garde le sourire, il continue d'y croire. Ce type est-il fou ? Ou stupide ?
Non, Ted Lasso est un incorrigible optimiste, un croyant - pas un type qui va à l'église brûler des cierges et prier. Non, c'est un type qui a la foi en ce qu'il fait. Il scotche d'ailleurs sur un mur du vestiaire un papier sur lequel il a écrit en majuscules : BELIEVE (CROIS). Pourquoi y croire ? Parce que, comme il le racontera plus tard à Rupert Mannion l'ex-patron du club, de ses 10 à 16 ans, il a appris à jouer aux fléchettes avec son père avant que celui-ci ne meurt prématurément : comme ni lui ni son paternel n'effrayait personne en compétition, ils gagnaient à la surprise générale parce que les autres ne se méfiaient pas d'eux.
Depuis, Ted Lasso croit en lui et dans les gens qui lui font confiance, qui lui donnent sa chance. Car être gentil, c'est comme croire : ça ne coûte rien et ça réconforte. Si on perd malgré tout, alors il applique la "goldfish method" (la méthode du poisson rouge) : on oublie tout et on repart pour un tour, jusqu'à ce que ça marche. Dès lors, Ted Lasso va se mettre dans la poche même ses plus farouches adversaires : sa patronne à qui il pardonne ses crasses parce que elle comme lui traversent une mauvaise année avec leurs divorces ; les supporters de Richmond parce qu'ils sont des gens de condition modeste pour qui le foot est la seule évasion hebdomadaire, la seule passion ; ses joueurs parce que justement il est le seul à croire encore en eux.
Cela ne signifie pas que Ted Lasso se résume à l'histoire d'un homme qui ne voit que le bon côté des choses et sourit béatement (bêtement ?) à la vie, même quand celle-ci lui glisse des peaux de banane sous les pieds. Un soir de victoire, Rebecca Welton offre une soirée en boîte à toute l'équipe. Un karaoké est organisé et alors que tout le monde chante de bon coeur, Ted est pris d'une crise de panique. Il rentre chez lui après avoir picolé et couche avec une amie d'enfance de son employeuse. Le lendemain, il reçoit des relances par textos de l'avocat de sa femme pour renvoyer les papiers de leur divorce. Il comprend qu'il ne gagnera pas ce match en continuant de le reporter, son couple va mal depuis longtemps, il faut tourner la page, appliquer à lui-même la méthode du poisson rouge. Il signe les papiers et les envoie.
Cette séquence est magnifique car elle montre Ted vulnérable, humain, terriblement attachant. On voit pour la première fois ce coach toujours souriant, positif, limite énervant, fendre l'armure et affronter son reflet dans le miroir. Il n'est pas infaillible, il n'est pas toujours bien dans sa peau, il joue un peu un numéro pour la galerie. Après ça, il s'autorise enfin à être lui-même en toutes circonstances : il ne veut plus seulement tout donner, il veut gagner, pour être heureux autant que les supporters. Ainsi il va être accepté et compris. Et se réconcilier avec lui, admettant même avoir pris du plaisir avec une autre femme (même s'il ignore s'il la reverra).
Et cela rejaillit sur son entourage : Nate va lui aussi s'affirmer, le coach Beard se rendre compte qu'il n'y a pas que le jeu dans l'existence, Rebecca qu'elle ne veut pas que Richmond soit relégué, Roy finir sa dernière saison en beauté...
Les acteurs anglais sont formidables, ça on le savait, mais le charme ici, c'est de les voir entourer un acteur américain et d'observer le malicieux contraste entre eux, de faire de ce contraste un ressort comique efficace mais surtout un échange constructif entre deux manières de jouer. Hannah Waddingham incarne une femme forte mais amère qui va reconnaître se tromper d'ennemi et de cause, avec beaucoup de classe. Juno Temple est très drôle et charmante en groupie avec quand même beaucoup de tempérament. Brett Goldstein et Phil Dunster forment un duo imparable en vétéran râleur et en jeunot insolent. Et c'est chouette de revoir Anthony Stewart Head, le Giles de Buffy contre les vampires, en vieux beau qui nargue son ex au bras de la bombe Keeley Hazell.
Mais bien entendu, ce show ne serait pas ce qu'il est sans Jason Sudeikis. Par chez nous, ce n'est pas une star alors qu'aux Etats-Unis, c'est l'archétype du comédien habitué aux rôles de brave type, qui fut même en couple avec le superbe Olivia Wilde. Ce rôle, c'est celui de sa vie, il se l'est écrit et il le campe avec un naturel impeccable. Vous n'allez pas aimer Ted Lasso vous allez avoir envie de l'avoir comme ami. Il est impossible de lui résister. C'est le héros le plus sympa qu'on ait vu à la télé depuis des lustres.
Alors que la saison 3 est actuellement diffusée, je ne vais pas tarder à me lancer dans la 2 (peut-être ferais-je quand même un crochet par autre chose avant, histoire de ne pas tout regarder trop vite). Mais j'espère que mon coup de coeur sera partagé.
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