Comme il y aura très peu de nouveautés comics à critiquer la semaine prochaine, je vais alimenter ce blog avec quelques films et séries que j'ai regardés ces derniers temps. Même s'il faut bien l'avouer, tout ne relève pas du chef d'oeuvre, comme Ghosted, survendu par Apple + sur les noms de ses deux vedettes, Ana de Armas et Chris Evans, qui sont réunis pour la troisième fois à l'écran. Hélas ! dans un long métrage qui n'est pas à leur niveau...
Sadie Rhodes rencontre Cole Turner, un charmant agriculteur sur un marché aux fleurs. Il tombe sous le charme et la convainc de lui laisser la guider en ville pour la journée. Elle se dit conservatrice de musée, sans cesse en déplacement, suggérant ainsi qu'elle ne souhaite pas s'engager dans une relation longue durée. Après une nuit passée ensemble, elle promet pourtant de le rappeler.
Cole y croit et ses parents l'encouragent, même si sa soeur se moque de lui et le met en garde car il ne cesse d'envoyer des textos à Sadie. Comme elle ne lui répond pas, il pense qu'elle l'a "ghosté", mais refuse d'en rester là. Ayant oublié son inhalateur dans le sac de Sadie, il peut la géolocaliser grâce à une puce GPS sur l'appareil et part sur un coup de tête la rejoindre à Londres.
Mais à peine arrivé dans la capitale britannique, Cole est enlevé par des malfrats et interrogé au sujet d'un code secret car on le prend pour le "Taxman", un espion réputé. C'est alors que Sadie débarque et tue les ravisseurs de Cole puis s'enfuit avec lui. Elle lui révèle être le "Taxman" et traquer Leveque, un traître des services secrets français, sur le point de vendre à Utami une arme biologique, l'Aztec, contenue dans une valise qu'on ne peut ouvrir qu'avec un code.
Sadie tente de rapatrier Cole mais plusieurs chasseurs de primes les traque, lui et Sadie, pour le compte de Leveque et Utami. Ils vont être obligés de s'allier pour confondre leurs ennemis et empêcher leur transaction...
Après Knives Out (Rian Johnson, 2019) et The Gray Man (Joe et Anthony Russo, 2022), Ghosted marque donc les retrouvailles de Ana de Armas et Chris Evans devant la caméra de Dexter Fletcher (Rocketman, 2019) cette fois-ci. Apple + a produit ce long métrage directement pour le streaming en s'appuyant sur la renommée des deux comédiens et leur alchimie. Mais le compte n'y est pas vraiment...
Vendu comme une comédie d'espionnage, pleine d'action et de romantisme, Ghosted avait tout pour séduire sur le papier, même si son programme n'avait absolument rien d'original. On pourrait citer Knight and Day (James Mangold, 2009) ou True Lies (James Cameron, 1994) comme inspirations explicites puisque l'argument de départ est identique : un couple se forme, mais l'un des deux dissimule à l'autre sa véritable activité, et quand un méchant s'en mêle, tout bascule.
C'est ce qui se passe ici, mais sans la fantaisie débridée ni la garantie du grand spectacle qu'on trouvait dans les films de Mangold et Cameron. Malgré l'argent dont dispose Apple +, on sent bien que tout a été financé à l'économie et manque singulièrement d'envergure et de rigueur. Deux ingrédients indispensables pour satisfaire le public habitué à ce genre de récit.
En vérité, ça part mal dès le début car on a l'impression que les scénaristes (pas moins de quatre : Chris McKenna, Erik Sommers, Rhett Reese et Paul Wernick - ces deux derniers ayant rédigé le pitch) ne savent pas caractériser le héros masculin. Faire de Chris Evans, l'ex-Captain America du MCU, un agriculteur qui vend des fleurs faute d'avoir fini sa thèse, n'est pas une bonne idée tant l'acteur ne correspond pas à l'idée qu'on peut se faire de pareil personnage. Soit il aurait fallu lui trouver une profession un peu plus définie, soit il aurait fallu caster un autre comédien, mais ça ne fonctionne tout simplement pas.
Mais Evans a du charme à revendre et c'est au moins ça : on sympathise immédiatement avec lui, on souhaite qu'il séduise Ana de Armas et on ne doute pas quand il y parvient, sans quoi tout serait vraiment tombé à l'eau. Par ailleurs, contrairement à ce que certains cinéphiles auto-proclamés ont décrété, ce n'est pas parce que Evans a acquis sa célébrité en campant des super-héros qu'il est un mauvais acteur : son jeu est sobre, avec un zeste de malice et d'auto-dérision bienvenu, qui donne à l'ensemble un air de "on dirait que je suis...".
Passé le début un peu laborieux du film, laborieux parce que trop long (Ghosted dure 1h. 50 et aurait gagné à être plus concis, plus nerveux), une fois que le personnage d'Evans part à Londres et que l'intrigue démarre vraiment, l'entreprise reprend des couleurs. Cela coïncide avec la révélation du métier du personnage incarnée par Ana de Armas.
L'actrice cubaine est toujours aussi belle, quoi qu'elle fasse, quelle que soit la situation, et quand bien même aspire-t-elle désormais à diversifier ses expériences au cinéma, elle est fabuleusement à l'aide dans le registre de l'action où elle s'est révélée dans le dernier James Bond (Mourir peut attendre, 2021), puis dans The Gray Man avant de la découvrir dans Ballerina (spin-off de la saga John Wick). Malgré son gabarit qui n'a rien d'athlétique, elle évolue dans les scènes de combat avec un mélange de hargne et de grâce tout à fait remarquable et jubilatoire.
D'une certaine manière, alors que Ghosted s'est monté sur le nom de Chris Evans (dont le nom figure en premier au générique), c'est bien Ana de Armas qui fait décoller le film et en devient la pilote. Son charisme naturel fait le reste. Le scénario s'appuie beaucoup sur le quiproquo qui veut que "madame porte la culotte" (ou dégaine les flingues, si vous préférez) alors que le cinéma d'action privilégie la figure mâle dans ce cas-là. Evans subit les événements et se défend comme il peut, ce qui constitue un renversement comique pour celui qui a été le premier des Avengers.
Mais c'est aussi par là que le bat blesse car Dexter Fletcher ne peut s'empêcher de montrer que sa star masculine sait se défendre et, miraculeusement, on le voit manier le pistolet et balancer des coups de poings avec une adresse étonnante pour un type qui vend des fleurs et abhorre la violence. Si, par exemple, un twist scénaristique avait révélé que Sadie n'était pas le "Taxman" mais que Cole l'était en réalité, expliquant qu'il s'agissait d'un espion certes réputé mais retiré, un peu comme dans l'excellent Anthony Zimmer (Jérôme Salle, 2005), non seulement cela aurait donné à tout le film une autre allure mais aurait surtout justifié les compétences physiques du personnage de Chris Evans.
Ghosted ressemble à un catalogue d'idées mal exploitées, que le spectateur espère mais ne voit jamais arriver. On ne s'ennuie pas mais on n'est jamais surpris - si ce n'est pas les caméos (car Evans a passé quelques coups de fil aux copains pour des apparitions savoureuses, que je vous laisse découvrir). Seule la scène finale dans le restaurant circulaire en hauteur et le règlement de comptes qui s'y déroule nous fait vibrer, mais c'est trop tard. Dommage, surtout pour Adrien Brody qui dans son rôle de méchant n'a rien à défendre (et qui lui aussi d'ailleurs retrouve de Armas après Blonde) : Leveque manque trop d'épaisseur pour faire peur, il ne paraît jamais en mesure de vraiment pouvoir battre ceux à qui il s'attaque.
Dexter Fletcher est un cinéaste passe-partout qui avait inspiré de l'espoir avec son biopic sur Elton John (Rocketman), mais c'est justement quand un réalisateur a moins de matière sous la main qu'on peut vérifier s'il peut livrer un film accrocheur. Or, Ghosted met en lumière les insuffisances de Fletcher et laisse les commandes à ses deux stars qui, heureusement pour nous, et contrairement à ce que d'autres critiques affirment, forment un tandem du tonnerre, avec un alchimie rare.
Chris Evans risque de devoir attendre encore avant de décrocher le rôle qui fera oublier Captain America (alors qu'il était si bon en bad guy dans The Gray Man l'an dernier). Ana de Armas est trop irrésistible pour que cela freine son ascension. Une belle occasion manquée tout de même.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire